vendredi 15 décembre 2017

Liberté d'expression vs culte victimaire

Lorsque j'étais enfant, je me souviens que lorsque je me faisais mal ou faisais connaître mon désarroi par des sanglots, ma mère et plus encore ma grand-mère se plaisaient à me répéter : "les garçons ne pleurent pas"

L'effet était radical : par fierté mal placée, je prenais sur moi pour ne plus pleurer puisque je souhaitais ressembler à un homme et non pas être considéré comme un enfant ou une fillette. Bien évidemment, les hommes pleurent comme tout le monde, et il ne s'agit pas ici de nier cet aspect organique de nos émotions, qu'importe notre sexe. Mais je souhaitais à travers cet exemple, démontrer que l'on peut faire le choix de ne pas conforter quelqu'un dans son mal être, quel qu'il soit, et au contraire lui donner des armes intellectuelles ou psychologiques, pour l'inviter à dépasser ses faiblesses.

Cela me semble d'autant plus essentiel aujourd'hui, que les choix politiques en vigueur, visent à faire de chacun, une potentielle victime permanente d'autrui. Commençons par dresser une liste non exhaustive de condamnations de Justice en lien avec le problème soulevé aujourd'hui :

C'est ainsi très récemment, qu'un homme ayant eu un propos humoristique (et graveleux certes) à l'égard de la gente féminine, s'est vu condamné à 1000 € d'amende par le Tribunal d'Annecy, permettant à l'association "les chiennes de garde" de se féliciter de cette décision de justice.

L'an dernier, c'est l'ex-députée Christine Boutin qui s'est vue condamnée pour avoir dit que "l'homosexualité est une abomination" par la Cour d'Appel de Paris.

Un mois auparavant, c'était l'humoriste Dieudonné qui écopait d'une nouvelle condamnation pour incitation à la haine.

Cette année, ce sont pour des propos considérés comme islamophobes, qu'Eric Zemmour a eu aussi le droit à son procès en mal-pensance et a été condamné.

Je pourrais poursuivre la litanie des condamnations de Justice, mais quelques-unes suffisent amplement à faire valoir que les lois réprimant "les incitations à la haine" sont bien opératives.

Commençons cependant par l'histoire juridique de ces lois. D'abord, nous avons évidemment les Droits de l'Homme, qui dans la déclaration de 1789 disent tout et son contraire dans ses articles 10 et 11 :

Art. 10. Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi.

Art. 11. La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi.

Notons pour commencer que dès lors qu'il est considéré que certaines opinions sont de nature à créer un trouble à l'ordre public ou peuvent correspondre à un abus déterminé par la loi, il n'y a donc pas de Liberté d'expression, mais bien des opinions légales et d'autres non. Il est donc fallacieux de parler de Liberté d'opinion ou d'expression en France, puisque tel n'est pas le cas, contrairement à ce qui est aux Etats-Unis d'Amérique. Ce qui me permet au passage de faire remarquer que les Américains malgré tous les défauts que nous pouvons leur reprocher, ne semblent pas connaître de difficultés particulières à vivre en Société, malgré l'absence de lois réprimant certaines opinions.

Une autre loi importante découle de ces limites que nous nous imposons, notamment au-travers de l'article 24 de la loi du 29 Juillet 1881 sur la Liberté de la presse :

Seront punis de cinq ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende ceux qui, par l'un des moyens énoncés à l'article précédent, auront directement provoqué, dans le cas où cette provocation n'aurait pas été suivie d'effet, à commettre l'une des infractions suivantes :

1° Les atteintes volontaires à la vie, les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne et les agressions sexuelles, définies par le livre II du code pénal ;

2° Les vols, les extorsions et les destructions, dégradations et détériorations volontaires dangereuses pour les personnes, définis par le livre III du code pénal.

Ceux qui, par les mêmes moyens, auront directement provoqué à l'un des crimes et délits portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation prévus par le titre Ier du livre IV du code pénal, seront punis des mêmes peines.

Seront punis de la même peine ceux qui, par l'un des moyens énoncés en l'article 23, auront fait l'apologie des crimes visés au premier alinéa, des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité ou des crimes et délits de collaboration avec l'ennemi.

Seront punis des peines prévues par l'alinéa 1er ceux qui, par les mêmes moyens, auront provoqué directement aux actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV du code pénal, ou qui en auront fait l'apologie.

Tous cris ou chants séditieux proférés dans les lieux ou réunions publics seront punis de l'amende prévue pour les contraventions de la 5° classe.

Ceux qui, par l'un des moyens énoncés à l'article 23, auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, seront punis d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende ou de l'une de ces deux peines seulement.

Seront punis des peines prévues à l'alinéa précédent ceux qui, par ces mêmes moyens, auront provoqué à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur handicap ou auront provoqué, à l'égard des mêmes personnes, aux discriminations prévues par les articles 225-2 et 432-7 du code pénal.

Cette loi avait pour but (notamment) de prévenir les différentes formes de propagande de guerre que réprime d'ailleurs l'article 20 du Pacte International relatif aux droits civiques et politiques de l'ONU ayant été ratifié par la France le 4 Novembre 1980. Nous attendons toujours à ce titre que Messieurs Sarkozy, Bernard Henri Levy ou Laurent Fabius, soient poursuivis et condamnés pour leurs crimes.

Mais comme cela ne suffisait pas, le gouvernement actuel s'est permis de légiférer par décret (donc sans consultation du parlement) pour que les mal-pensants du quotidien, puissent être poursuivis quand bien même leurs propos ne sont pas publics :

Article R625-7

La provocation non publique à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée est punie de l'amende prévue pour les contraventions de la 5e classe.

Est punie de la même peine la provocation non publique à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou identité de genre, ou de leur handicap, ainsi que la provocation non publique, à l'égard de ces mêmes personnes, aux discriminations prévues par les articles 225-2 et 432-7.

Les magistrats font ainsi reposer leurs condamnations sur deux aspects de la loi qui sont extrêmement contestables :

1) Dire qu'un humoriste, polémiste ou simple citoyen, par un propos sulfureux voire xénophobe, tient à provoquer la haine autour de lui (dans le champ de ses propres considérations), suppose que cela soit corroboré par des témoignages de personnes, révélant très clairement que le propos lu ou entendu, a bien déclenché en eux une "poussée de haine", voire les a incité à commettre des délits et crimes contre les personnes ou communautés visées. Je souhaite ainsi bien du courage à nos magistrats pour récupérer ces témoignages, j'y reviendrai un peu plus loin.

2) La "haine" n'est pas une donnée objective et mesurable. On peut accuser quelqu'un d'avoir un propos haineux ou d'avoir de la haine en lui, mais personne n'est dans sa tête pour le prouver clairement. La haine étant une émotion et non une pensée, il me paraît nul et non avenu de justifier une condamnation sur un tel motif, puisqu'il est raisonnablement impossible de faire la démonstration de ce sentiment.

3) Admettons tout de même que quelqu'un soit reconnu comme "haineux", voire xénophobe, il me semble que dans ce cadre, nous sortons du terrain des opinions pour entrer sur des considérations plus psychologiques ou psychiatriques. N'importe quel thérapeute dira d'ailleurs que quelqu'un qui vit dans la haine d'autrui, est une personne en grande souffrance et ayant besoin d'aide. Certainement pas d'être puni du fait de sa pathologie mal gérée.

De la même façon que la loi est totalement absurde lorsqu'elle condamne un toxicomane pour détention et usage de stupéfiant, elle se montre tout aussi stupide et inhumaine en réprimant les propos de quelqu'un rempli de haine. Elle ne traite en rien le problème, ne permettra pas au condamné de soulager sa conscience, comprendre la racine de son pathos, et l'on peut même dire qu'une telle condamnation risquera surtout de conforter la personne condamnée dans son sentiment d'injustice et de haine.

Si nous tenons compte des quelques exemples de condamnation cités plus haut, il me parait difficile de considérer que nous avons à faire à des gens haineux qui encouragent leurs concitoyens à se montrer violents envers n'importe quel groupe d'individus ou communauté. Dans deux cas, nous avons un propos humoristique détourné de sa logique initiale, dans deux autres cas, ce sont des opinions qui certes peuvent heurter, choquer ou inquiéter comme la Cour Européenne des Droits de l'Homme le précise dans un arrêt devenu célèbre, mais sans que cela soit de nature à inciter quiconque à commettre un crime, ni justifier à priori de "la haine" de leur émetteur. 

Madame Boutin considère que l'homosexualité "est une abomination" et c'est son droit le plus strict de le dire et de le penser. Cela ne préjuge pas que votre humble serviteur qui a donc lu sa déclaration, se trouve incité à penser la même chose que cette dame. De la même façon que la majorité des gens ayant eu à entendre son point de vue, n'est pas devenue par l'opération du saint esprit, homophobe au dernier degré. D'ailleurs, peut-on dire que le propos est homophobe ? Là-dessus, il pourrait aussi y avoir débat.

M. Zemmour en attaquant régulièrement la culture islamique en évoquant l'idée que les principes de cette religion ne sont pas fongibles avec les principes républicains, n'a encouragé personne à zigouiller des musulmans. Bien moins en tout cas qu'un BHL, Fabius ou Sarkozy qui pour leur part, n'ont cessé de communiquer pour nous faire accepter des guerres ou l'armement de terroristes en Syrie. Il ne fait qu'émettre une opinion, et il revient à chacun d'user de son sens critique pour être d'accord ou non avec lui. Mais en aucun cas, la loi ne peut dire pour tout le monde, ce qu'il est convenu de penser ou non. Car ce n'est pas seulement l'émetteur d'une opinion qui se trouve menacé dans ses libertés fondamentales, c'est bien l'ensemble du peuple. Car s'il est une preuve du mépris des classes dirigeantes à l'égard de la population toute entière, ce sont bien ces lois. Elles partent d'emblée sur un postulat que je trouve extrêmement dégradant et dangereux pour la personne humaine : la reconnaissance tacite de notre manque de discernement. 

Chaque fois qu'un Soral, Dieudonné, Zemmour ou tout autre mal-pensant est condamné, ce sont les gens qui pourraient avoir à entendre leurs propos, que l'on déclare ipso-facto, comme incapables d'exercer un raisonnement critique. Et c'est en ce sens que les lois qui répriment les opinions, sont clairement totalitaires autant qu'elles sont l'expression de l'abolition totale de discernement du législateur. Nos députés et ministres, nous considèrent à ce point débiles, qu'ils sont convaincus que nous sommes incapables de peser le pour et le contre sur n'importe quel propos entendu. Un mépris que l'on retrouve aussi dans leur communication sur "la pédagogie" à employer, pour que le citoyen désormais réellement considéré comme trop stupide, comprenne le bien-fondé des réformes qu'il conteste.

Allons encore un peu plus loin sur le problème posé par ces lois. Que dit-on en substance aux "victimes" d'une opinion hostile à leurs origine ethnique, leur croyance, leur sexe ou orientation sexuelle ? En leur donnant le droit d'intenter une procédure contre le mal-pensant du moment, il est signifié par là qu'un propos qui nous incommode, n'a plus de raison d'être combattu directement (on s'explique avec la personne) ou simplement ignoré. Désormais, une autorité morale devra trancher la question. Cela afin de conforter (ou non) la dite victime dans son sentiment d'oppression. Mais dans une Société équilibrée, qui plus est lorsqu'elle sacralise l'individu, il devrait être logique d'armer chacun à savoir se défendre contre toutes les imbécillités et quolibets que nous pouvons entendre à notre propos. Lorsque j'étais enfant, je subissais du harcèlement constant à l'école. Aujourd'hui adulte, je suis constamment diffamé par des "SJW" (Social Justice Warrior) anonymes sur les sites talibantifas. Bien entendu, dans les deux cas, cela m'a toujours affecté. Mais c'est bien parce que la vie est éprouvante que l'on se renforce moralement et que l'on apprend à savoir répondre ou ignorer un propos désobligeant à son encontre. Si le législateur laisse à entendre que l'individu n'est pas apte à savoir répondre ou ignorer de lui-même un propos jugé "discriminant", "haineux" ou "xénophobe", dans ce cadre, quelle la vision de l'Homme qui est plébiscitée ici ?

Non seulement il est nié que l'auditeur ou le lecteur d'un propos sulfureux puisse faire usage de son libre arbitre sur ce qu'il a lu ou entendu, mais il est tout autant nié à chacun, le fait que nous soyons dotés des capacités psychiques et intellectuelles permettant de répondre à ce propos, et pour le moins, recouvrer après quelques minutes ou quelques heures, un état d'indifférence général par rapport à ce qui a été dit. 

Alors bien évidemment, il y aura toujours des gens d'une extrême fragilité psychologique. Parfois pour des raisons liées à un trauma bien réel, parfois sans raison particulière. Mais la loi est établie pour servir l'intérêt général et non des intérêts particuliers. En outre, ce n'est certainement pas une décision de Justice (plus encore si elle est favorable à la dite "victime")  qui permettra à la personne lésée par une opinion, de se renforcer psychologiquement pour dépasser ces épiphénomènes. La Justice n'est pas un hôpital psychiatrique.

En clair, une tendance générale vise à réduire toujours plus le champ de la Liberté d'expression, mais derrière les apparences de la vertu, les lois qui sont promulguées véhiculent une certaine idée de l'être humain que je trouve absolument détestable. Que l'on soit incriminé ou dénonciateur dans de telles procédures judiciaires, toute la complexité de l'esprit est ici niée. Le libre arbitre est considéré comme inexistant, les victimes sont renvoyées à leur statut de "victime permanente" en raison de leur appartenance à un groupe communautaire particulier (ce qui heurte l'indistinction des citoyens sur leurs origines en République), et personne n'osera dire à ces dernières que ce n'est pas de Justice dont elles ont besoin, mais d'une thérapie. 

A ce titre, si vous êtes une femme et que vous entendez un propos clairement misogyne et ne relevant pas de l'humour, je vous propose une procédure nettement plus simplifiée que le recours au Procureur de la République : un bras d'honneur fait dans les règles de l'art. Si vous êtes victime d'un propos clairement raciste, je vous propose de résoudre le litige qui vous oppose avec votre interlocuteur, par un bon vieux "je t'emmerde gros con". Si vous êtes homosexuel et que vous croisez Christine Boutin, je vous suggère une royale indifférence, ce qui énerve autrement plus un politique que tout autre type de réaction.

Mais dans tous les cas, si ce n'est l'appel au meurtre, la propagande de guerre, la calomnie et/ou la diffamation publique, il me semble que la meilleure façon d'élever l'Homme à sa dimension d'être pensant, complexe et responsable de ses actes et propos, c'est de ne pas judiciariser nos pensées, tant pour protéger cette liberté fondamentale intrinsèquement liée à la Démocratie, que pour permettre à chacun d'apprendre à savoir dépasser la bêtise ordinaire et ne jamais la prendre pour soi. A ce titre, les lois mémorielles autant que celles qui répriment les différentes formes "d'incitation à la haine" doivent être abrogées. Elles ne traduisent que le mépris de l'Oligarchie pour le peuple et les personnes, et certainement pas une volonté de protéger les plus faibles. Si l'on ne sait pas se défendre soi-même face à de simples mots, c'est que la Société ne nous donne aucune arme, aucun encouragement à nous renforcer et dépasser nos affects particuliers. Ces lois promeuvent la faiblesse mentale, loin de tenter de nous en préserver.

jeudi 14 décembre 2017

Johnny le Révolutionnaire...

Le 9 Décembre dernier, entre 800.000 et un Million de personnes suivaient respectueusement le cortège funèbre de la dépouille de Jean-Philippe Smet, alias Johnny Hallyday, depuis l'église de la Madeleine jusqu'à l'Arc de Triomphe à Paris. Le chanteur, décédé quatre jours plus tôt, avait décidé de suivre l'écrivain Jean d'Ormesson dans un même élan, vers de nouvelles aventures un peu moins terrestres. 

Il était anticipé par la majorité des Français, que le décès de Johnny Hallyday susciterait une certaine émotion dans le pays, et pas seulement médiatique. Qui au cours d'un repas familial ou en devisant avec quelques amis, n'a pas un jour lancé "le jour où Johnny passera l'arme à gauche, ça sera sans nul doute un drame national" ? En vérité, si le chanteur pouvait revendiquer des centaines de milliers de fans, il n'avait rien de particulier. Les humoristes aimaient le croquer en exagérant ses raisonnements intellectuels plus que limités ; il n'était l'auteur de pratiquement aucune de ses chansons ; il était loin d'être un chanteur engagé ; et il n'avait pas de profondeur ou de charisme pouvant mettre en lumière sa singularité. Johnny, c'était d'abord une voix à nulle autre pareille, un réseau d'auteurs et de musiciens ayant composé tous ses tubes, une maison de disque qui le sponsorisait depuis ses débuts et quelques éléments marketing véhiculant une certaine idée (positive) de l'Amérique. Ça n'était ni un bienfaiteur de l'humanité, ni un salaud. Évadé fiscal comme nombre de gens fortunés en France, mais semble-t-il, généreux avec ses proches au point d'être plus cigale que fourmi. 

Certains s'interrogent sur les clés de son succès à travers le temps, pour ma part, je considère qu'au-delà de tout l'univers professionnel et médiatique qui concourrait à sa survie artistique, c'est tout de même la chaleur de sa voix et son talent pour vivre ses chansons pleinement, qui aura le plus fasciné ceux qui ont suivi sa carrière. Il n'en reste pas moins que la ferveur dont il a jouit jusqu'à la tombe, interroge sur nous, les Français. Avant d'y méditer un peu, apprécions tout de même l'idée que sa mort aura obligé des politicards traditionnellement très anti-cléricaux, à mettre les pieds dans une église. Sourions en pensant que TF1 aura ainsi retransmis l'intégralité d'une messe donnée à la mémoire du chanteur. D'un coup, la France se rappelle que les personnalités qu'elle plébiscite, quand bien même plutôt laïques et peu portées sur la religion, conservent un lien évanescent avec le christianisme. On peut cracher sur l'Eglise et son influence sur notre culture populaire encore aujourd'hui, mais l'on oublie bien vite notre désir de bouffer du curé quand il s'agit de rendre un dernier hommage à nos disparus.

Je le disais plus haut, Johnny était très loin d'être un chanteur engagé, mais admettons que se fusse le cas, et imaginons qu'il décidât de prendre les chemins de la Révolution, une fois arrivé au sommet de sa gloire. Supposons dans cette uchronie, que "l'idole des jeunes" se mit un jour à invectiver le gouvernement, contester sa légitimité, appeler ses fans à converger dans la rue et entamer une grève générale sur le champ. 

Aurait-il été suivi ?


Sans aller jusqu'à dire que l'ensemble de ceux qui appréciaient sa production artistique, aurait vu en lui le leader naturel d'une révolution, je suis convaincu qu'un très grand nombre de Français - même en dehors de ses fans - se seraient mis en ordre de bataille à son appel. Les idées nouvelles ou alternatives en France peuvent plaire au plus grand nombre, mais ne susciteront aucune confiance quant à leur valeur politique, dès lors qu'elles ne sont pas incarnées par des porte-voix célèbres ou prestigieux. Et peut importe qui les émet, ce qui compte, c'est que son émetteur soit connu et influent. En clair, c'est moins les idées qui comptent, que ceux qui peuvent les porter et rendre opératif leur contenu, parce qu'on prête à ces derniers la capacité non seulement d'influer, mais aussi de fédérer le plus grand nombre de Français derrière leur nom.

Dans nos réseaux politiques que l'on dira "alternatifs" ou "dissidents" nous disposons de quelques notoriétés qui sont à minima audibles de l'ensemble de nos effectifs à défaut d'être entendues de tous les Français. Cependant, la très grande majorité des intellectuels ne s'engage pas sur le sentier des luttes populaires, ce qui en soit, est un frein à la mobilisation. Leurs idées nous plaisent, mais si aucun d'entre-eux n'ose nous appeler à prendre la rue, alors nous restons cloîtrés dans nos maisons. D'ailleurs, là encore ce sont bien les messagers qui comptent et non pas leurs idées puisque ces dernières nous sont connues et pour beaucoup plébiscitées. Si donc les idées qui sont censées nous unifier politiquement sont déjà dans très bien partagées et diffusées, les appels à mobilisation des uns et des autres pour les faire advenir, devraient pouvoir se suffire en eux-mêmes. Mais non, si l'intellectuel de référence ou le politicien apprécié fait silence sur la pertinence de nous faire entendre au-travers de grands rassemblements populaires, alors nous n'avons aucun confiance sur le fait qu'il y'aura foule pour se rassembler derrière une quelconque revendication. Les appels à mobilisation restent alors vains. 

C'est pourtant un étrange paradoxe au pays de la Boétie, de contempler le Français ayant le cul assis entre le trône du Jacobinisme le plus absolu et le fauteuil de l'anarchisme le plus implacable, revendiquer sa lassitude de nos asservissements à des maîtres, tout en étant lui-même aveuglé par ses propres conditionnements. Je me souviens ainsi d'une entrevue sur je-ne-sais-quelle radio, où une Norvégienne qui travaillait en France depuis longue date, expliquait que ce qui l'avait le plus marqué dans nos comportements, était notre culture du conflit permanent. 

Et il vrai que nous aimons sacrément le conflit. Nous ne négocions pas des accords avec un patron ou un gouvernement, nous engageons un rapport de force. Nous ne défendons pas nos idées sans nous appuyer sur l'idée contraire qu'il s'agira de dégommer. Même dans nos relations amicales ou de couple, nous aimons simuler le conflit, voire nous lancer quelques vacheries pour le seul plaisir de faire réagir l'autre. Et si l'on s'immerge encore plus profondément dans notre culture du conflit, nous sommes perpétuellement en lutte contre nous-mêmes. Par exemple, les eurolâtres ne cachent pas leur haine de la France et trouvent toujours le moyen de nier notre singularité politique, culturelle et historique. Cela tout en véhiculant le nationalisme le plus napoléonien qui soit, dans leur conception de l'Europe à bâtir. Par ailleurs, peut-on haïr sans fascination ou amour pour ce qu'il est convenu de détester ? Dans leurs crânes, c'est bien à l'image de la France et de ses "valeurs" qu'ils s'imaginent façonner un super Etat européen. N'est-ce pas une dualité incompréhensible ? 

A l'inverse, les eurolucides disent vouloir restaurer la souveraineté du peuple français et le plus souvent instituer la démocratie, mais se méfient ou se chamaillent vis à vis des leaders pouvant porter avec le plus d'efficacité leur message. On peut même dire que les débats philosophiques sur l'anarchie ou l'horizontalité ont bonne presse dans nos réseaux. Sauf qu'il vient un moment où l'on devrait mettre de côté notre goût d'intellectualiser chaque revendication politique pour avancer avec ce qui est. Et si l'on croit un tant soit peu que la France mérite de survivre pour tout un tas de raisons objectives ou subjectives, peut-être devrions-nous tenir compte des réalités politiques qui permettraient au peuple de reprendre le contrôle sur sa destinée ? Ainsi, lorsque l'on regarde dans l'Histoire ou dans le fonctionnement actuel des institutions, nous savons que la Rue institue le rapport de force nécessaire, que le Parlement trahit constamment le peuple et le tient à l'écart de l'initiative des lois et que le chef de l'Etat imprime sa volonté politique pour le meilleur ou pour le pire.

En clair, les organes de représentation lorsqu'ils sont collégiaux, non seulement agissent très rarement au nom de l'intérêt général, mais quoi qu'ils fassent, ils nous désintéressent. Car le parlement est réputé sans force ou auto-bloquant et surtout, sans visage unique pour faire valoir une cohérence ou une légitimité certaine. En outre, le parlement ne décide pas de la paix ou de la guerre et ne donne aucun ordre à des fonctionnaires. 

La partie du peuple qui agit jusque dans la rue a un pouvoir d'influence, mais seulement si elle trouve en ses propres rangs, des meneurs qui sauront captiver un auditoire plus large que les premiers mobilisés. Si le représentant de la foule rassemblée est un syndicaliste inconnu et sans grande originalité, le Français observa ce moment de mobilisation comme un fait d'actualité parmi tant d'autres dans son téléviseur. Si en revanche, un ou plusieurs porte-voix un peu connu(s) soutiennent l'événement, alors on prêtera une oreille plus attentive aux revendications exprimées. Peut-être même que l'on s'ajoutera à la mobilisation. 

Enfin, s'agissant du chef d'Etat comme de n'importe quelle autorité ultime de toute organisation, nous lui prêtons la capacité de faire. Et qu'on le conteste ou qu'on le plébiscite, nous lui accordons plus d'intérêt que n'importe quelle entité collective censée représenter le contre-pouvoir du peuple contre son arbitraire. L'on se fiche de savoir si le parlement va plutôt dans le sens de nos idées ou non, si le chef, lui semble de notre côté. Lui peut faire concrètement quelque chose simplement en le décidant, et s'il n'a pas la main sur les institutions, en tant qu'individu, il n'est jamais multiple pour représenter nos idéaux, mais bien un. Son visage, sa voix, ses expressions sont reconnues là où tout collège de personnes reste profondément impersonnel et informe. 

Je ne cherche pas ici à encenser le chef ou défendre le principe du grand fédérateur. Je n'ai ni croyance, ni sympathie, ni idéologie à revendiquer à ce sujet. En revanche, je constate que l'on élit constamment celle ou celui qui sera le plus médiatisé, soit le plus visible dans nos esprits. Pas forcément celui qui a le plus à cœur de défendre nos intérêts. Si Madonna se présentait aux élections, en éludant son problème de nationalité, elle aurait toutes ses chances. Sa notoriété suffirait presque. Coluche qui était déjà célèbre et apprécié en 1981, a donné des sueurs froides à l'oligarchie de l'époque, quand on se rendit compte que ce qui n'était qu'une plaisanterie au départ, suscitait plus de 16 % d'intentions de votes. A tel point qu'il subit toutes les pressions pour retirer sa candidature. Et il fut même tellement apprécié en tant que contestataire de l'ordre établi, que sa mort autant que celle de Daniel Balavoine, continuent encore aujourd'hui de nourrir des doutes sur leur nature accidentelle.

Au final, Johnny Hallyday avait une carrière politique toute tracée s'il l'avait souhaité. Il aurait pu sans trop de soucis prétendre à la charge suprême. Il jouissait d'une notoriété et d'un capital sympathie plus que suffisant pour briguer n'importe quel mandat politique. Il pouvait réunir derrière son seul nom, plusieurs centaines de milliers de gens sur n'importe quel espace public. Mais Johnny le Révolutionnaire n'est qu'un personnage fictif, et l'insurrection qui reste à venir, ne dépend aujourd'hui que de stricts inconnus pour l'essentiel. Notre difficulté sera assurément d'admettre la nécessité de nous fédérer vers un tout petit nombre de leaders, mais ne désespérons pas, l'Histoire est toujours pleine de surprises.

Une fois n'est pas coutume, je clôture ce billet avec une vidéo, où, au-travers d'une chanson issue du répertoire de Johnny Hallyday, ce sont bien des souvenirs personnels qui m’inondent. Ainsi, je ne peux m'empêcher de penser aux voyages que nous faisions enfants (ma sœur et moi) avec mon père en voiture entre Paris et Limoges, à l'époque où l'album "Cadillac" sortait. C'est peut-être aussi cela la singularité de Johnny Hallyday dans notre histoire nationale : pratiquement tous les Français ont en mémoire des souvenirs qui ont été immortalisés par l'une de ses chansons. Bon voyage l'artiste !


lundi 11 décembre 2017

Lettre ouverte à Jean-Michel Blanquer

Monsieur le Ministre,

Je suis un activiste ayant quelques raisons d'ordre démocratiques, morales et sociales de ne reconnaître aucune légitimité à l'actuel usurpateur se prétendant «Président de la République ». Pour autant je reste critique dans le regard que je porte sur chacun de nos « représentants », qu'ils soient membres - de fait - du gouvernement ou du parlement. N'étant pas adepte du « tous pourris », je reconnais que jusqu'à ce que vous fassiez directement ou indirectement montre de votre félonie à l'égard de la France, rien ne laisse supposer pour le moment une quelconque malveillance de votre part à l'égard de nos intérêts fondamentaux dans votre action politique.

Vous-même, comme les observateurs politiques et médiatiques commentant vos propos publics, reconnaissez qu'une idéologie mortifère et égalitariste est venue s'insérer dans l'éducation nationale, et vous tentez aujourd'hui de remettre un peu d'ordre dans les priorités et la déontologie que se doivent de s'imposer les acteurs de l'enseignement public.

Je tiens à saluer vos prises de positions en attendant de constater leurs effets de long terme. Pour le moins, je ne puis que vous encourager à poursuivre votre œuvre de responsabilisation de l'institution, en vertu du fait qu'elle s'adresse en premier lieu à un public jeune, et ne disposant donc pas des connaissances et de l'esprit critique suffisant, pour embrasser les convictions idéologiques avec le discernement nécessaire, des précédents ministres ayant eu la charge de votre mandat.

Ainsi, nous constatons depuis quelques années, une « européïsation » de l'école, que ce soit au-travers des fanions étoilés apposés sur les façades d'établissement, ou encore la présentation uniquement positive (et très biaisée) de « la construction européenne » dans les programmes scolaires (exit les questions de démocratie, de souveraineté, d'auto-détermination des peuples, des dérégulations économiques et sociales, des intérêts géopolitiques américains, de la propagande et de son financement, etc) ou même sa promotion insidieuse dans les exercices donnés aux élèves dans n'importe quelle discipline, même très éloignée de l'éducation civique ou de l'histoire.


Je voudrais vous citer ici les extraits d'une circulaire (N° 70-416 du 27 Octobre 1970 ) rédigée par Raymond Marcelin, ministre de l’intérieur sous Georges Pompidou et disposant notamment que :

« les exhibitions sur la voie publique d'insignes ou d'emblèmes associés aux couleurs nationales, sont d'une manière générale, de nature à compromettre la sûreté et la tranquillité publique ; elles peuvent dont être interdites;
[…] L'éventualité de l'exhibition ou l'utilisation, sur la voie publique, de l'emblème national, associé à des emblèmes ou insignes présentant un caractère politique ou religieux soit lors de cortèges, défilés et rassemblements, soir lors de quêtes, dans des conditions de nature à entraîner de la part d'une catégorie de citoyens, des réactions créatrices de troubles de l'ordre public, doit conduire les Maires à refuser d'autoriser ou à interdire la quête ou manifestation envisagée ».

A cette époque la laïcité était encore un concept philosophique et politique parfaitement intelligible. Il était entendu que les emblèmes incarnant des idéologies politiques ou religieuses particulières, ne pouvaient être associés aux côtés du seul drapeau reconnu dans l'article 2 de notre Constitution, à savoir le drapeau bleu, blanc, rouge. Je vous invite d'ailleurs à lire une étude de Christina Sterie sur l'origine du "drapeau européen", qui vous informera notamment de la différence existante entre un drapeau national et un emblème politique particulier, sans valeur juridique réelle.

Ainsi, la ratification récente de M. Macron de l'article 52 desdéclarations annexées au TFUE portant reconnaissance au « drapeau européen » et autres symboles politiques de l'institution, ne retire rien au fond comme sur les formes constitutionnelles, au caractère purement politique (et même idéologique) du drapeau européen. Lorsqu'il est pavoisé sur un bâtiment public aux côtés du drapeau tricolore, cela revient à la même chose qu'exhiber un drapeau aux couleurs du communisme, de la chrétienté ou de l'islam sur le même support. J'appelle cela une provocation politique ostensible et ouvertement factieuse vis à vis de l'indivisibilité de la République et l'unité de la nation.

Je rappelle par ailleurs que notre assujetissement aux traités européens et plus encore à ses idéologues, quand bien même disposant de responsabilités politiques grâce au concours d'une propagande éhontée véhiculée par les grands médias publics et privés, est contestable et contestée partout sur le territoire français. A plus forte raison du fait que la propagande européïste, quoi que violant de grands principes constitutionnels, ne serait pas totalement immorale, si elle ne s'ajoutait pas à la censure méthodique des opposants (sérieux) à l'Union européenne, ou à la calomnie ou la diffamation lorsqu'il s'agit de disposer d'épouvantails populistes à agiter pour maltraiter un sujet extrêmement sérieux relatif aux atteintes à la démocratie en France. L'U.E autant que son idéologie est sabordée en définitive par ses propres promoteurs, puisque plus elle s'institue avec des méthodes totalitaires, plus l'hostilité à son égard est croissante.

Toujours est-il que si les Français se sont prononcés en 2005 contre le TCE par référendum et que le Traité de Lisbonne - je suis prêt à en dérouler la démonstration juridique auprès de vos services - est appliqué illégalement en France ; que nos concitoyens votent pour des partis populistes (ou non) critiquant, voire souhaitant le démantèlement de l'Union européenne et l'euro, cela laisse au moins à supposer que le peuple est extrêmement divisé sur la question. D'ailleurs, même les eurolâtres critiquent l'actuelle institution. Personne n'est d'accord sur le projet, et je fais partie de ceux qui considèrent qu'il est totalitaire, mondialiste, anti-social et nous entraîne sur les chemins de la guerre. En rien je ne souhaite que la dissuasion nucléaire de la France soit partagée avec d'autres Etats dans le cadre d'une fédération ou d'une confédération européenne à créer. Les Allemands sont les Allemands, les Français sont les Français. Nos intérêts fondamentaux, nos repères culturels et linguistiques diffèrent, tout comme nos traditions politiques. Les peuples ne sont pas fongibles entre eux, et plus encore au mépris des référendums.

A ce titre, je vois au-travers de l'érection du drapeau européen sur les façades de nos établissements scolaires, une atteinte profonde au droit des enfants à ne pas subir les idéologies politiques particulières des (ir)responsables politiques du moment. L'emblème européen n'étant pas reconnu par la constitution, et véhiculant le symbole d'une idéologie politique particulière violant expressément les principes de souveraineté et d'indépendance nationale, il ne peut être exhibé ostensiblement sur l'espace public, au risque de «  compromettre la sûreté et la tranquillité publique ».

Pour le moins, l'école doit rester un sanctuaire abritant les enfants des idéologies religieuses ou politiques des adultes. C'est l'exercice de la raison critique, l'éducation à l'Histoire, l'économie (et non à la seule doctrine libérale), le droit public et constitutionnel, la philosophie politique et au vocabulaire, qui permet de donner des clés de compréhension à un jeune adulte, pour qu'il se forge librement une pensée politique circonstanciée. Mais un enfant ne peut pas à 10 ou 16 ans, savoir si un drapeau européen ainsi que des cours plus qu'angéliques donnés sur les fondements de l'institution, répondent d'une légitimité politique et constitutionnelle en France.

Monsieur le Ministre,

Bien que je sois conscient que M. Macron et son premier ministre soient des eurolâtres convaincus et en ce sens des traîtres à la patrie (pardonnez-moi ici d'appeler un chat un chat), il n'en reste pas moins que vous avez la possibilité de faire valoir votre discernement ainsi que votre sens de la morale et de l'éthique concernant le fonctionnement de l'institution dont vous avez la charge aujourd'hui. Vous jouissez en outre d'un « capital sympathie » et d'un rôle « stratégique » dans les calculs politiciens de M. Macron, pour que des décisions rétablissant l'ordre républicain à l'école, jusque dans le retrait des emblèmes européens sur les façades des établissements et une réécriture des programmes relatifs à la description de « la construction européenne » afin d'en faire connaître un regard plus neutre ou du moins équilibré, ne soient pas de nature à compromettre votre place au Gouvernement.

L'un dans l'autre, je considère que les intérêts personnels de nos « représentants » passent après les nécessités d'Etat et de l'intérêt public. J'accuse vos prédécesseurs d'avoir mené des réformes qui visent à défaire l'unité de notre peuple, et la conscience de sa souveraineté sur sa représentation, son territoire politique et ses lois. Je vous appelle à rétablir l'école dans ses prérogatives et responsabilités éducatives originelles. La citoyenneté n'est pas un concept creux et malléable, et si l'école est censée former de futurs citoyens, il me semble nécessaire que ces derniers comprennent quels sont les périls qui menacent leur souveraineté politique, et aient donc conscience pour cela, de ce que signifie en profondeur le principe de souveraineté nationale.

Quand rien n'est fait pour leur enseigner un minimum de philosophie du Droit, que l'on s'attache à européïser ou communautariser voire atomiser les enfants pour dissoudre tout sentiment de fraternité, d'unité et d'intérêt commun à la nation, alors l'école devient complice de tous les totalitarismes.

Dans l'espoir que vous tiendrez compte de ma requête, et que mes comparses et moi-mêmes, n'auront plus besoin de décrocher directement les « torchons » des façades d'écoles, collèges et lycées à l'avenir,

Bien cordialement,

Sylvain Baron





jeudi 7 décembre 2017

Le dépeçage d'Alstom, une affaire de haute trahison

Le 29 Avril 2014, le journal « Le Figaro » nous apprenait que Patrick Kron, PDG du groupe Alstom, ainsi que son actionnaire principal Bouygues, s’apprêtaient à céder la branche énergie au groupe américain General Electric. En réalité, Arnaud Montebourg, alors Ministre de l'économie, révélera que les discussions entre General Electric, Bouygues et Alstom ont débuté dès le mois de Février 2014. 

François Hollande ignorant sans doute qu'il est à l'époque Président de la République, « réclame » à ces messieurs du temps pour préparer le désengagement de l'Etat (qui sera en vérité très rapide). Le lundi 28 Avril au matin, il a en effet reçu à l'Elysée Jeff Immelt, président de General Electric.

Pour l'assister dans ses discussions, François Hollande est alors secondé par Jean-Pierre Jouyet, énarque eurolâtre ayant ses entrées au Club du Siècle, débarqué 12 jours plus tôt au Secrétariat Général de la présidence de la République. Le Secrétaire Général Adjoint du cabinet de la présidence de la République, Emmanuel Macron, est pour sa part présent depuis la première année du mandat de François Hollande. Et lui aussi participe aux discussions avec Jeff Immelt. Enfin, le sémillant Ministre de l'économie et du « redressement productif » de l'époque, Arnaud Montebourg, est consulté pour la forme, mais son avis sera sans importance. Ce sont en effet les conseillers élyséens Jean-Pierre Jouyet et Emmanuel Macron qui auront l'ascendant dans les discussions ce matin-là. Arnaud Montebourg est réduit à son impuissance politique, et il sera d'ailleurs remercié le 25 Août de la même année pour être remplacé par... Emmanuel Macron. Désormais, le futur président de la république bananière française, peut piloter en bon banquier la négociation. C'est aussi à cette date qu'il prend sa part de responsabilité sur les décisions, décrets et arrêtés qu'il fera publier sur cette transaction.

François Hollande communique en faisant valoir qu'il se préoccupe en premier lieu de l'emploi, du maintien de centres de décisions en France et l'indépendance énergétique de la France. L'État réclame ainsi que GE s'engage à poursuivre les projets d'Alstom dans le domaine de l'éolien offshore et de l'énergie hydraulique en France. Il souhaite également que l'américain perpétue la présence d'Alstom dans « l'équipe de France » du nucléaire à l'export. Arnaud Montebourg pour sa part souhaite sanctuariser les filiales en relation avec le nucléaire, en les mettant à l'abri de la transaction, qui originellement ne portait pas sur cette branche d'activité.

La trahison (Art. 411-5 du Code Pénal) supposant des complicités à des degrés divers d'un appareil d'Etat, il convient d'évoquer d'autres noms en lien avec cette affaire. Nous aurons un jour des explications à leur demander. Ainsi à cette époque, David Azéma, haut-fonctionnaire et banquier, faisait la relation entre l'Etat et les dirigeants d'Alstom sur ce dossier au sein de l'agence des participations de l'Etat. Son départ de l'institution le 14 Juillet 2014 pour se mettre au service de Bank of America afin « de faire de l'argent » est, étrange hasard, l'occasion d'un chassé-croisé avec Laurence Boone, elle-même économiste pour Bank of América propulsée au poste de conseiller économique et financier à l'Elysée en juillet 2014. Cela fait beaucoup d'intérêts américains représentés directement ou indirectement aux côtés de François Hollande, au moment où il s'agit de défendre une industrie stratégique française de la prédation d'une multinationale américaine.

Mais l'heure est à la grande braderie et à tous les asservissements. Au point même que d'anciens capitaines d'industrie s'insurgent, avec par exemple, un article signé par Loïk le Floch Prigean sur le site Atlantico, le 2 Mai 2014, où il s'interroge notamment sur le fait qu'un groupe dégageant 50 Milliards de commandes, qui est donc en parfaite santé financière et alimentant de surcroît la filière du nucléaire français, s'il a vocation à passer sous contrôle étranger ?

Le 24 Juin 2014, Patrick Kron répond aux questions de l'Est Républicain, et précise d'une part que le groupe a 25 Milliards de commandes sur 4 ans (ce qui prouve donc l'absence de difficultés justifiant une quelconque cession d'actifs), mais aussi qu'il a réclamé à l'Etat de s'engager à hauteur de 20 % dans l'actionnariat d'entreprise.

Début Juillet, un article dans le journal « Marianne », révèle que des poursuites pour corruption à l'encontre de dirigeants d'Alstom travaillant sur territoire américain ont été abandonnées le lendemain même de la validation de vente d'Alstom Energie à General Electric.


« Alstom est accusé d'avoir versé des pots-de-vins à un membre du Parlement indonésien et à des dirigeants de Perusahaan Listrik Negara PT (PLN), une compagnie électrique contrôlée par l'Etat indonésien, dans le cadre d'un contrat de 118 millions de dollars portant sur la centrale électrique de Tarahan, situé sur l'île indonésienne de Sumatra. C'est en enquêtant sur ce contrat que la justice américaine aurait découvert des preuves d'autres pots-de-vins dans des contrats portant sur des projets énergétiques en Indonésie, en Inde et en Chine ».

En 2015, Emmanuel Macron a lui-même révélé "croire" que la séparation de la branche Energie d'Alstom, visait d'avantage à protéger Patrick Kron et certains de ses cadres sur des poursuites judiciaires aux USA, tout en défaisant Alstom du risque d'une amende record de 720 Millions de Dollars. Ainsi, pour échapper aux foudres de la Justice américaine, Patrick Kron était prêt à dépecer la France d'une part de son patrimoine industriel le plus stratégique, et il fut conseillé pour le montage financier à produire par... Bank of America. 

Le 19 décembre 2014, les actionnaires (dont l'Etat Français) autorisent la cession d'Alstom Energie à General Electric. Patrick Kron empoche 4 Millions d'euros de bonus pour ses bons et loyaux services. Un pot-de-vin légalisé en somme.

Le 5 janvier 2015, le journaliste Jean-Michel Quatrepoint publie un article sur le Figaro, mettant en cause la responsabilité du fraîchement catapulté Ministre de l'Economie et des Finances Emmanuel Macron, sur sa passivité concernant ce dossier, ou plutôt l'énergie qu'il a déployé à faciliter la transaction

« Le protocole d'accord approuvé par Emmanuel Macron en novembre et voté par l'assemblée générale d'Alstom, le 19 décembre, est proprement hallucinant! tant il fait la part belle à Général Electric et ne correspond pas à ce qui avait été négocié et présenté au printemps dernier » 

Il précise dans ce papier, la répartition de la construction des turbines de réacteurs nucléaires civils ou militaires en France. En 2000, l'usine du Creusot de la filiale Thermodyn d'Areva (anciennement Framatome) a été cédée à Nuovo Pignone, industriel italien de mécanique de précision lui aussi racheté par General Electric.

Thermodyn qui est donc sous contrôle américain, fournit la moitié des turbines à vapeur de notre Marine Nationale. C'est aussi cette usine qui forge les turbines des Sous-Marins Nucléaires d'Attaque français (SNA). D'autres usines du Groupe Alstom (sans doute celles de Belfort), assurent la construction des turbines propulsant notre porte-avion le « Charles de Gaule », ou encore nos Sous-Marins Lanceurs d'Engins (SNLE).

Je voudrais reprendre ici une publication du groupe General Electric sur son propre site internet, qui se flatte de détenir des usines autrefois totalement françaises, lui permettant d'avoir la main-mise sur des données technologiques extrêmement sensibles du point de vue de notre indépendance nationale :

« Équiper des sous-marins nucléaires en turbines à vapeur est un véritable défi technologique, que relève Thermodyn, une filiale de GE Oil&Gas au Creusot. Depuis plus de 50 ans, les sous-marins nucléaires français sont équipés avec les turbines à vapeur de cette entreprise. 

“Imaginez-vous dans un sous-marin nucléaire. Le turbo-alternateur redresseur qui est ici serait à tribord et il y en aurait un autre à bâbord. Ce sont eux qui assurent la production d’électricité à bord. Entre les deux, une turbine de propulsion qui entraîne l'hélice”, expose Didier Blondaux, ingénieur principal « turbines vapeur » du site. Nous sommes dans la chambre sourde spécialement aménagée dans les ateliers du Creusot pour réaliser des tests confidentiels destinés à mesurer les bruits et les vibrations. Objectif ? S'assurer que la turbine ne rendra pas détectable le nouveau sous-marin nucléaire d'attaque (SNA) de la Marine nationale, le Barracuda.

GE Oil & Gas au Creusot a été choisie par la DCNS, leader mondial du naval de défense, pour équiper en turbines les six sous-marins de cette nouvelle génération de SNA. La commande a été passée en 2007. Les premières machines ont déjà été livrées et les équipes du Creusot travaillent maintenant sur celles du deuxième navire. Au total, l'engagement pour le site du Creusot court jusqu'en 2024. Un chantier considérable. Et très complexe.

“Quand on travaille avec le militaire, les contraintes sont nombreuses : il faut que les machines résistent aux chocs comme à une accélération brusque et à une forte inclinaison. Comme il n'y a pas un centimètre à perdre dans un sous-marin, elles doivent être ultra compactes, précise Didier Blondaux. Si leur principe de fonctionnement est le même que celui de turbines classiques, nous construisons des turbines uniques. Il n'y a quasiment aucune pièce standard.”

Le site du Creusot, acquis par GE Oil&Gas en 2000, est un fournisseur historique de DCNS : les turbines à vapeur de la génération actuelle de SNA, ainsi que celles des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins mais aussi les turbo-alternateurs du porte-avions Charles de Gaulle, ont été fabriqués dans l'usine du Creusot, au cœur de la Bourgogne ».

J'interroge ici chacun de mes compatriotes, et les membres de notre Etat-Major en premier lieu, sur la confidentialité garantie quant aux normes acoustiques du Barracuda : dès lors que l'Etat-Major américain peut détenir et dispose certainement déjà de toutes ces données sensibles, disposons-nous en retour d'un droit de regard sur les secrets de fabrication de technologies militaires américaines d'une sensibilité équivalente ?

Et c'est ici que je redonne la parole à M. Quatrepoint pour enfoncer ce qui me semble être pourtant une porte ouverte pour n'importe quel responsable politique, amiral ou général d'armée un peu sérieux :

« Les Etats-Unis sont nos alliés, mais il peut arriver dans l'histoire que des alliés soient en désaccord ou n'aient pas la même approche des problèmes, notamment dans la diplomatie et les relations entre États. Est-on sûrs qu'en cas de fortes tensions entre nos deux pays, comme ce fut le cas sous le Général de Gaulle, la maintenance de nos centrales nucléaires, la fourniture des pièces détachées seront assurées avec célérité par la filiale de GE?

En outre, on a également oublié de dire qu'il donne à GE le monopole de la fourniture de turbines de l'ensemble de notre flotte de guerre. D'ores et déjà, le groupe américain fournit près de la moitié des turbines à vapeur de notre marine, à travers sa filiale Thermodyn du Creusot. Alstom produit le reste, notamment les turbines du Charles de Gaulle et de nos quatre sous-marins lanceurs d'engins. Demain, GE va donc avoir le monopole des livraisons pour la marine française. Que va dire la Commission de la concurrence? Monsieur Macron a-t-il étudié cet aspect du dossier?

Enfin, il est un autre secteur qu'apparemment on a oublié. Il s'agit d'une petite filiale d'Alstom, Alstom Satellite Tracking Systems, spécialisée dans les systèmes de repérage par satellite. Ces systèmes, installés dans plus de 70 pays, équipent, bien évidemment, nos armées, et des entreprises du secteur de la défense et de l'espace. C'est un domaine éminemment stratégique, car il concerne tous les échanges de données par satellite. General Electric récupère cette pépite. Quand on sait les liens qui existent entre la NSA, les grands groupes américains pour écouter, lire, accéder aux données des ennemis, mais aussi des concurrents, fussent-ils alliés, on voit l'erreur stratégique à long terme que le gouvernement vient de commettre. Le ministère de la Défense a t il donné son avis ? 

Reste une question qui, quoi qu'aussi angélique que décliniste dans ses fondements, est régulièrement soulevée par des journalistes de propagande :

« La France a-t-elle les moyens de se prémunir de la prédation d'intérêts étrangers sur son patrimoine industriel stratégique » ?

La réponse est définitivement et irrévocablement oui. D'abord parce que la France est un Etat Souverain et absolument rien n'est impossible à un Etat en matière de légifération ou de décision sur son propre territoire. 

Mais plus encore, nous disposons de toute une panoplie d'instruments juridiques organisant les niveaux de responsabilité pour tout ce qui relève des intérêts fondamentaux de la nation. Ainsi, l'article 151-3 du Code Monétaire et financier dispose que :

"I. – Sont soumis à autorisation préalable du ministre chargé de l'économie les investissements étrangers dans une activité en France qui, même à titre occasionnel, participe à l'exercice de l'autorité publique ou relève de l'un des domaines suivants :

a) Activités de nature à porter atteinte à l'ordre public, à la sécurité publique ou aux intérêts de la défense nationale ;

b) Activités de recherche, de production ou de commercialisation d'armes, de munitions, de poudres et substances explosives.

Un décret en Conseil d'Etat définit la nature des activités ci-dessus.

II. – L'autorisation donnée peut être assortie le cas échéant de conditions visant à assurer que l'investissement projeté ne portera pas atteinte aux intérêts nationaux visés au I.

Le décret mentionné au I précise la nature des conditions dont peut être assortie l'autorisation.

III. – Le ministre chargé de l'économie, s'il constate qu'un investissement étranger est ou a été réalisé en méconnaissance des prescriptions du I ou du II, peut enjoindre à l'investisseur de ne pas donner suite à l'opération, de la modifier ou de faire rétablir à ses frais la situation antérieure.

Cette injonction ne peut intervenir qu'après l'envoi d'une mise en demeure à l'investisseur de faire connaître ses observations dans un délai de quinze jours.

En cas de non-respect de l'injonction précitée, le ministre chargé de l'économie peut, après avoir mis l'investisseur à même de présenter ses observations sur les faits qui lui sont reprochés dans un délai minimum de quinze jours, sans préjudice du rétablissement de la situation antérieure, lui infliger une sanction pécuniaire dont le montant maximum s'élève au double du montant de l'investissement irrégulier. Le montant de la sanction pécuniaire doit être proportionnel à la gravité des manquements commis. Le montant de la sanction est recouvré comme les créances de l'Etat étrangères à l'impôt et au domaine.

Ces décisions sont susceptibles d'un recours de plein contentieux".

Il m'a semblé important de revenir sur l'affaire Alstom, chapitre que j'ajoute à la fin de l'année 2017, quelques mois après l'élection d'Emmanuel Macron au mandat de Président de la République. En effet, si j'élude ici les circonstances ayant favorisé l'élection de cet eurocrate - protégé de François Hollande, Alain Mink et Jacques Attali et ancien chargé d'affaire à la Banque Rothschild - jusqu'au sommet de nos institutions, je regrette presque de constater que son entrée fulgurante dans le monde politique lui vaut les apparences d'une certaine virginité en matière de corruption et de crimes de lèse-nation. Or, tel n'est pas le cas...

L'expérience des procès où la haute trahison était l'objet de toutes les discussions concernant d'anciens dirigeants politiques français (Laval et Pétain en premier lieu), montre que la défense choisira toujours de s'orienter sur la dilution des responsabilités. Cela du fait même qu'un chef d'Etat, un Premier Ministre ou tout responsable politique en général, est secondé par des fonctionnaires ou hauts-responsables militaires, qui peuvent à tout moment faire part de leur critiques, désobéir voire démissionner s'ils ont le sentiment qu'une « décision politique » est de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation. 

Ainsi, puisque personne ne semble assez courageux ou conscient des enjeux pour contester les décisions des puissants, on pourrait supposer que ces décisions sont jugées opportunes, ou du moins partagées par toute une chaîne de commandement. A ce jeu là, le moindre fonctionnaire, soldat ou même citoyen finalement passif face aux événements, pourra tout à fait être inclus dans la chaîne de responsabilité conduisant à une aliénation des intérêts de la nation. Mais on ne juge pour haute trahison qu'un nombre réduit de responsables politiques ou institutionnels, cela pour des raisons autant politiques que fonctionnelles. Les exécutants se distinguent des décideurs sur le fait qu'ils ne ratifient pas des arrêtés, décrets ou ordonnances, ne participent pas aux discussions les plus stratégiques et confidentielles, et quand c'est le cas, n'ont qu'une influence relative, voire neutre. Les décideurs sont donc nécessairement un Chef d'Etat, des membres du Gouvernement, et quelques haut-fonctionnaires le plus souvent en matière de politique économique et militaire.

Emmanuel Macron ayant participé activement à la cession de la branche énergie du groupe Alstom à des intérêts américains, cela en tant que Ministre de l’économie, porte donc une responsabilité qu'il devra un jour assumer jusque devant les tribunaux. Par ailleurs, c'est dans une toute autre affaire que j'évoquerai dans un chapitre consacré à la question syrienne, qu'en tant que Ministre de l'économie, il faisait aussi partie du Conseil de Défense de François Hollande, et pouvait préférer remettre sa démission, plutôt qu'autoriser l'ouverture de crédits permettant de doter des terroristes en armes et différents soutiens logistiques sur un territoire étranger. Ne pas agir revient à consentir. Et sur au moins deux affaires entachant très gravement le précédent gouvernement de la France, Emmanuel Macron n'est pas vierge de responsabilités pénales.


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