lundi 28 juin 2021

Procès d'Emmanuel Macron - Affaire Alstom : PARTIE IV/IV

Seconde réquisition ici

RÉPONSE A LA TRAHISON

Le Juge : Merci Mme/M. Le procureur, je vais donc laisser Maître […] conclure sa plaidoirie pour défendre l’honneur de M. Macron, avant de proposer à votre souveraine assemblée, de rendre son verdict. Maître […], c’est à vous !

L’avocat de la défense :

Madame, monsieur le Juge, mesdames, messieurs les jurés, je compte ici vous livrer un argument juridique qui se suffirait à lui-même pour invalider les accusations du ministère public en haute trahison. Il est signifié page 41 rapport de la « Commission d’enquête chargée d’examiner les décisions de l’État en matière de politique industrielle » que :


La co-entreprise nucléaire « GEAST » et les garanties relatives au nucléaire civil GEAST regroupe les activités de deux des filiales d’Alstom : Alstom Power System et Alstom Power Services. GE détient 50 % +2 voix des droits de vote de GEAST, et 80 % du capital social de GEAST. Alstom détient le reste.

Si elle est dirigée opérationnellement par GE, la moitié au moins des membres de son conseil d’administration est français, ainsi que son directeur général et son directeur technique. Un des membres du conseil d’administration est nommé par l’État. L’État dispose d’une action spécifique (golden share) lui conférant un droit de véto pour toute décision qui affecterait l’intégrité et la continuité de l’offre industrielle de GEAST autour de l’îlot conventionnel.

Afin de préserver encore davantage l’activité stratégique du nucléaire civil, des accords de pérennité ont été conclus en 2014 et leur application est suivie de près par un comité de pilotage regroupant GEAST, Alstom et l’État : l’accord-cadre signé entre l’État, GE, Alstom et EDF prévoit la poursuite, le renouvellement ou la mise en place de contrats de longue durée entre EDF et GE pour l’ensemble des activités nécessaires au maintien en condition opérationnelle du parc nucléaire d’EDF. Il est complété par un accord de licence qui concède à une société dédiée, propriété à 100 % de l’État français, une licence sur les droits de propriété intellectuelle existants et à venir d’Alstom. L’État aura donc la faculté d’accorder une licence à EDF pour lui permettre d’assurer la maintenance des centrales en cas de défaillance de GE

Que nous dit en substance cet extrait du rapport de la Commission d’enquête animé par M. Marleix ? En premier lieu, que les accords contractés entre le gouvernement et General Electric, prévoient que le conseil d’administration œuvrant sur les entités qui ont été cédées au groupe américain, se doit non seulement de rester à 50 % français. Dans ce conseil d’administration, il y a au moins un représentant de l’État français. Mais ce n’est pas tout ! Une autre clause, prévoit que l’État français détient une action en or sur la branche de désormais General Electric, qui fabrique les turbines et équipements dédiés à notre industrie nucléaire civile et militaire. Cela signifie qu’à tout moment, même en tant qu’actionnaire minoritaire, l’État peut s’opposer à des décisions de General Electric qui pourraient affecter nos intérêts stratégiques. Mais ce n’est pas tout ! Une autre clause encore, permet à l’État de rester propriétaire intégralement sur les brevets concernant les technologies les plus sensibles qu’Alstom cède à General Electric.

Ce ne sont sans doute pas les mêmes clauses qui régissent un conflit entre le groupe Volkswagen et l’État français depuis janvier 2021, mais lorsque la multinationale a fait savoir qu’elle envisageait des suppressions d’emploi sur son site de St Nazaire qui fabrique les moteurs diesel de secours équipant nos sous-marins, Bruno Lemaire et Florence Parly, respectivement ministres de l’économie et de la défense, ont rappelé à l’ordre Volkswagen sur les engagements contractuels qui avaient été signés pour maintenir la production de ces équipements en France. Cela ne signifie pas que l’État s’impose d’être l’actionnaire majoritaire de ce site industriel. Mais que l’État s’autorise un droit de regard et le cas échéant, peut faire jouer des clauses permettant d’obliger un industriel à maintenir sa production en France.

C’est d’ailleurs ce qu’a parfaitement expliqué David Azema à la Commission d’enquête animée par M. Marleix :

« Parmi toutes les entreprises françaises remarquables, que ce soit au titre de l’emploi dans notre pays, de la recherche et développement, ou du caractère stratégique de leurs productions, seule une petite poignée compte l’État parmi ses actionnaires. Et même si l’État n’est pas au capital de ces entreprises, des questions de politique industrielle peuvent s’y poser : l’État n’était pas au capital d’Alstom avant que ne soit annoncée l’opération de General Electric (GE). Toutes ces entreprises n’ont pas l’État à leur capital, et pourtant, ce sont des objets de politique industrielle potentiels. Il n’y a pas de corrélation entre l’intérêt stratégique d’une entreprise, la nécessité éventuelle de la protéger, et la présence ou non de l’État au capital. […]

La puissance publique dispose de moyens beaucoup plus simples d’influer sur la stratégie des entreprises. Pratiquement aucune entreprise stratégique américaine n’a l’État à son capital. Faut-il en conclure que les États-Unis ne savent pas défendre leurs intérêts stratégiques ou leur politique industrielle ? C’est exactement l’inverse. Et c’est aussi le cas d’autres grandes puissances industrielles : en Allemagne, l’État fédéral n’entre au capital des entreprises publiques qu’avec énormément de précautions, même si beaucoup d’institutions de moindre rang le font. Il a d’ailleurs été assez difficile de convaincre l’État fédéral allemand d’entrer au capital d’Airbus au moment où Daimler en est sorti ; il était beaucoup plus naturel pour le gouvernement allemand de considérer que Daimler portait les intérêts allemands au sein d’Airbus, et il ne lui paraissait pas nécessaire d’en être directement actionnaire. D’ailleurs, l’État allemand n’est pas actionnaire direct, mais par l’intermédiaire de sa caisse des dépôts, la Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW). Troisième exemple, le Japon, notoirement connu pour avoir une stratégie et une politique industrielle : le gouvernement japonais n’a pas de participation dans les entreprises. Ces comparaisons internationales montrent que de nombreux outils autres que l’actionnariat direct peuvent être utilisés pour déployer une politique industrielle ».

Et M. Azema de lister au final les outils qui permettent à l’État de conserver un contrôle réel sur son industrie stratégique à moindre frais et sans interférer avec les nécessités d’entreprise :

1) Réduire au maximum le nombre de représentants de l’État impliqués dans la veille et la négociation entre les représentants d’industries stratégiques et l’État. Cela afin d’éviter des fuites d’informations sensibles, mais aussi les contradictions, redondances inutiles et l’illisibilité de l’action publique sur nos industries les plus sensibles.

2) Assurer la continuité de la commande publique sur le temps long, obligeant les industries que nous souhaitons conserver sur notre sol, à maintenir leur production de facto.

3) Enfin et nous en venons à ce qui a été précisément fait pour Alstom : s’assurer que des contraintes réglementaires et juridiques s’imposent aux entreprises les plus stratégiques. C’est bien ici que nous pouvons voir l’État dégainer ses munitions les plus décisives en cas de litige comme c’est le cas actuellement avec le groupe Volkswagen.

Si messieurs Macron, Hollande et tant d’autres responsables gouvernementaux avaient eu en tête de trahir la France, pourquoi se sont-ils assurés que la vente d’Alstom Energie à General Electric, soit assortie de clauses juridiques très contraignantes et qui engagent le groupe américain à maintenir la production des équipements nécessaires à notre industrie nucléaire et militaire ?

Je viens ici de prouver que non seulement, sur le plan factuel, M. Macron comme le reste du pouvoir exécutif de l’époque, s’est assuré que l’État maintienne un contrôle réel sur la production industrielle la plus sensible de la part d’Alstom cédée à General Electric, mais en outre, puisque ces clauses garde-fous pour l’État ont été rédigées par la puissance publique et signées par les parties contractantes, il n’y a aucun élément d’intentionnalité à faire valoir justifiant le crime de trahison. Je pourrais m’arrêter ici sur ce volet si sensible de la discussion judiciaire, mais puisque le ministère public s’est arrangé pour se montrer démesurément long dans l’espoir de nous faire adopter son point de vue, je compte bien répondre de façon tout aussi exhaustive aux réquisitions du procureur.

Le ministère public a en effet rappelé que l’article 151-3 du Code monétaire et financier oblige le ministre de l’économie à autoriser ou non les investissements étrangers dans une entreprise en France, si cette dernière est active dans la recherche, la production d’armes, de munitions et substances explosives, ou que ses activités peuvent porter atteinte à la sécurité publique ou aux intérêts de la défense nationale. Et c’est précisément ce qui fut fait ! Le ministre de l’économie a joué son rôle en publiant un décret non seulement pour s’armer juridiquement dans sa négociation, mais a respecté l’article 151-3 du Code monétaire et financier, en imposant des clauses protectrices de nos intérêts nationaux auprès de General Electric. La loi en ce sens a été parfaitement respectée dans sa lettre par le gouvernement.

Mme/M le Procureur de la République est revenu ensuite sur la stratégie de défense dite « tous azimuts » en omettant de signifier qu’elle n’a aucun caractère réglementaire. Cette doctrine de défense était tout à fait compréhensible à une époque où la France développait sa technologie nucléaire, tout en cherchant une position d’équilibre avec les grandes puissances de ce monde. Mais aujourd’hui, peut-on décemment dire que cette doctrine de défense qui vise à considérer que chaque pays est un potentiel ennemi, a encore du sens ? Nous sommes dans l’OTAN ce qui signifie que nos alliés, que cela heurte ou non certains esprits chagrin, sont les États-Unis d’Amérique. Je vous ferais remarquer que des pays européens ne disposant pas de l’arme nucléaire, bénéficient de la protection des USA sans qu’il leur soit nécessaire d’entretenir une coûteuse technologie grévant leur budget y compris en matière de défense. Sachant que l’arme nucléaire n’a plus de raison d’être utilisée un jour, puisqu’il en résulterait une destruction mutuelle des parties en conflit. On peut même dire qu’un pays qui ne dispose pas de cet armement n’a pas de raison de s’inquiéter qu’on fasse usage d’une telle technologie contre lui. Nous reprochons aux USA d’avoir exporté la démocratie au Vietnam, en Irak, en Afghanistan ou en Syrie. Aucun de ces pays n’est une puissance nucléaire. De fait, les Américains n’avaient pas d’autre choix moral que de faire usage de moyens militaires plus conventionnels, pour affronter ces nations. Et vous savez quoi ? Les Vietnamiens sont tout de même parvenus à épuiser moralement et financièrement les USA au point que l’Armée américaine n’a pas eu d’autre choix que de se retirer.

Pour notre propre part, puisqu’avec des adversaires historiques comme l’Allemagne et dans une moindre mesure le Royaume-Uni, nous sommes désormais engagés dans l’OTAN, nous n’avons même plus de raison de nous inquiéter d’un potentiel conflit futur avec ces nations. Alors que la Russie qui occupe tout de même une vaste part du continent eurasien, pourrait vouloir un jour poursuivre cette extension jusqu’à l’extrémité occidentale du continent. Alors que rien ne laisse à penser que les USA pour leur part, aient un quelconque intérêt à s’établir sur le continent européen. On peut effectivement condamner leur agressivité avec un certain nombre de pays producteurs de pétrole qui ont préféré entretenir une attitude de défiance face à l’impérialisme américain, mais nous ne sommes pas concernés d’une part, ni même honnêtement plus respectueux du droit international public que les USA en la matière. La France ne produisant pas de pétrole et étant officiellement partenaire des USA, les dirigeants américains chercheront toujours des moyens de nous tordre le bras sur quelques affaires de commerce, mais n’ont pas d’intérêt à nous envahir. De leur côté, la Russie et la Chine ne pouvant que tenir compte du parapluie américain sur les États-membres de l’OTAN, se garderont bien d’adopter une attitude offensive à notre égard. Alors oui, cette logique de bloc occidental contre un bloc russo-chinois, n’aide pas nécessairement à réchauffer nos relations avec les adversaires désignés par les Américains comme devant être aussi les nôtres. Mais les circonstances de l’Histoire ont fait que nos ennemis potentiels ne sont nullement tous les pays du monde, mais quelques pays en particulier. La stratégie de défense tous azimuts peut avoir du sens pour un pays comme la Suisse qui est restée indépendante de toute alliance militaire. Mais tel n’est pas le cas pour la France. Nous pouvons partager quelques secrets et technologies militaires avec les USA sans que cela nuise à la paix. Il n’y a aucune raison de penser qu’une hyperpuissance militaire puisse un jour vouloir les utiliser contre nous. Et les USA ne nous ont jamais attendu pour développer leurs propres turbines. Les dirigeants américains ne cessent de pousser leurs alliés européens à investir plus fortement dans leur propre armement. Ce qui signifie que chaque fois que la France s’équipe d’un nouveau sous-marin ou d’un nouveau type de missile, cela contente nos alliés. Ils ne souhaitent pas nous opposer des contraintes mais bien au contraire, se tiendront toujours prêts à nous aider en ce sens. General Electric donc, ne cherchera jamais à nuire à nos intérêts de défense, mais bien au contraire, à s’en faire le partenaire industriel résolu. Quant au fait que les Américains puissent connaître les propriétés acoustiques de nos sous-marin ou leur vitesse, en quoi est-ce gênant ? Toutes les oreilles d’or qui opèrent dans des sous-marin, savent reconnaître la nature des vaisseaux qu’ils croisent. Les Russes savent reconnaître le bruit d’un sous-marin français ou américain et inversement. Ce n’est pas tant la signature acoustique d’un navire qu’il s’agirait de camoufler. C’est davantage le fait de ne pas se faire entendre tout court sous l’océan qui compte.

RÉPONSE AU PACTE DE CORRUPTION

Madame/Monsieur le Procureur a aussi souhaité donner une bien maigre substance à son discours, en nous dressant la liste des personnes qui gravitaient autour de M. Macron et ses premiers soutiens dans la haute fonction publique ainsi que le monde des affaires. Oui son parti a obtenu le soutien de généreux donateurs qui lui ont fait confiance, car ne vous en déplaise messieurs dames : les riches ont aussi des convictions politiques. C’est donc leur droit le plus strict, et cela dans le respect des limites fixées par la loi, de contribuer au financement du parti politique de leur choix. On voudrait entendre que M. Macron était lui-même responsable ou co-responsable de la campagne de recherches de donations. Mais les courriels qu’a mentionnés le Procureur de la République témoignent bien que les équipes de campagne ont perçu une irrégularité du fait d’un généreux donateur un peu trop exalté, et se sont arrangés pour diviser la somme que souhaitait verser le militant en question, en deux chèques différents pour rester dans le cadre de la loi.

Un autre mail encore, cette fois-ci envoyé par Cédric O, le 31 août 2016 à d’autres coordinateurs de la levée de fonds. La dernière phrase de cet extrait est tout à fait saisissante :

La validation [des encaissements] porte uniquement sur les chèques supérieurs à 500€ ; elle se terminera à la cessation des fonctions de ministre d’Emmanuel ; La liste des noms des donateurs ayant effectué un chèque > à 500 € est transmise une fois par semaine via EM pour vérification (absence de conflits d’intérêt notamment).

Un autre échange de courriel témoigne du souci scrupuleux des équipes d’Emmanuel Macron, quant à la régularité du financement de leur campagne électorale, y compris sur les conflits d’intérêts. Ce mail daté du 15 septembre 2016 de la part d’Emmanuel Miquel à Alexis Kholer et Julien Denormandie, pour établir un processus de validation des donations :

L’idée est de simplifier ce processus compte tenu de l’évolution des fonctions d’EM, avec une validation ex post (i.e. une fois les sommes encaissées et non plus ex ante) sur la liste des donateurs ayant réalisé des dons > 1.5k€, afin de s’assurer néanmoins (i) de l’absence éventuelle de conflit d’intérêt (incompatibles avec les fonctions passées d’EM) et (ii) du caractère recommandable du donateur.

Et visiblement, les partenaires de la République en Marche, notamment le Crédit Agricole dont l’une des agences parisiennes où l’association avait établi son compte, n’hésitaient pas à assurer la veille sur la régularité des versements. En témoigne ce courriel de Cédric Boutier, conseiller au Crédit agricole, qui fera parvenir ce message d’alerte le 29 mars 2017 à Cédric O :

Nous nous interrogeons sur les mouvements reçus ci-dessous provenant visiblement de sociétés étrangères. Pour mémoire le financement de compte de parti est interdit pour des personnes morales sauf des partis ou associations politiques.

On entend ici et là que des partis politiques plus ou moins confidentiels ou d’autres plus médiatisés, mais aux accents populistes, ne trouveraient pas la visibilité et les armes financières nécessaires pour rivaliser avec les grands partis. Emmanuel Macron a fondé un grand parti ! C’est indéniable ! Sur les 380.000 personnes ayant accepté de communiquer leur mail sur le site internet du parti « La République en Marche », les estimations publiées par le journal « Le Monde », font état de 71.000 personnes ayant pris le temps de lire les statuts. Le 1er mars 2017, soit un mois avant le premier tour de la présidentielle, Cédric O adressait un mail aux équipes de campagne dont l’extrait suivant permet de donner une idée assez objective de l’engagement que suscitait « La République en Marche » à ses débuts :

« Le fait que nous communiquions peu sur nos besoins financiers, compte-tenu des montants à lever, nourrit les suspicions et les rumeurs négatives sur le financement du mouvement, alors que nous n’avons pas de tabou et prônons la transparence :  Or, la majorité des personnes n’ont pas confiance dans le financement et considèrent que seul les « grands donateurs » sont importants (« 7500 pour voir EM ») ;  Objectif : communiquer différemment sur la levée de fonds (casser l’image « CAC40 »), ce qui nous permettra de limiter les fausses rumeurs et d’avoir des éléments de riposte. ) Un besoin d’engagement / de vote : Tous les dons sont clés (il n’y a pas de « petits » dons), en termes de communication mais aussi d’engagement – et donc de vote. Le don via le site internet est au cœur de la levée de fonds puisqu’il draine 80% des donateurs. 1/3 des donateurs donnent moins de 30€, 2/3 moins de 60€. Le don médian est de 50€. Nous avons à fin janvier ~180,000 adhérents, pour ~20,000 donateurs, soit un taux de transformation limité à c.10%

Emmanuel Macron a su fédérer autour de lui des gens qui exercent traditionnellement des responsabilités importantes et ont l’habitude de manier des grands chiffres et de comprendre ce que le commun des mortels ne pourra jamais se projeter mentalement. Emmanuel Macron fait partie de l’élite de la nation. On n’accorde pas sa confiance à des profanes dans les milieux professionnels où à exercé ses talents Emmanuel Macron. Croyez-vous que « Jojo le Gilet Jaune » soit capable d’administrer l’État face à un haut-fonctionnaire ayant eu à traiter des dossiers pesant des milliards d’euros, tant dans sa vie professionnelle que politique ? Pardonnez-moi de vouloir ramener chacun à des réalités objectives, mais tout le monde n’a pas la capacité de tenir les rênes de l’État. Et pour arriver à de tels niveaux de pouvoir, il faut non seulement faire ses preuves dans son cursus universitaire, mais aussi être capable de séduire des gens plus brillants et expérimentés que vous, pour espérer atteindre les sommets. Ce qui signifie des amitiés opportunes ou plus étroites entre personnes certes ne connaissant pas de difficultés matérielles pour la plupart, mais oserais-je rappeler que l’article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme prohibe les discriminations fondées sur la fortune des gens ? Si les partis populistes ou plus radicaux manquent de relations dans les arcanes du pouvoir financier et des grands corps de l’État, c’est sans doute que les propos de leurs représentants ne séduisent pas vraiment ceux qui ont réellement de l’influence. Que ce soit sur les valeurs ou propositions politiques qu’ils portent. Vous comprenez bien que lorsqu’on est habitué à brasser des grands chiffres et des dossiers complexes, la démagogie ne puisse satisfaire aux prétentions intellectuelles des gens de pouvoir. Alors que reproche-t-on à Emmanuel Macron ? D’avoir parmi ses relations des gens riches et capables d’influencer des décisions publiques ? Mais si les personnes qui prétendent incarner une opposition plus populaire aux élites de la nation, devaient jouir de la sympathie d’autant de personnes fortunées qu’il n’y en a eu pour soutenir la République en Marche, est-ce que ces grands défenseurs de sa majesté le peuple se montreraient aussi suspicieux qu’ils le sont aujourd’hui sur les moyens financiers et l’influence équivalente qu’ils pourraient obtenir de leurs propres soutiens ? Et que nous diraient-ils si à leur tour, on les soumettait à la question ? La même chose que nous : qu’ils auraient respecté la Loi, et que s’ils obtenaient le soutien inconditionnel d’un grand nombre de personnes fortunées, c’est sans doute parce que leurs qualités relationnelles et leurs propositions politiques sont capables de satisfaire leurs généreux donateurs. Là où des esprits tristes veulent voir de la corruption systémique, il n’y a en réalité que des histoires d’amitié et d’affinités politiques, ce qui est une bonne nouvelle pour la Démocratie ! Oui, les riches s’intéressent à la politique ! Les pauvres beaucoup moins, c’est manifeste, mais c’est bien la preuve que tout le monde ne peut pas prétendre ni-même ne souhaiterait gouverner la France.

Il n’y pas eu de volonté de corruption, bien au contraire. La majorité des soutiens d’Emmanuel Macron n’ont pas gravité de près ou de loin avec l’affaire Alstom. Faisons-nous fi de leur propre engagement ? Quant aux scrupules de l’équipe de campagne d’Emmanuel Macron, elle est tout à fait transparente et disponible sur le site Wikileaks. Le procureur n’est pas le seul à avoir étudié ces échanges. Chacun pourra constater que toutes les personnes impliquées dans la collecte de fonds pour la campagne électorale d’Emmanuel Macron, ont tout fait pour s’assurer de la conformité de leurs opérations avec les règles du Code électoral. On peut reprocher beaucoup de choses à Emmanuel Macron et ses soutiens sur le plan politique, mais sur le plan juridique, ses équipes et lui-même soignent les détails et sont précautionneux. Le pacte de corruption tel que décrit par M. Marleix et le Procureur de la République est du point de vue du droit, une gigantesque farce !

DISCOURS SUR LE LIBÉRALISME ET LA MONDIALISATION

Alors au final, que reproche t-on vraiment à Emmanuel Macron et qui n’a rien à faire dans un tribunal ? C’est tout simplement les opinions politiques qu’il incarne. Nous avons vu tout à l’heure que s’agissant des intérêts fondamentaux de la nation, le décret publié et les clauses qui ont été négociées dans le contrat de cession, ont été respectés pour l’essentiel. Peut-être pas sur les emplois attendus, mais s’agissant des intérêts stratégiques, General Electric n’est pas propriétaire de la licence s’agissant de la turbine Arabelle, et elle n’aura pas d’autre choix que de répondre aux commandes de l’État qui aura les moyens juridiques de la contraindre à honorer ses engagements.

Son choix politique a été de soutenir cette opération comme bien d’autres cessions d’actifs afin d’externaliser une partie de la production. C’est le cas sur les fusils d’assaut et munitions, mais aussi sur d’autres coeurs stratégiques de l’industrie française. Emmanuel Macron est aussi quelqu’un qui veut déréglementer au maximum le Code du travail et privatiser la Sécurité sociale. Il croit fermement en l’Union européenne, sa fibre patriotique n’est pas sujette à exaltation, c’est entendu. Mais il a été élu pour ces opinions politiques parfaitement connues pour un grand nombre de Français d’une certaine classe de revenus. C’est bien parce que le peuple a fait défaut pour défendre ses propres opinions – semble-t-il – contraires à celles d’Emmanuel Macron, que ce dernier a été élu. Oserais-je le rappeler ?

Toujours est-il que tous les intervenants que la Commission Marleix a entendus, c’est à dire des avocats, des banquiers et cabinets de conseil, ont tous signifié que l’État était celui que l’on devait craindre pour faire aboutir une opération. Qu’il valait mieux dans ce sens composer avec l’intérêt public défendu par les gouvernements, plutôt que faire échouer un deal.

C’est David Azema lui-même qui se disait favorable à ce qu’une clarification soit produite entre ce qu’est un réel établissement public, c’est-à-dire totalement financé par l’impôt, et ce qu’est une entreprise stratégique mais bien privée, dont l’État peut rester ou non en dehors du capital, car ce dernier dispose de leviers juridiques ainsi que les moyens coercitifs d’imposer ses clauses de sauvegarde.

Dans ce cadre, le fait qu’Emmanuel Macron soit un libéral qui promeut la mondialisation des échanges, ce n’est pas un crime, mais une opinion et même un engagement politique auprès de ses électeurs. Tout juste retenons que ce sont les gens qui ont négocié cette affaire au profit des deux entreprises selon leurs dires, qui relèvent que la volonté politique de nos dirigeants, détermine totalement le succès ou non – et pour le moins contraintes qui s’imposeront – sur un deal.

Les vrais libéraux vous diront qu’ils souhaitent juste des règles claires et respectées dans le droit entourant le commerce, et que l’État se cantonne à ses prérogatives régaliennes, là où le marché peut satisfaire à des besoins directement. Ils ne promeuvent pas tous l’Union européenne et certains sont même vigoureusement hostiles à l’euro, dont les taux de change ne correspondent pas aux fondamentaux économiques des pays qui utilisent cette monnaie. Les libéraux aiment la clarté et la vérité des prix. Ils détestent la triche sur la valeur de la monnaie ou d’une entreprise à qui l’on interdit de faire faillite, quand bien même on parlerait de « banque systémique ». Le libéralisme n’est pas le capitalisme de connivence, ni le libre échange sans régulations aux frontières bien comprises ; le libéralisme est davantage une philosophie politique et économique qui se veut libertaire. Elle est paradoxalement soucieuse que les règles soient les mêmes pour tout le monde et donc respectées aussi bien pour les petits que les gros acteurs du marché, mais elles veut réduire ces dernières de façon importante, pour encourager les initiatives entrepreneuriales et permettre à chacun de s’émanciper. Elle remet par les conditionnements fussent-ils nationaux, les préjugés et les mythes face à la rigueur de l’analyse scientifique ou économétrique. C’est une philosophie de la raison et de la liberté. En tant qu’avocat, il me semble aisé de disculper Emmanuel Macron des charges dont on l’incrimine. En tant que citoyen ayant une affinité libérale et même patriotique, je puis vous signifier que cet homme n’est pas libéral et je lui reproche d’avoir au contraire sclérosé toujours plus la Société. Mais c’est dans les urnes que je le sanctionnerais politiquement, pas dans un tribunal.

ACTE III – LE JUGEMENT

Le Juge :

Mesdames et Messieurs les Jurés, il vous a été donné d’assister à un procès que vous n’aurez jamais l’occasion de voir cité dans la presse, du fait d’enquêtes entreprises par des juridictions officielles. Les avocats de la partie publique comme de la défense ont été remarquables pour définir les enjeux de la discussion, et qu’il me soit permis de relever ici que si l’on comprend le sens profond de la discussion à laquelle nous avons assisté, on pourrait dès lors remettre en question notre adhésion à l’UE, l’OTAN et bien d’autres instances supranationales puisque ces traités altèrent déjà notre souveraineté sur des domaines régaliens de l’État. Dans ces conditions, condamner Emmanuel Macron pour crime de trahison au sens de l’article 411-6 du Code pénal, c’est aussi créer une jurisprudence qui pourrait valoir la prison pour un très grand nombre de personnes, et remettre en cause un très grand nombre de traités et transactions financières qui s’exécutent quotidiennement. C’est donc aussi un procès politique, en tant que Juge, je me dois de rester lucide sur la question. Cependant, des lois ont bel et bien été invoquées, et il est vrai que pour le moins sur son volet financier, l’affaire avait bel et bien été dénoncée avec des accusations graves dans le rapport d’enquête de la Commission parlementaire d’Olivier Marleix. Les responsabilités d’Emmanuel Macron sont évidentes du fait de sa position de ministre de l’économie à l’époque des faits. Cependant, est-ce un acte politique et commercial qu’il doit être possible de réaliser, parfois au profit de la France contre toute attente, ou est-ce un crime de trahison ? Chacun doit juger en conscience et avec recul. Que l’on juge Emmanuel Macron coupable de trahison ou non coupable, dans les deux cas, l’intime conviction de chaque membre du jury a des conséquences signifiantes sur la gestion du bien public.

Avec mes remerciements à Paloma pour son aide aux corrections, ainsi qu'aux avocats et juristes ayant contrôlé mon travail sur les lois invoquées..

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