J'écris ce billet à la veille du
dernier rassemblement que j'organise avec mes camarades dans le cadre
des Gilets Jaunes, et plus largement à l'issue d'un long chemin de
croix militant qui a été le mien durant près de 10 années.
Autant vous le dire, je suis pessimiste
pour les années à venir.
« Les Gilets Jaunes »
est un mouvement qui a fait la démonstration que le peuple français
n'est pas tout à fait endormi. Cela après plus de cinq décennies
de déconstruction méthodique des acquis sociaux et démocratiques
dont nous avions hérité sur près de deux siècles. Nous n'étions
pas en régime démocratique sous la Vème République, et le Système
économique et social dans lequel nous étions inscrits, n'était
rien d'autre qu'un ensemble de concessions obtenues auprès de
puissances d'argent. Ces dernières jusqu'au milieu des années 70,
ont en effet préféré rester discrètes et humbles face à la
misère dont elles se savaient largement responsables. Puis la
cupidité a repris le dessus, adossée à des velléités
impérialistes de la part d'un certain nombre de puissances
étrangères. La France, hyper-puissance diplomatique et politique
dans le concert des nations, traînait derrière elle un héritage
culturel et historique qui ne pouvait que contrarier tous ces
intérêts prédateurs. Mais pour l'avantage de ces derniers, nos élites
de tous temps ont toujours été très sensibles à la corruption et
peux enclines à défendre l'intérêt national. Voici donc que
nous arrivons au bout d'un long et pernicieux processus de
démantèlement de l'Etat. Et si en apparence nous sommes toujours sous la Vème République, la Souveraineté Nationale garantie par le titre premier de notre constitution, est désormais totalement abolie, ou du moins transférée à la Commission européenne. Nous n'avons donc plus de Constitution, ou du moins pas d'autre que celle que nous avions refusé en 2005 par référendum. Et le démantèlement de la France est en cours de finalisation sous le Régime
Macron.
Si la question de l'Union européenne
et de la contradiction de ses asymétries économiques, monétaires et politiques,
laisse quelques espoirs d'une future crise à même d’annihiler toute crédibilité à une
oligarchie qui aura défendu avec un fanatisme ardent l'euro et plus
globalement une technostructure vouée à asservir les nations, dans
l'attente, le calendrier que cette dictature nous impose, reste honoré
par son serviteur le plus zélé en la personne d'Emmanuel Macron.
La majorité des Gilets Jaunes, et plus
globalement des Français, reste cependant peu intéressée
au-dessous des cartes. Il est vrai que s'éduquer sur le Droit,
l'Economie, la Monnaie, l'Histoire ou la Géopolitique, cela demande
du temps que tout le monde n'a pas forcément. Mais cela demande aussi une
curiosité que très peux partagent. Pour la majorité des Français
comme de nos représentants, il est préférable d'en rester à la
surface des choses. Au pays des Lumières, a succédé le règne du
consumérisme aussi idiot que capricieux. "Du pain et des jeux", le
peuple n'a jamais aspiré à plus d'élévation que cela. Et si
jusqu'au milieu du siècle dernier, il restait encore un peu de
transcendance et une certaine idée de la vertu du fait d'un
catholicisme qui n'était pas tout à fait éteint, aujourd'hui, ce
qui restait de nos repères spirituels ayant eu cours sur près de
1500 ans, est désormais démoli à la pelleteuse quand on ne brûle
pas des cathédrales de façon « accidentelle ».
Le peuple français n'existe finalement
plus que par une langue partagée. Mais plus par un sentiment d'être
le légataire d'une histoire et plus encore le dépositaire de
l'avenir de nos générations futures. Qu'on observe nos enfants :
ils exigent leur playstation et des fringues d'une grande marque,
tout en restant insouciants des périls qui menacent leur existence.
Leurs parents aussi du reste. Ô biensûr nous avons bien une petite
bourgeoisie qui s'achète une bonne conscience morale en votant
« écolo », car ce qui compte en France, reste définitivement les
apparences. Pas de mettre le nez dans la réalité. Rien n'est plus
hostile à la planète que soutenir des traités européens violemment
libre-échangistes et productivistes, mais ça n'est pas grave. Quand
on vote « écolo », on s'achète une dignité sociale à bon compte.
Celle du type sympa qui contrairement à l'autre blaireau d'en face,
dispose d'"une conscience". Une conscience cependant vide de toute volonté de
comprendre les mécanismes macroéconomiques et politiques qui sont à la source des pires déprédations écologiques. Une conscience qui s'interdit de penser le bien commun et la fraternité avec son propre peuple. On est altermondialiste chez les "écolos". Quand bien même on ne connaît rien de la vision d'un Chinois ou d'un Ghanéen sur le monde, et qu'on vilipende ce salaud de Cubain un peu trop patriote, on reste "mondialiste" car il faut aimer tout ce qui est autre que sa propre communauté nationale. Le vote « écolo »
ne vaut pas mieux que l'exigence de porter sur soi le dernier survêtement à la mode pour briller en Société.
Cependant, nous avons eu la crise des
Gilets Jaunes. Que l'on s’enthousiasme un peu ! Voila le
bon peuple des campagnes, pétri de bon sens qui s'est insurgé enfin ! Cependant, là aussi les apparences sont de mise. Rappelons que le
point de départ n'est pas la colère contre une oligarchie qui
asservit la France à tous les intérêts prédateurs. Ce ne sont pas
nos guerres illégales menées au Moyen-Orient qui ont scandalisé
les Français. Ni les trahisons constantes comme la vente de notre
patrimoine industriel le plus stratégique à l'Allemagne ou aux USA.
Non, c'est toujours "du pain et des jeux" qui motive notre
indignation. Macron se serait borné à défiscaliser pour une année
les produits pétroliers, tout en proclamant l'abolition définitive
de la France en tant que désormais « région de l'Europe »,
il n'y aurait eu personne dans les rues. D'ailleurs, le Traité d'Aix
la Chapelle n'a pas suscité beaucoup d'indignation chez les Gilets
Jaunes. Mais attention, nous avons à faire à des Révolutionnaires,
des vrais ! Ce qui compte outre la marque de reconnaissance au
club (le Gilet Jaune), c'est d'être nombreux. Car c'est bien
ça une révolution, c'est une foule en colère. Bon évidemment, nos
foules préfèrent se balader dans les centres villes plutôt
qu'assiéger des centres de pouvoir. Mais qu'importe, le but est
d'être nombreux, pas de réfléchir à ce qui peut réellement
porter préjudice à l'oligarchie au pouvoir. Et attention : en
révolutionnaire cohérent avec la bêtise générale, on se refuse
à déclarer toute manifestation en préfecture. Parce qu'il s'agit
de faire la démonstration d'une rébellion. Un peu comme notre môme
de 15 ans qui insulte ses parents lorsque ces derniers refusent de lui offrir
sa playstation. Des vrais rebelles nos Gilets Jaunes. Ils donnent à
la maréchaussée les justifications légales de les disperser dans
la violence, pour le seul motif de faire valoir leur pseudo
rébellion. De l'adrénaline à bon compte et la gloriole de pouvoir
se dire « rebelle ». Mais pas d'objectif à atteindre.
Pas de volonté de renverser les tyrans au pouvoir. Par contre, tous
les blessés seront salués comme des héros dans un exercice de
martyrologie, qui évidemment, ne peut qu'effrayer les Français qui
auraient voulu nous rejoindre. Des martyres pour rien et qui auraient
même pour certains d'entre eux, pu éviter un œil crevé ou une main
arrachée, si tant est que les organisateurs de manifestations où
ils se rendaient, s'étaient montrés responsables en déclarant
leurs cortèges, pour ne donner aucune raison légale à la
maréchaussée de pouvoir disperser en force les manifestants.
Mais non, il y'a des « déters »
qui se prennent pour des révolutionnaires alors qu'ils ne sont que
des ados attardés en mal de reconnaissance sociale. Ils se prennent
pour des héros, veulent se confronter à la flicaille tout en
admettant pas que cette volonté suppose d'être prêt à tuer ou alors assumer par avance la défaite et les blessés autour de soi.
Demain, nous serons sous les fenêtres
des grands médias à nouveau. Cela pour la énième fois depuis
2015, où je ne cesse d'appeler qui veut bien, à assiéger ces
institutions de pouvoir. Nous ne serons pas nombreux, notre
insoumission est en outre si sage puisque nous déclarons nos
cortèges et rassemblements. Mais nous sommes cohérents. Nous ne
cherchons pas à nous acheter une dignité sociale, une aura de
rebelle en carton-pâte, un statut de héros ou de martyre, mais bien
à être au pied des studios dédiés à la propagande des puissants. Nous n'exigeons pas de
Macron qu'il ait la gentillesse de nous accorder « plus de
pouvoir d'achat » ou de « réduire les taxes »,
nous exigeons que ce criminel et toute sa clique soit destitué. Nous
ne nous réclamons pas d'une écologie bon teint pour nous donner
bonne conscience, nous exigeons de sortir de l'U.E, l'euro, et
pourquoi pas de l'OMC et bien d'autres institutions qui promeuvent le
libre échange et la privatisation de toutes les filières les plus
stratégiques permettant à un Etat de mener une politique écologique digne
de ce nom.
Certes, nos prétentions sont peut-être
trop sages ou trop radicales. Nous avons peut-être le défaut d'une
certaine constance voire de rigueur intellectuelle. Mais à bien y
réfléchir et au regard de la lente décomposition du Mouvement des
Gilets Jaunes, est-ce que nous avons tort d'acter et penser la
Révolution ainsi ?
A demain pour celles et ceux qui ont
compris, parfois depuis bien des années. A jamais pour les
capricieux qui ne s'intéressent qu'à la surface des choses, et non
à renverser une tyrannie au pouvoir.