Il est un débat récurent dans les cercles dissidents, que d’opposer
nos points de vue sur le recours à la violence révolutionnaire ou
non. Les uns prétendent « qu’aucune Révolution n’a
jamais été réussie sans violence » ; les autres (dont je fais partie), opposent toute
une somme d’arguments, sur lesquels je vais évidemment avoir
l’occasion de revenir. Toutefois, ce billet ne prétend pas
condamner le recours à la violence légitime sur des critères
moraux, éthiques ou mêmes juridiques, mais simplement approfondir
la question pour tenter de démontrer que ce mode d’action, n’a
de sens que lorsqu’un certain nombre de conditions sont réunies.
Commençons
par signifier que pour les juristes, le droit de résistance se
conjugue naturellement avec le recours à la violence. Si les
penseurs de l’Antiquité méditaient le recours à la légitime
défense, c’est durant la Renaissance que la notion plus large de
droit de résistance devient l’objet des discussions intimes des
philosophes. John Locke en particulier, écrit dans son traité
du gouvernement civil :
« Quoi, dira-t-on, on peut donc s'opposer
aux commandements et aux ordres d'un Prince ? On peut lui résister
toutes les fois qu'on se croira maltraité, et qu'on s'imaginera
qu'il n'a pas droit de faire ce qu'il fait ? S'il était permis d'en
user de la sorte, toutes les sociétés seraient bientôt renversées
et détruites ; et, au lieu de voir quelque gouvernement et quelque
ordre, on ne verrait qu'anarchie et confusion.
Je réponds qu'on ne doit opposer la force qu'à
la force injuste et illégitime, et à la violence ; que quiconque
résiste dans quelque autre cas, s'attire une juste condamnation,
tant de la part de Dieu que de la part des hommes ; et qu'il ne
s'ensuit point que toutes les fois qu'on s'opposera aux entreprises
d'un Souverain, il en doive résister des malheurs et de confusion ».
Le penseur anglais tente de se montrer prévenant. Si le droit de résistance peut
être employé lorsque « le Prince » abuse d’une
violence arbitraire contre son peuple, on ne peut invoquer ce droit
naturel public, pour des motifs politiques particuliers ou des
raisons futiles. John Locke est contemporain de la « Glorieuse
Révolution ». Il sait par l’expérience, que lorsqu’une
grande partie du peuple se soulève et abolit tous ses
conditionnements habituels, le chaos et l’ivresse du sang qui
l’accompagne, peut s’avérer pire encore que la période de
tyrannie que l’on cherche à renverser.
Et
Thomas Jefferson ne dira pas autre chose lorsqu’il rédigera la
Déclaration d’Indépendance des États-Unis d’Amérique :
« Nous tenons pour évidentes pour
elles-mêmes les vérités suivantes : tous les hommes sont créés
égaux ; ils sont doués par le Créateur de certains droits
inaliénables; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la
recherche du bonheur. Les gouvernements sont établis parmi les
hommes pour garantir ces droits, et leur juste pouvoir émane du
consentement des gouvernés. Toutes les fois qu'une forme de
gouvernement devient destructive de ce but, le peuple a le droit de
la changer ou de l'abolir et d'établir un nouveau gouvernement, en
le fondant sur les principes et en l'organisant en la forme qui lui
paraîtront les plus propres à lui donner la sûreté et le bonheur.
La prudence enseigne, à la vérité, que les gouvernements
établis depuis longtemps ne doivent pas être changés pour des
causes légères et passagères, et l'expérience de tous les temps a
montré, en effet, que les hommes sont plus disposés à tolérer des
maux supportables qu'à se faire justice à eux-mêmes en abolissant
les formes auxquelles ils sont accoutumés.
Mais lorsqu'une longue suite d'abus et
d'usurpations, tendant invariablement au même but, marque le dessein
de les soumettre au despotisme absolu, il est de leur droit, il est
de leur devoir de rejeter un tel gouvernement et de pourvoir, par de
nouvelles sauvegardes, à leur sécurité future. »
Les Français
seront les héritiers de ce courant culturel et philosophique,
notamment lorsqu’ils
proclameront au plus fort de la Révolution,
que « le droit de résistance est la conséquence des
autres droits de l’Homme ».
Ces textes qui consacrent les libertés publiques et individuelles,
visent en premier lieu à avertir les gouvernants, que les abus
qu’ils pourraient commettre contre les grands principes de
souveraineté nationale, de liberté d’expression, de droit à la
vie, de justice égale pour tous, etc. ; ne pourront
qu’entraîner une ire populaire qu’ils seront bien en mal de
canaliser par la suite. Et l’insurrection qui en découlera, sera
considérée comme légitime, légale, et sacrée :
« Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs ».
On
pourrait se dire (et ce serait le discours qu’adopterait volontiers
nos politiciens), que ces perceptions philosophiques sur le droit de
résistance, sont d’un autre âge, et qu’aujourd’hui, elles
sont désormais obsolètes puisque nous sommes sous le régime d’un
"état de droit". Rien n’est plus faux cependant.
En
1946, lorsque l’ONU est instituée, les nations travaillent à une
déclaration universelle des droits de l’Homme qui puisse faire
consensus. Le seul prix Nobel de la Paix français que nous ayons, le
si injustement oublié René Cassin, y prend une part très active.
Il rédige ainsi un article qui malheureusement, ne sera pas retenu
du fait des veto américains et soviétiques de l’époque, mais qui
est pourtant la forme la plus précise qui puisse exister sur le
droit de résistance :
« Lorsqu'un régime foule gravement ou systématiquement
les droits et libertés fondamentales de l'homme, les individus et
les peuples possèdent, sans préjudice d'un appel aux Nations Unies,
le droit de résister à l'oppression et à la tyrannie »
Plus récemment encore, ce sont
différentes constitutions européennes qui se sont dotées du droit
de résistance. La première revendique le recours à une
résistance pouvant user de tous les moyens possibles (y compris la
violence), mais fait appel
aussi au patriotisme du peuple (son unité) pour qu’elle puisse
être exercée. Il s’agit de l’article 120 de la constitution
hellène :
« l’observation de la Constitution est confiée au
patriotisme des Hellènes, qui ont le droit et le devoir de résister
par tous les moyens contre toute personne poursuivant son abolition
par la violence »
Une autre
constitution revient cependant aux grands principes évoqués par
Locke et Jefferson, à savoir la loi fondamentale allemande, qui dans
son article 20 dispose que :
1) « La République fédérale d'Allemagne est un État fédéral démocratique et social.
1) « La République fédérale d'Allemagne est un État fédéral démocratique et social.
2) Tout pouvoir
d’État émane du Peuple. Le Peuple l'exerce au moyen
d'élections et de votations, et par des organes spéciaux investis
des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire.
3) Le pouvoir
législatif est lié par l'ordre constitutionnel, les pouvoirs
exécutif et judiciaire sont liés par la loi et le droit.
4) Tous les
Allemands ont le droit de résister à quiconque entreprendra de
renverser cet ordre, s'il n'y a pas d'autre remède possible ».
Et
vous pourrez vous amuser à chercher sur internet des réflexions de
juristes comme par exemple les excellents articles publiés par Geneviève Koubi, vous vous rendrez compte, que le droit de
résistance, outre le fait qu’il soit constitutionnalisé en France
et ailleurs en Europe, est un droit qui est nécessairement « hors
la loi », puisque
visant à renverser les injustices sociales et démocratiques qu’une
tyrannie institue, par la loi justement.
Je
reviens cependant à la pensée germanique de ce droit, qui me paraît
tout à fait en phase avec la logique insurrectionnelle qui doit être
la notre. En effet, les Allemands considèrent que le recours au
droit de résistance (et à la violence qui l’accompagne), ne peut
être envisagé que lorsqu’il n’y « plus
d’autre remède possible ». Ce
qui signifie que lorsqu’un peuple dispose d’outils légaux à sa
disposition lui permettant de renverser la tyrannie qui l’opprime,
il se doit de les employer pour commencer. C’est une façon de
procéder par élimination en vérité. Les politiciens nous
évoqueront ainsi le juste recours aux élections, mais nous savons
qu’elles sont viciées. Pour ma part, je proclame que nous pouvons
toujours nous rassembler légalement et pacifiquement devant les
grands médias nationaux (sources de la propagande du régime
despotique actuel), devant le parlement, mais aussi instituer des
tribunaux populaires pour faire juger publiquement les responsables
politiques de nos maux, ou encore résister en jouant des symboles
qu’affectionne tant notre oligarchie, à savoir « le
drapeau européen »
(qu’il nous faut retirer de l’espace public) ou encore en
francisant nos billets de banque. Ce ne sont pas les seuls moyens
légaux de nous battre, mais ils sont parfaitement concrets,
visibles, et dérangeants pour notre oligarchie régnante.
Pourtant,
à l’égal d’un très grand nombre d’entre nous, ma colère est
si grande, que j’aspire moi-même à recourir à la violence. Je
n’ai aucun problème éthique ou moral à l’idée d’ôter la
vie à nos oligarques. Mais outre le fait que je suis en phase avec
l’idée que nous devons d’abord abattre toutes les cartes
« légales »
à notre disposition, cela du fait que je craigne tout comme ce cher Locke,
un chaos plus pénible au peuple que le joug même de la tyrannie que
nous nous devons de renverser, et qu’en outre, c’est une
graduation de la lutte qui permet de légitimer le recours à la force en dernier lieu ; il y’a une raison plus évidente à
ne pas céder à la tentation de la violence insurrectionnelle pour
le moment :
Nous
ne sommes pas prêts !
Celles et ceux qui défendent la
logique du recours immédiat à la violence insurrectionnelle, font
remarquer que les « pacifistes »,
n’ont pour le moment rien obtenu. Ce à quoi je leur objecte que
les individus les plus violents, n’ont rien obtenu eux non plus. Et
chacun d’entre nous avons raison d’une certaine façon. Si les
moyens « légaux »
que je défends ne débouchent sur aucune avancée claire, c’est
parce que nous ne sommes pas assez nombreux à y recourir. Et mon
opposition plus encline à la violence, formule la même
explication : ils ne sont pas assez nombreux, et même
clairement rejetés par la majorité des « Gilets
Jaunes ».
Et ce n’est pas sans raison :
la majorité des gens répugne à la violence, et n'est pas prête
à en supporter les risques évidents pour leur Liberté au mieux,
pour leur Vie dans le pire des cas. Ce qui légitime de mon point de
vue, le recours aux solutions « pacifiques »
que je préconise. Elles n’ont certes pas beaucoup de relais
d’opinion pour en faire la promotion (et c’est pourquoi nous
sommes si peux nombreux), mais elles ont le mérite de porter la
revendication insurrectionnelle en elles-même (le renversement de la
tyrannie et de son ordre juridique), et d’épuiser les dernières
cartes opérationnelles acceptables que nous ayons, et peut-être
même, nous préparer à aller plus loin encore si cela devait
s’avérer nécessaire.
Car le recours à la violence
collective exige nécessairement d’accepter en premier lieu de
tuer. Il ne faut pas se bercer d’illusions, la violence des masses
n’est efficiente que lorsqu’elle est capable de mettre en déroute
la force publique au service de l’oligarchie. Or, un tel
déferlement de violence supposera en réaction, le recours à la
légitime défense pour des femmes et hommes que nous savons armés,
équipés et formés à l’usage de la force. En outre, il y’a
tout de même une difficulté éthique que l’on ne peut ignorer :
s’il se trouve dans la Police Nationale, de parfaits salopards qui
méritent d’être jetés en prison pour leurs crimes contre le
peuple, il y’a aussi d’honnêtes gens qui ont tout simplement
peur de perdre leur emploi, et de ne plus pouvoir assurer leurs
devoirs de pères ou mères de famille. Il y’a aussi des personnes
qui s’efforcent de faire leur métier sans jamais violer la loi ou
leur morale propre vis-à-vis du peuple qu’ils sont sensés servir,
mais qui restent conditionnés à l’obéissance servile à leur
hiérarchie. Ils ne pensent pas à mal. Ils n’ont pas le sentiment
de défendre un régime despotique, ils ont le sentiment de défendre
la loi, l’ordre public, et de se contenter d’obéir à des
consignes qu’ils espèrent justifiées. Voilà qui nous devrons
supprimer en suffisamment grand nombre, pour briser le dernier
rempart supportant la tyrannie en exercice. Et avant même de faire
l’état des lieux des armes qui sont à notre disposition, combien
d’entre nous sont prêts à tuer outre des politiciens
malveillants, des policiers ? Combien sont prêts à prendre le
risque de mourir pour la cause révolutionnaire, ou à minima de
finir leurs jours en prison ?
Dès
lors que, chantres ou non de la violence révolutionnaire, nous
sommes conscients que la majorité d’entre nous n’est pas prête
à assumer de tels risques, mais aussi de telles difficultés morales
et éthiques (ce n’est tout de même pas la même chose qu’ôter
la vie à un fonctionnaire exécutant les ordres de sa hiérarchie,
et occire un politicien pleinement responsable de l’oppression que
nous subissons), c’est donc que le recours à la violence n’est
pas encore possible, ni souhaitable. Nous avons d’autres cartes à
abattre contre l’oligarchie et elles ont pour effet attendu de la
renverser, si nous sommes nombreux et acceptons une certaine
auto-discipline dans nos actes. En outre, elles ont pour avantage
d’organiser et solidariser plus sensiblement les insurgés, leur
donner le sentiment qu’ils n’auront exclu « aucun
remède possible » pour
rétablir nos droits et libertés publiques, et laisseront la porte
ouverte, le cas échéant, à une possible violence révolutionnaire.
Car celle-ci ne peut qu’être alimentée à la fois par la
frustration de
ne pas réussir à obtenir la révocation d’un gouvernement
contesté par les moyens les plus « pacifiques »
qui soient, mais aussi par une organisation et une solidarité
renforcées par les épreuves traversées ensemble dans ce but.
Raison pour laquelle, je vous appelle à m’entendre lorsque je vous
encourage à venir nous renforcer en premier lieu devant les centres
de pouvoir que sont les médias et le parlement ; à ne pas
hésiter à donner un peu de vos deniers pour payer une petite armée
d’avocats afin d’organiser au plus vite les tribunaux
populaires ; et ne pas hésiter à décrocher tous les symboles
qu’affectionne l’ennemi qu’il n’hésite d'ailleurs pas à ériger ostensiblement jusque
sur le fronton de nos écoles publiques.
Je
ne suis pas « pacifiste »,
je ne l’ai jamais été, je pense juste analyser la situation
froidement et proposer une graduation acceptable de notre résistance
à l’oppression.
En espérant m'être bien fait comprendre d'un certain nombre de résistants, acceptez mes voeux de fraternité et d'intelligence collective dans la lutte.
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