dimanche 17 juillet 2016

L'ego et le Nous

Me voila retrouvant une éphémère solitude à même de m'offrir le recul et le calme nécessaire à la réflexion écrite. Cela après plus d'un mois de marche à travers le pays accompagné de Sylvain Nisole et tant d'autres compagnons de route. Il y eut beaucoup de bons moments, et quelques uns plus désagréables. 

Un des aspects les plus difficiles à vivre, mérite que je m'y attarde aujourd'hui. Il fut soulevé à un moment par une fraction de notre Collectif, la question de l'ego - en particulier le mien - où il était jugé que celui-ci altérait notre bonne entente à tous.

Il m'est impossible de juger avec la plus parfaite objectivité de l'équilibre de mon ego. J'ai débuté ma vie dans la peau d'un enfant timide et introverti, et j'ai été forgé durant mes jeunes années d'adulte à la conquête de soi pour survivre à un environnement qui m'apparaissait comme hostile.

On ne peut renier après des années d'introspection et de bouleversements provoqués contre sa propre nature, à ce que nous devenons. Il faut du temps pour se façonner un équilibre psychique, un état d'être...

Je sais qu'une part de moi reste très proche de l'enfant timide et renfermé que j'étais, tandis qu'une autre est plus fantasque, et dans le souci de transmettre les connaissances que j'acquiers au fil des années. Cela me rend fortement "émetteur" et peut laisser une sensation d'écrasement pour autrui. Lorsque je parle trop et que je le ressens dans les gestes et comportements des gens avec qui je me trouve, je ne peux m'empêcher d'arrêter de discourir et m'excuser d'avoir trop parlé, car je me sens mal à l'aise de tant "d'émission" et donc d'absence de "réception". J'ai peur d'écraser l'autre, ou du moins lui donner ce sentiment de façon générale. Lorsqu'on me fait directement le reproche de me montrer écrasant, cela que je trouve le procès d'intention justifié ou non, j'ai tendance à m'effacer pour satisfaire le besoin de ré-équilibrage de la personne et constater aussi, si finalement en dépit de ce fichu "ego", je demeure utile et sollicité par le plus grand nombre.

Il y a ensuite l'estime de soi, c'est à dire de sa propre capacité à analyser les personnes et les idées en parvenant à rester critique face au jugement d'autrui sur les mêmes éléments de réflexion. Nous avons besoin d'entendre l'autre, en particulier lorsqu'il est en désaccord profond avec notre point de vue, sans quoi, il manquera des éléments de contraintes à soumettre à la pertinence supposée de notre idée. Mais nous devons rester intègre à nos convictions si l'examen critique des arguments d'autrui, ne parvient pas à infléchir certaines de nos considérations.

Vient enfin la difficulté de travailler d'un même élan collectif.

C'est là le plus dur déniaisement que j'ai eu à subir quant au désir d'horizontalité parfaite avec la confrontation des egos de chacun.

Car soyons clairs, c'est rarement les motifs ou revendications qui divisent des gens prêts à s'associer dans un projet commun. C'est la confrontation de leurs humanités. Nous arrivons tous avec nos parts de névroses et psychoses à des degrés très divers, contre lesquels nous tentons de nous émanciper par les artifices du consumérisme ou des psychotropes, ou pour d'autres par le sport, la réflexion sur soi, ou encore la spiritualité. La vie nous charge de tout un ensemble de stress et nos émotions s'intriquent dans notre mémoire pour modifier nos états de conscience. Les sensations d'agacement et d'énervement pur et simple, ne sont pas des états d'être découlant de la raison froide et analytique, pour la majorité des problèmes que nous nous devons de résoudre. Nous nous agaçons car ils nous renvoient à des événements similaires qui peuvent être rares ou répétés dans notre vie, mais qui incluent des sortes de "mini-traumas" à même d'altérer notre état-d'être face à autrui.

La répétition d'un événement désagréable impose pour la Raison, de régler définitivement le problème posé soit par le retrait de la personne ou encore de la démarche générant les redondances négatives. Chacun verra une façon nouvelle d'aborder les aménagements liés au fonctionnement même de l'entreprise commune pour conserver l'aspect positif de ce qui générait un problème répété. Mais l'aménagement sur la question des personnes est une question plus sensible, car imposant plus de radicalité.

Il faut d'abord que le sentiment qu'une personne entrave par son comportement le bon déroulement du projet, soit partagé par le plus grand nombre. Mais alors se joue souvent dans les associations d'êtres humains, des groupes secondaires d'affinités ou le retrait de l'un, peut entraîner le retrait de l'autre. Comme toutes difficultés, les problèmes de relations humaines (souvent basés sur des incompréhensions mutuelles) tentent d'abord de se résoudre par les discussions collectives. La tension s'impose et perdure par la répétition des difficultés, malgré des accords tacites ayant découlé de longues débats très éloignés des objectifs de travail que s'assignait le groupe. C'est alors le projet lui-même qui est mis en péril si le Collectif ne trouve pas le moyen de résoudre de façon plus tranchée ses difficultés.

Il s'agit dans ce cas d'imposer démocratiquement ou arbitrairement le retrait de la ou les personnes générant le plus de tension, et s'assurer du renouvellement humain au sein de l'association pour pallier aux fonctions et connaissances perdues. Du point de vue démocratique, c'est un système de vote à bulletin secret qui garantira qu'aucune influence des uns et des autres n'altérera sa part de radicalité si les tensions sont trop profondes. Du point de vue pyramidal, le collectif s'en remettra à l'autorité supérieure d'une ou plusieurs personnes pour ne pas avoir à voter (ou faire savoir) à une personne incriminée, que l'on souhaite son retrait pour le bien d'un projet. Si aucun statut ne prévoit une procédure sur laquelle s'en remettre, l'exercice peut s'avérer plus délicat, si une ou plusieurs personnes en opposition, ont un "ascendant" particulier sur les autres.

Ma position est assez difficile dans un Collectif, que je le veuille ou non, car j'en suis souvent autant l'initiateur que "l'intellectuel". S'il convient de relativiser l'étendue de mon lectorat sur ce blog, et les gens qui me témoignent de leur soutien sur les réseaux sociaux, je ne suis plus non plus un strict inconnu de tous, ce qui me vaut d'ailleurs toute la malveillance de certains réseaux contre-révolutionnaires. Je ne vois à la visibilité croissante sur ma personne qu'un seul intérêt objectif pour l'entrée en Résistance de Tous :

C'est que le jeu des statiques ferait qu'à partir de 100.000 personnes intéressées par la démarche militante que je propose, je pourrais rassembler sur mon seul appel, quelques milliers de personnes à manifester aux bons endroits et au bon moment. Car il y a derrière un bonhomme d'avantage une idée partagée que l'on considère bien communiquée et essentielle au débat public, qu'un gourou que l'on tient à suivre. Un certain nombre auront le tort d'exagérer la puissance et le charme d'un "leader d'opinion" pour des raisons toujours personnelles, mais la majorité de ceux qui se déplaceront s'en tiendront au caractère strictement utilitaire de la visibilité et des talents du meneur d'un mouvement. Ce qui compte pour le plus grand nombre, c'est l'objectif commun qui doit résulter de l'utilisation combinée d'un intellectuel et d'une foule pour générer une pression médiatique. A ce titre, le pragmatisme ne consiste pas à se minimiser soi par rapport à une personne à qui l'on fait confiance pour réaliser certaines choses, mais mesurer ce que l'on peut apporter, aussi minime soit sa propre contribution, pour que l'objectif soit réalisé.

Devoir compter sur un grand nombre d'entités (personnes physiques ou morales) pour appeler le plus grand nombre à se mobiliser dans la rue pour des objectifs communs, impose de disposer d'affinités fortes avec beaucoup d'intellectuels et de réseaux associatifs, au point de pouvoir les influencer à appeler l'ensemble de leurs suiveurs à soutenir un événement. Or, la plupart des intellectuels et responsables politiques répugnent à appeler leurs partisans à se mobiliser sur certains idéaux, et les associations sont souvent dirigées par des gens plus intéressés par leurs propres idées que par les revendications communes à porter. Les pires personnes à placer pour négocier des alliances sont à ce titre les fondateurs des associations. Ce n'est toujours pas lié à un déséquilibre de l'ego des uns et des autres que l'on trouve des objections à porter sur des revendications communes, mais dans beaucoup de situations, cela peut être le cas. Des bénévoles dédiés à la communication d'une association avec les entités extérieures à celle-ci, seraient la meilleure façon de s'assurer que des mouvements très différents parviennent à collaborer. Les intellectuels communiquent mieux sur les idées, les spirituels communiquent mieux avec les personnes. 

Le procès de l'ego

La difficulté d'un procès sur l'ego, c'est qu'il peut arriver que l'accusateur soit en fait la personne qui a réellement un problème avec elle-même, tandis que l'accusé(e) peut être une personne bien plus équilibrée (mais de facto déstabilisée par une telle accusation sur son état d'être). Lorsqu'il s'agit de juger de l'ego d'une personne critiquée sur cet aspect de sa personnalité, il vaut mieux dans ce cas s'assurer de produire en parallèle l'examen de l'ego de son accusateur. Ce qu'une personne équilibrée ne manquera pas de faire remarquer si elle trouve des accusations injustifiées ou exagérées. D'autant que l'on accuse volontiers l'autre de ses propres démons. L'exemple le plus fréquent que je rencontre dans les cercles "politisés" quant à cet effet miroir, est le conspirationnisme des "antifas" qui voient des "réseaux conspirationnistes" ou "confusionnistes" partout. 

Les paranoïaques sont particulièrement redondants dans ce genre de comportements. Leur psychose incluant qu'ils refusent de regarder en eux-mêmes le démon intérieur qui les stressent, ils préfèrent renvoyer ce dernier à un ennemi mystifié vers lequel on peut s'aménager une zone de confort mentale. Sans verser dans de telles psychoses, l'accusateur en egocentrisme, peut lui-même ne pas se rendre compte qu'il souffre d'un désir de gagner en importance au sein d'un groupe, sans que cela est une relation évidente avec ses fonctions précises au sein de la communauté. Dans ce cadre, ce n'est pas que vis à vis du groupe ou d'une personne disposant d'un ascendant particulier au sein de ce groupe que ce désir d'exister plus fortement aura tendance à s'exacerber, mais aussi dans la vie en général. Or l'ascendant que l'on possède ne se mesure qu'à la fonction utilitaire ou éducative qu'on lui attribue à des moments circonscrits de la vie, mais qui s'efface durant le reste du temps partagé avec autrui. Pour imager parfaitement la question : un soldat de première classe peut s'en remettre à l'autorité et aux consignes d'un lieutenant, et le soir venu, lui faire valoir son autorité morale, intellectuelle ou fraternelle autour d'un verre où les deux hommes discutent en toute amitié. La fonction détermine un moment limité où un être humain dispose de l'ascendant sur une partie de sa communauté - dès lors que celle-ci lui témoigne de cette légitimité - mais la fonction ne prédispose pas de notre égalité à tous en termes de fragilités et nécessités de développement personnel au fur et à mesure de notre vie. 

Une personne un peu connue peut voir son regard sur soi s'altérer du fait qu'elle est constamment sollicitée que ce soit par des témoignages de sympathie ou des demandes diverses et variées. Sa seule protection intime est alors de s'aménager à la foi une part de solitude et un cercle restreint de proches pour se remettre en question lorsque c'est nécessaire. Mais durant ses activités participant à sa "popularité", le bain des sollicitations reprend et le temps vient à manquer pour qu'il puisse être accordé à tous avec le plus de profondeur que possible. Ce qui peut causer des malentendus. L'expérience joue aussi sur notre propre part de sélectivité. Nous reconnaissons des traits de comportement indiquant des problèmes futurs possibles avec une personne. Par anticipation, l'on tente de former des groupes de travail avec des gens que l'on estime équilibrés et bienveillants. Cependant, c'est parfois sur le plus long terme que les difficultés d'ego apparaissent. Et nous avons vu tout à l'heure que les ressorts objectifs pour résoudre ces conflits existent, mais qu'ils se trouvent malgré tout intriqués dans un stress commun forgeant des petits groupes d'affinités pouvant fracturer l'ensemble.

L'on fait volontiers le procès de l'ego et si je m'en tiens à sa personnification en chair et en os qu'est Alain Soral, on peut cependant admettre que celui qui souffre d'un trop grand déséquilibre positif à ce sujet, réussira sans doute plus aisément à se faire entendre en milieu entrepreneurial, associatif ou public, car il bénéficiera d'un sentiment de puissance et de confiance en soi démesuré pour l'aider dans son entreprise. La foi en ce que l'on entreprend est notre première arme mentale pour faire aboutir un projet. A l'inverse, qui souffre d'un déséquilibre très dégradé de l'ego, peut tout aussi bien devenir connu du grand public, mais ne voudra pas utiliser sa propre puissance acquise à des fins qui pourraient incidemment apprécier l'estime qu'il se porte à lui-même. De même, la majorité des êtres humains connus ou non souffrent d'un déficit d'estime de soi, et ne reconnaissent donc pas leur propre part de puissance sur leur environnement. Ce qui est une forte contrainte révolutionnaire. Celui qui souffre d'un excès d'ego souffre d'avoir tort ou d'être contesté, celui qui manque d'ego souffre d'avoir raison ou d'être simplement quelqu'un d'apprécié. Les deux souffrent de ne pas trouver l'équilibre leur permettant à la foi de disposer d'un haut degré de sérénité et de confiance en soi, et à la foi d'une remise en question et une capacité d'écoute et d'empathie à la hauteur des espérances d'autrui. 

Nous sommes tous déséquilibrés !

Dans une Société ou un groupe unifié par des enjeux communs, nous arrivons tous avec nos parts de déséquilibres qui peuvent en outre être contradictoires sur certains aspects de l'ego. Et il nous faudra sans doute bien plus qu'une vie pour résoudre l'ensemble de nos conflits intimes et trouver l'équilibre dans notre état-d'être. Nous pouvons cependant restés conscients de nos déséquilibres, et éviter de nous piéger mutuellement avec ces derniers. Les objectifs communs, particulièrement lorsqu'il s'agit d'insuffler une révolution autant institutionnelle que culturelle, sont en-soi déjà porteurs de promesses quant à un futur contrat social à même de nous aider à mieux nous réaliser individuellement. Une révolution politique n'est cependant pas spirituelle, et c'est ce qui fait que même en Suisse où un peuple dispose d'un contrat social et démocratique très favorable, moins de 50 % des citoyens jouent le jeu des référendums pour la plupart des votations. C'est aussi ce qui explique que nous manquons de fraternité et d'attrait pour la culture politique pour une trop grande partie d'entre nous, au point qu'une tyrannie autant intérieure qu'étrangère s'installe profondément et durablement dans notre propre pays. Ce que les lois ou les hommes tentent de contraindre, n'a aucune prise sur des millions de gens disposant de beaucoup de sagesse et de curiosité. La désobéissance est un acte de transgression imposant le dépassement de ses propres conditionnements. Dans certains cas, elle invite à une part d’élévation spirituelle induite.

Si une révolution spirituelle posera forcément la question de Dieu en s'opposant à certains dogmes religieux existants, elle posera aussi la question du sens de nos vies et de la solidarité que nous nous devons mutuellement pour nous élever, et non nous abaisser...

Pour le moment, il s'agit de générer une révolution purement politique. Peut-on dès lors s'absoudre provisoirement des polémiques sur les uns et les autres, et restés concentrés sur l'objectif et sur ce que l'on peut faire soi pour renforcer notre puissance collective ?

J'aimerais que cela soit possible pour tous, mais j'en doute. Ce qui pour les radicaux de l'horizontalité totale et les spiritualistes pas si spirituels que ça, restera toujours source de discorde avec mon propre point de vue sur les avantages du système pyramidal dans certains cas. C'est aussi ce qui motive le fait que je devienne avec le temps plus intransigeant y compris s'agissant du choix des personnes avec lesquelles je travaille. Les polémiques resteront toujours très toxiques pour tous, même lorsqu'elles ne visent que ma propre personne, dès lors qu'elles contraignent la réalisation dans les délais d'un objectif commun.

Nous portons des revendications d'indépendance, de Liberté et de progrès sociaux majeurs, nous n'avons pas le temps de nous quereller sur les personnalités des uns et des autres. Nous nous devons simplement d'être là, chacun avec ce que nous pouvons donner de nous mêmes.

Pour mes propres soucis d'ego, on me permettra de préférer attendre ma propre retraite spirituelle de ce combat commun, que de chercher à me remettre en question sur mon propre équilibre psychique maintenant. Je compose avec ce que je suis, au mieux. Je ne suis pas parfait, mais ce cheminement vers l'élévation de soi demandera du temps que je ne pourrais accorder à la chose politique. Qu'on me pardonne donc si j'ai trop d'ego, je ne suis que de passage.