lundi 28 juin 2021

Le procès d'Emmanuel Macron - Affaire Alstom : PARTIE II/IV



Le Juge :

Merci Madame/Monsieur le Procureur, la parole est à Maître […] pour la défense de M. Macron

Première plaidoirie de défense

En avant propos, je tiens à signifier que cette juridiction n’étant par elle-même rien d’autre qu’une pièce de théâtre, et certainement pas un tribunal d’exception disposant d’une réelle autorité exécutoire, le simple fait que je vienne défendre ici la cause d’Emmanuel Macron ne répond que d’un vague amusement intellectuel, cela à titre pédagogique, mais certainement pas à une quelconque reconnaissance de l’autorité morale et judiciaire de notre improbable Cour ici constituée.

Mme/M. Le Procureur de la République, évoquait ici que M. Macron, grand serviteur de l’État à qui nul ne peut nier qu’il soit ardemment dévoué à sa propre cause, aurait trahit la France en permettant au groupe Alstom de céder sa branche énergie au groupe américain General Electric. Mais faut-il rappeler que les Américains sont les alliés officiels de la France dans le cadre du traité sur l’Atlantique Nord ? Ne peut-on pas s’échanger quelques secrets militaires entre alliés ? Ce sont d’ailleurs les Américains qui participent de la naissance même du groupe Alstom en France.

En ayant dit cela, je pourrais m’arrêter ici, aucun juge sérieux ne pourrait donner une quelconque valeur à ces accusations proprement diffamantes alors que les traités actuels organisent le partage d’informations militaires sensibles sur les armements et munitions utilisées par les membres de l’OTAN. Mais, admettons encore que sur cet argument, pourtant évident, l’on fasse l’impasse : dans ce cas, rappelons que sur une telle opération financière avec les cessions d’actifs et transferts technologiques qu’elle suppose, M. Macron ne puisse être à lui-seul responsable de l’ensemble de ce crime supposé. Le Président de la République de l’époque comme le Premier ministre ont aussi apporté leur autorisation. Les hauts-fonctionnaires à Bercy comme au ministère des armées ou encore au Quai d’Orsay ne semblent pas s’être insurgés contre cette décision. A-t-on vu une large part de notre appareil d’État ébranlé par une telle transaction ? Que nenni ! Même les hauts cadres dirigeants d’Alstom ont, pour une grande part d’entre eux, soutenu cette prise de contrôle de General Electric sur la branche énergie du groupe pour lequel ils travaillaient. Mieux encore, Mme/M. Le procureur nous signale qu’une opération similaire a eu lieu en l’an 2000, avec la cession de Thermodyn qui fabrique les turbines de nos sous-marins nucléaires d’attaque, à une filiale italienne du groupe General Electric. Y’a t’il eu un procès en haute trahison contre M. Chirac et ses ministres impliqués dans cette opération ? Je n’ai rien trouvé dans la jurisprudence ou la presse qui témoigne de cela. Pourquoi aujourd’hui céder le contrôle d’une partie de notre industrie stratégique à une puissance étrangère, constituerait un crime alors que ce ne fut jamais le cas pour tant d’autres contrats signés depuis des décennies sur ces sujets ?

NEXTER : Originellement fondée en 1971 par le Ministère de la défense en tant que « Groupement industriel des armements terrestres », l’armurier français qui construit originellement des chars d’assaut, de l’artillerie et des armes légères par la fusion d’un certain nombre d’entreprises spécialisées, consent le 18 octobre 1994 à créer une société commune avec la branche aéronautique de l’armement anglais : BAE Systems. Cela signifiait donc déjà à l’époque, accepter de partager des technologies relevant du secret-défense avec la Perfide Albion ! Des guerres entre Capétiens et Plantagenêt au début du XIIème siècle jusqu’à la bataille de Warteloo, jamais la France et l’Angleterre n’ont cessé de se faire la guerre ! Aux dires de l’accusation, cette entente sur le partage de brevets sensibles entre la France et le Royaume-Uni, relevait donc déjà à l’époque d’un crime de trahison. Cela malgré 200 années de paix entre nos deux nations. Parce que l’indépendance de la France l’exige et que personne n’a jamais cru en l’option de la guerre avant qu’elle ne survienne, si ce n’est les décideurs qui s’y sont compromis. Mais la réalité est bien plus prosaïque. Le simple fait que la France et l’Angleterre partagent un certain nombre de technologies sensibles dans leurs armements respectifs les engagent à respecter une entente cordiale sur le long terme. Mais continuons de discourir des atteintes qui sont portées à notre industrie de défense nationale. Et vous allez constater que nous gagnons en gravité ! En 2006, des discussions s’engagent entre les dirigeants de Nexter et l’industriel militaire allemand Krauss-Maffei Wegmann (KMG). Leur désir était de standardiser à l’échelon de l’Union européenne l’ensemble des engins et matériels militaires relevant de leur savoir-faire commun. Après des tergiversations politiques, nous devons finalement à François Hollande, la fusion de Nexter et Krauss-Maffei Wegmann le 29 juillet 2015. Le nouveau nom de cette entreprise est désormais KNDS, soit Krauss-Maffei Wegmann-Nexter Defense Systems. Et devinez où se trouve le siège social de cette multinationale ? Dans la ville de Leyde aux Pays-Bas. Le constructeur de nos principaux moyens de défense terrestres est désormais détenu à part égale avec des intérêts allemands dans une holding hollandaise, et étrangement, cela n’a suscité aucun émoi. Pourquoi donc ? Le secret-défense ne devrait se limiter qu’à ce qui concerne les systèmes de propulsion et de support énergétique ? Ou est-ce la défiance traditionnelle des Français à l’égard de l’impérialisme américain qui explique ces crispations ? L’Allemagne, dont les débordements agressifs sur la France remontent aux temps les plus anciens, avec qui nous avons versé le sang de millions de nos aïeux au cours du dernier siècle, serait-elle un pays qui mériterait mieux qu’une puissance américaine alliée depuis plus de deux siècles, que l’on s’accorde à partager avec elle quelques secrets technologiques ? Qui nous dit que dans 10, 50 ou 100 ans, la France et l’Allemagne ne seront à nouveau pas en situation de conflit ouvert ? Et pourtant, personne n’a crié au loup alors que cette fusion se déroulait au même moment que la cession d’Alstom à General Electric. Pourquoi cette sensibilité à géométrie variable sur ce genre de questions ?

MATRA : En 1917, l’ingénieur aéronautique Adolphe Bernard fonde ce qui deviendra 10 ans plus tard, la Société des Avions Bernard. L’entreprise construit des avions de chasse et de transport, essentiellement pour l’Armée française. En 1941, l’entreprise change de nom pour devenir la Société Générale de Mécanique Aviation Traction (MATRA). Après la Libération, MATRA se spécialise dans la conception de lance-roquettes, puis finalement dans la production de missiles. Au tournant des années 60, MATRA a réussi à se faire un nom sur des segments aussi différents que l’espace, la défense, les transports, les télécommunications, les systèmes militaires d’information et les composants électroniques. A partir de 1987, date de la privatisation du groupe, MATRA se diversifie encore dans ses domaines d’action. Et surtout, elle se soumet elle aussi à la logique des fusions-acquisitions. Ainsi en 1996, MATRA et British Aerospace (BAe dynamics) annoncent leur fusion. En 1997, un autre industriel anglais vient se greffer à l’attelage : GEC-Marconi Electronic Systems. Le groupe BAE Systems est né. En 1998, c’est le groupe italien Alenia Difesa qui rejoint le consortium. En 2001, le groupe change de nom pour devenir MBDA. En 2006, c’est l’industrie de défense allemande LFK-Lenkflugkörpersysteme GmbH qui est intégrée au groupe.

Qui s’est scandalisé que des yeux étrangers puissent disposer d’informations excessivement sensibles dans la construction de missiles français ? Personne encore une fois. Bien au contraire, les industriels concernés ont été ravis d’opérer ces fusion-acquisitions. Elles ont permis des partages de connaissances et compétences et un accroissement de leur compétitivité face aux géants américains. MBDA s’est même permis le luxe de racheter les brevets et usines de fabrication du missile Air-Sol Viper Strike du constructeur américain Northrop Grumman. Ce qui lui permet essentiellement de devenir un fournisseur à part entière du Pentagone.

THOMSOM CSF : Dressons désormais l’histoire d’un autre fleuron de notre industrie de défense, à savoir Thalès. Avant de prendre cette dénomination en l’an 2000, le groupe s’appelait Thomson CSF et était le fruit de l’assemblage de deux industriels français : Hotchkiss-Brandt et la Compagnie française pour l'exploitation des procédés Thomson Houston. Cette dernière compagnie est née en 1893 en tant que filiale de General Electric, pour construire des unités de production et de distribution d’électricité en Europe, ainsi que des tramways électriques. A l’époque donc, la France comptait sur le transfert de technologies accordé par General Electric, pour développer ses propres infrastructures nationales. Aujourd’hui, nous nous effarouchons de continuer de faire des affaires avec General Electric, alors que cela fait plus d’un siècle que ces échanges, acquisitions et cessions de technologies se maintiennent entre la France et les USA.

PHOTONIS, ancienne filiale de Phillips spécialisée dans l’optique de précision, notamment militaire, voit le fonds Ardian qui détient la majorité des parts sur cette entreprise, vouloir céder ces dernières à la société américaine Teledyne pour 550 millions d’euros. Cependant, c’est bel et bien le gouvernement qui, conscient des enjeux militaires, a trouvé un autre investisseur privé français (le fonds HLD) pour racheter l’essentiel des parts de Photonis. Comme ce fonds ne pouvait pas faire mieux qu’investir 370 millions d’euros, la Banque Publique d’Investissement – sur directive politique donc – a mis au pot les millions manquants pour que Photonis reste sous giron français.

Alors oui, quelques patriotes un peu exaltés voient en la cession d’Alstom à General Electric, une atteinte à nos intérêts nationaux. Ce qui peut se comprendre, surtout pour des profanes sur ce qui fait le quotidien des affaires d’État et de haute finance dans ce monde en pleine mutation. On y verra aisément des complots, des manœuvres, intelligences et machinations pour anéantir toujours un peu plus la France. On y décèlera la main de la CIA, du complexe militaro-industriel étasunien et peut-être même l’implication des reptiliens pour une fraction heureusement infime de la population.

Mais il n’y a ni complot, ni volonté de manœuvrer contre les intérêts bien compris de la nation. En ce sens, invoquer les lois qui qualifient le crime de trahison s’agissant de l’implication de M. Macron dans la cession d’Alstom à General Electric, est une réelle mascarade ! Ce procès est strictement politique. Il est évident qu’il puise la source du mécontentement de la partie publique, dans une forme de conspirationnisme qui se distille au sein de la Société. On peut comprendre ce mal être et ces psychoses qui agitent la population face à la mondialisation dans ses aspects les plus brutaux, mais la cession d’Alstom relève en vérité d’un banal contrat de vente d’une multinationale française, qui ne se prive pas elle-même d’acheter des pans complets d’un concurrent mondial si l’occasion se présente.

Qu’on se le dise, cette opération n’est pas autre chose qu’une cession d’actifs permettant à Alstom de se renforcer sur le domaine du transport et assurer sa survie dans le temps long. Je crois que j’aurais l’occasion d’en préciser les contours et garde-fous juridiques essentiels, sitôt que le ministère public, aura lui-même précisé ses propres réquisitions.

Seconde réquisition sur la haute trahison et le pacte de corruption (partie III/IV) sur le lien ICI

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