Un certain nombre d'internautes sollicitent régulièrement mon humble avis, sur des initiatives qu'ils peuvent soutenir concernant un appareil politique de transition, à même de produire les assainissements les plus urgents de la façon la plus démocratique que possible.
Tel est le cas avec la proposition du "Conseil National des Citoyens" qui m'a été rapportée, dont à titre personnel, je ne soutiens pas les formes, et je tenais à m'en expliquer ici, à partir d'une réflexion plus vaste...
Tout d'abord, il est une nécessité d'avoir un regard sur l'achèvement de périodes de crises dans l'Histoire, pour se rendre compte qu'elles ont toutes été le fait de véritables dictateurs, au sens de la définition qu'en donnait la République Romaine en des temps plus anciens :
"Le dictateur romain est un magistrat extraordinaire dans la République romaine antique, institué en 501 av. J.-C. Le titre original était magister populi (« maître du peuple »). Il est généralement nommé en cas de forts troubles, par l'un des consuls en exercice, parmi les anciens consuls, et pour une durée maximale de six mois. Il remplace les deux consuls de l'année. Il reçoit les pleins pouvoirs, les autres magistrats sont alors suspendus, exceptés les tribuns de la plèbe".
Si l'on prend le seul cas de la France sur les trois derniers siècles, Napoléon Bonaparte, Georges Clémenceau ou Charles de Gaulle, ont été portés au pouvoir et ont même été plébiscités, alors que notre pays traversait de graves crises intérieures et militaires.
Nous ne jugerons pas ici de leur propre politique, mais nous admettrons tout de même qu'ils étaient des hommes d'Etat charismatiques, populaires et conscients de leur devoir. Ce qui me semble le plus intéressant à relever, c'est qu'en temps de crise, les Français comme bien d'autres peuples dans le Monde, ne se soulevèrent pas contre leurs dictateurs, mais au contraire, leur accordèrent un soutien aveugle. Et cela tient à plusieurs raisons :
1) Il n'est pratiquement aucun pays où la Démocratie a été instituée tant dans le fonctionnement des institutions, que dans les consciences. Un peuple qui méconnaît les réflexions ayant existé ou existantes sur les diverses formes que peut revêtir la Démocratie, n'a donc pas la capacité intellectuelle de s'inquiéter à proprement parlé du recul de celle-ci, surtout lorsque les nécessités sociales, alimentaires et militaires deviennent plus criantes que l'aspiration à pouvoir participer pour chaque citoyen, à l'élaboration des lois.
2) Une crise est par définition un moment politique particulièrement dégradé, où nombre d'urgences à traiter s'accumulent. On abandonne plus volontiers à un expert le pouvoir de décider et exécuter rapidement ses décisions, que l'on tient à s'appuyer sur de longs débats parlementaires, qui d'une part ne peuvent satisfaire les urgences à traiter, et d'une autre part, vident toute radicalité à des mesures d'assainissement qui sont nécessairement... radicales.
3) Il est enfin plus commode pour les Assemblées parlementaires - très souvent co-responsables de la dégradation économique, démocratique et militaire d'un pays - de se défausser de leurs prérogatives en temps de crise. Leur légitimité étant en général dans de telles circonstances largement réduite à peau de chagrin par un peuple en colère, il devient pratique de faire endosser la responsabilité à très peu, voir à une seule personne, des échecs ou du succès d'une transition politique à produire de toute urgence.
Voila pourquoi de façon générale, la plupart des peuples ont la fâcheuse tendance à se chercher leurs propres maîtres, et acceptent docilement l'émergence hors de tout cadre institutionnel, d'un chef charismatique en tant de crise.
Il y a pourtant en France comme dans chaque pays, une dissidence politique souvent éclairée sur la philosophie du droit, la pensée démocratique, l'économie ou la géopolitique. C'est elle qui hier comme aujourd'hui, forge le terreau intellectuel, voir culturel des transitions politiques futures. Le malheur étant que plus l'on est éduqué et passionné par la politique, plus l'on préfère en débattre et formuler des propositions complexes, plutôt que de se révolter et soumettre des revendications suffisamment simples pour que la majorité du peuple puisse les comprendre et suivre avec enthousiasme sa Dissidence.
En clair, plus vous fournirez à une masse populaire sous-éduquée politiquement, des informations et propositions d'une grande complexité, plus cette masse populaire se sentira très éloignée, voir effrayée par des raisonnements et des propositions qui la dépassent de très loin. C'est le tort autant que la vertu des dissidents politiques : ils sont à ce point persuadés que leur savoir est accessible à l'intelligence populaire générale, qu'ils en oublient que celle-ci est pourtant à mille lieux d'une telle capacité à s'immerger collectivement dans des raisonnements complexes. En ne tenant pas compte de l'apathie et la sous-culture d'un peuple en souffrance et largement désensibilisé à la politique, la dissidence populaire reste condamnée à débattre en vase clos de ses propres aspirations démocratiques.
Bien sûr, par capillarité, la dissidence politique d'un pays ne peut que s'étoffer, mais pour au final s'éclater dans le même temps, en de multiples communautés qui défendront des initiatives particulières, sans jamais s'organiser en un seul et même mouvement d'ensemble.
C'est souvent au sein de cette dissidence que finalement des personnalités émergent, jusqu'à une personne, peut-être plus charismatique ou meilleure communicante que les autres, se distingue et fédère assez pour obtenir la légitimité nécessaire à donner des ordres.
Car ne croyons pas que la dissidence échappe aux travers du peuple dont elle est issue. La plupart des personnes, même bien éduquées politiquement, ne se considèrent pas comme naturellement légitimes et capables de prendre des initiatives personnelles spontanément. L'avantage du "leader" est qu'il peut déresponsabiliser tout un chacun d'adopter et exécuter une forme de militantisme individuel, en proposant à tous d'intégrer une stratégie militante plus globale et collective. C'est aussi ce qui fait qu'il est très difficile mentalement pour la plupart des intellectuels reconnus par la dissidence, d'assumer le rôle de donneur d'ordre, ce qu'ils n'ont jamais ou rarement été avant d'obtenir le soutien de leurs partisans.
Voila donc sur quelles difficultés la dissidence doit trouver son chemin, pour à un moment donné, être capable de se regrouper derrière des revendications et des personnalités peu nombreuses, et suffisamment accessibles pour être entendues du peuple tout entier.
Le défaut que je reproche donc à l'initiative qui m'a été proposée et que je mentionne plus haut, est sa complexité. En effet, l'on propose ici un ensemble d'institutions provisoires à créer, là où une seule et déjà connue de tous, doit suffire à fédérer les Français provisoirement.
Par ailleurs, la proposition du "Conseil National des Citoyens" comporte un autre défaut de taille à mes yeux : celui de déshabiller le pouvoir exécutif de ses prérogatives les plus indispensables, à savoir agir vite et fort, cela au mépris de tout débat démocratique.
Le pouvoir exécutif - c'est à dire le Gouvernement - est celui qui la main sur les administrations d'un pays, ainsi que les institutions les plus régaliennes comme l'Armée, et les forces de police. Contrairement au pouvoir législatif, il n'est donc pas une institution de débat démocratique qui édicte une norme par la rédaction et les amendements sur un projet de loi, mais un collège d'experts qui impose directement aux administrations du pays, d'exécuter des ordonnances et décrets qu'il rédige et transmet à l'abri des récriminations des députés ou sénateurs. C'est une nécessité vitale pour un Etat que de disposer d'un pouvoir exécutif qui peut agir avec célérité et radicalité, particulièrement lorsque les mesures à prendre ne peuvent souffrir de longs débats parlementaires.
Pour donner quelques exemples qui pourraient s'imposer à un Gouvernement provisoire en France, nous pourrions par exemple évoquer le fait que la sortie de l'euro exigera de rétablir immédiatement le contrôle des mouvements de capitaux et suspendre l'application des traités européens dès son intronisation. Ce même Gouvernement serait sans doute obligé d'organiser tout aussi immédiatement une vacance bancaire (c'est à dire la fermeture des banques, ou du moins la limitation drastique des opérations bancaires possibles) cela sans attendre qu'un parlement ou un référendum le lui autorise.
De la même façon, si par exemple une hyper puissance militaire devait se montrer menaçante envers notre pays, c'est bien le président de la République assisté de son ministre de la Défense, qui devrait immédiatement mettre en état d'alerte nos Armées et leur assigner des objectifs de dissuasion. C'est encore ce même pouvoir exécutif qui face à des calamités naturelles ou un ensemble d'attentats terroristes, peut édicter des mesures d'urgence, sans attendre que nos parlementaires autorisent l'exécution de telles mesures. Enfin, dans le cadre des assainissements à produire, notamment s'agissant des personnalités politiques, médiatiques ou administratives à évincer de leur sphère d'influence, il ne faudra pas attendre qu'un Parlement examine la question au cas par cas, laissant ainsi toute latitude aux félons de la République, d'organiser leur riposte médiatique, politique ou financière ou même leur fuite à l'abri des fourches caudines de la Justice. Enfin nous pourrions aussi évoquer les nationalisations à produire de toute urgence pour reprendre la main sur notre économie, sans avoir à demander gentiment à des actionnaires et spéculateurs véreux, l'autorisation de jouir de notre appareil productif national.
Voila pourquoi il faut laisser toute latitude à un Gouvernement provisoire d'agir avec les prérogatives qui sont les siennes.
Pour autant, cela ne signifie pas que la dissidence s'assignant le devoir d'établir un Gouvernement à présenter aux Français, s'astreigne à établir les gardes-fous les plus essentiels à la légitimité d'un tel Gouvernement. Et j'en dénombre pour ma part quatre qui me semblent importants :
- Ce n'est pas UN dictateur dont nous avons besoin mais DES dictateurs. Nous formons un Gouvernement d'experts, chacun dans leur domaine de compétence. Et nous ne pouvons laisser à un seul, le choix de tous nos ministres. Sachant que les intellectuels ne manquent pas pour abreuver la dissidence d'idéaux politiques, il convient de désigner et mandater pour chaque ministère, les personnalités que nous jugerons les plus compétentes. J'appelle cela la Désignation Populaire, et il existe même un outil web permettant de proposer de tels experts, voter pour ceux que l'on préfère pour chaque ministère, et bien d'autres nécessités encore :
- Ce Gouvernement doit s'appuyer sur un mandat impératif pour pour transcender l'ire de ses détracteurs les plus farouches. Un mandat impératif n'est rien d'autre qu'un programme politique général, et cela pour chaque ministère. Il échappe aux amendements néfastes que peut produire un parlement en fonction du jugement du Ministre concerné par une réforme. Cela ne signifie pas que les députés ne peuvent pas examiner le projet de loi et proposer des aménagements, mais le Ministre reste maître à bord quant à la radicalité qu'il souhaite apporter aux normes découlant du mandat impératif auquel il est assujetti. Et c'est sur le même forum que tout un chacun peut contribuer à la rédaction d'un tel mandat impératif :
- Le Gouvernement provisoire doit appuyer sa mandature sur une Constitution provisoire, elle-même rédigée par les acteurs de la Dissidence ayant établi progressivement l'appareil exécutif à légitimer. Cela signifie donc non seulement s'assurer que le mandat à une durée limitée, mais que le fonctionnement des institutions découle d'un cadre constitutionnel nouveau, commode pour le pouvoir exécutif, et introduisant des normes démocratiques nouvelles qui pourront devenir plus tard pérennes (ou non). Une telle constitution peut aussi être rédigée collectivement sur le même outil :
- Il est indispensable que chaque Ministre puisse être destitué par Référendum d'Initiative Populaire en cas de graves manquements à ses devoirs, et reste un justiciable comme les autres. Et c'est bien dans le projet de Constitution Provisoire qu'un tel garde-fou doit être édicté. Ajoutons pour terminer, qu'il reviendra à la dissidence d'organiser elle-même un Référendum d'Initiative Populaire pour installer son Gouvernement, ainsi que le mandat impératif et la Constitution provisoire qui l'accompagneront. C'est possible techniquement et légalement à faire, mais c'est un tout autre débat que je préfère éluder ici pour le moment.
L'intérêt de la proposition que je défend ici, est donc que nous présenterions aux Français directement un Gouvernement de transition. Rien de nouveau pour l'ensemble d'entre eux, nous sommes dans un registre institutionnel connu, simple et qui s'appuie sur les personnalités les plus plébiscitées par notre dissidence politique.
Cela n'empêche pas pour autant notre propre dissidence de réfléchir, débattre et contribuer à la rédaction d'un mandat impératif et d'une Constitution provisoire, mais nous déresponsabiliserons du même coup les Français, d'avoir à s'immerger dans un terreau intellectuel qui leur est pour leur grande majorité totalement inconnu, voir inaccessible au stade de dépolitisation de la société actuelle. Les personnalités que nous aurons désigné et soumettrons à leur suffrage seront en charge d'expliquer progressivement les réformes que nous souhaitons, et les progrès démocratiques que nous instituons.
Enfin, et c'est sans doute le plus important, la Dissidence en établissant elle-même sa représentation politique officielle, peut donc soumettre un Ministre de la Défense à ses Armées, un Ministre de l'Intérieur à ses forces de police, et un Ministre des Affaires Etrangères à son corps diplomatique. Ce sont même les Ministres les plus urgents à désigner, car il s'agit de reprendre le contrôle en premier lieu sur nos institutions les plus régaliennes et disposer d'un Ministre qui s'attachera avant même son élection, à faire reconnaître le Gouvernement Provisoire à différents Etats-membres de l'ONU.
Pour conclure, je souhaite ici faire valoir que le temps de la Démocratie succède forcément à une dictature provisoire, mais éclairée, ayant justement pour rôle essentiel de nous amener vers le plus haut niveau de Démocratie possible de façon pérenne. Il ne s'agit pas de s'appuyer sur des personnalités politiques qui ont justement toujours eu des ambitions de pouvoir, mais plutôt sur des personnalités qui ne l'ont jamais réclamé, alors qu'elles sont sans nul doute les plus compétentes et les plus humbles, pour mériter les honneurs d'un Ministère. Puisse ce texte convaincre quelques-uns d'entre vous à alimenter et même devenir modérateur du forum présenté plus haut. C'est la première étape d'une stratégie plus globale de reconquête de notre Souveraineté populaire....