samedi 16 avril 2016

Nuit rouge ou nuit debout ? [Lettre ouverte à Frédéric Lordon]


"Le peuple est bête et méchant, le peuple est obtus. Au mieux il pense mal, le plus souvent il délire. Son délire le plus caractéristique a un nom : conspirationnisme. Le conspirationnisme est une malédiction. Pardon : c’est une bénédiction. C’est la bénédiction des élites qui ne manquent pas une occasion de renvoyer le peuple à son enfer intellectuel, à son irrémédiable minorité. Que le peuple soit mineur, c’est très bien ainsi. Surtout qu’il veille à continuer d’en produire les signes, l’élite ne s’en sent que mieux fondée à penser et gouverner à sa place".



Salut Frédéric,


Pardonne moi cet excès de familiarité, mais autant te le dire, je vais te souiller de mes connivences, ma sympathie, et aussi un désir de t'engueuler comme seul un bon ami le feraitCela parce qu'avec François, vous faites une immense connerie !

Il me semble donc qu'il est temps de me montrer brutal à ma façon...

Je te souille donc de mon aura numérique sur laquelle flottent des "
fréquentations douteuses". Je te salis déjà en t’interpellant par cette lettre ouverte ! Pire encore, j'ai l'audace de citer l'introduction que tu donnais à ton immense article sur la paille et la poutre, alors que c'est une évidence, moi le vulgaire blogueur d'opérette aux réseaux "confus", je suis bien incapable d'avoir entendu et tout à fait admis le raisonnement que tu formulais dans ce billet. Comme sur tant d'autres sujets de réflexion, je suis forcément opposé à tes considérations, du fait que je suis désormais élevé au rang de la haine incarnée jetant la confusion dans les esprits, et par voie de conséquence, un suppôt du capitalisme, par une "Horde" d'abrutis n'ayant d'autres rôle que de salir et salir encore des quidams malpensants pour offrir des ennemis nouveaux en pâture à la milice.

Je me sens malgré tout honoré d'une telle campagne de calomnies à mon sujet. C'est bien plus flatteur d'emmerder les inquisiteurs de tous poils que de lire ou entendre des propos aimables visant à m'encourager à poursuivre la route que je me suis fixée.

Je vais continuer de te salir Frédéric, car je ne te remercierai jamais assez de m'avoir fait connaître une partie de la pensée de Spinoza en plus d'être l'un de ceux qui décryptent notre monde contemporain avec une implacable précision. Quand tu écris ou tu t'exprimes, la livraison de ton analyse se transforme en acte chirurgical où tu dissèques la Société, avant de la ré-assembler sous nos yeux. Et cela fait bouillir ma propre machine à penser. Tu n'imagines donc pas ma déception en te voyant capituler face à un certain terrorisme intellectuel que tu avais pourtant dénoncé.

Il est un secret de Polichinelle que tu avais profondément blessé Etienne, qui t'admire lui-aussi, en époussetant de tes deux épaules gauches son propre nom mentionné dans un entretien filmé. Car depuis peu, Etienne portait désormais la marque de l'infamie sur son front. Une "odeur rance" émanant d'un certain Alain.  Ce qui agaçait des copains, comme par exemple Loïc de la troupe "Jolie Môme" ou encore Leïla ayant œuvré dans d'autres collectifs. Des compagnons d'autres luttes autour d'un même combat, nous sommes d'accord. Mais aux idées sectaires à bien les écouter ou voir faire...

Je m'étais cependant dis que la fatigue ou le stress pouvait parfois foutre en l'air ta superbe autorité intellectuelle, comme finalement tout un chacun. Mais aujourd'hui par ton silence, tu te montres irresponsable et faible une seconde fois. Je suis d'accord avec toi sur le fait qu'il appartient aux experts de donner un cap au peuple dès lors que ces derniers sont investis par celui-ci avec avec un mandat impératif, ainsi qu'un couperet référendaire au-dessus de la tête. Mais j'ai l'impression que de ton côté, tu te refuses l'idée d'accorder au peuple sa capacité à vouloir raisonner réellement dans le sens de son bien-être social. Ce qui implique d'agresser violemment un grand nombre d'intérêts financiers et industriels avec une Souveraineté populaire réellement recouvrée. Penserais-tu que seules des élites d'envergure académique sont capables d'instituer un Etat social ? Penses-tu le peuple trop bête collectivement pour maintenir une loi ou un ordre économique et social qui l'opprime s'il dispose du pouvoir référendaire de mettre fin à son oppression ?

Ne veux vraiment tu pas laisser au peuple, dans toute sa diversité et ses nuances, le droit de composer avec lui-même pour établir ses propres normes ?

Ce n'est pas seulement bâtir une autoroute pour le Front National et plus globalement le repli identitaire que de refuser d'écouter ce peuple qui souille et pense finalement autrement que ses élites à certains sujets. La bhlïsation de la Société a sans doute envahit le microcosme médiatique et les têtes de quelques petits bourgeois en mal d'adrénaline à moindres frais de réflexion, mais nous parlons ici de strictes minorités de la Société. Le peuple dans toute son immensité n'est pas crédule, et sait encore distinguer un antifasciste sincère d'un "talibantifa" (je la pique à Etienne pour le coup). Quand le bruit des bottes de la Milice hante les dalles de la place de la République, et que des hordes de petits cons, viennent provoquer les forces de l'ordre jusqu'à ce que les coups de matraque et les gazeuses arrosent indistinctement les foules pacifiques ; alors les amitiés même anciennes, les fatwas en "cryptofascisme" et faiblesses personnelles doivent être mises de côté.

Tu es une autorité, tu fais autorité, et tu es en outre autoritaire. Pourtant, tu te montres extrêmement faible en ne sifflant pas la fin de la partie vis à vis d'une partie de ton auditoire. Il est un autre secret de Polichinelle que les milices dites "antifas"  trouvent leur réservoirs de paranoïaques, d'âmes cassées et de muscles sans têtes dans des syndicats, collectifs et partis anarcho-libertaires. La majorité d'entre eux, certes, ne sont pas des gens malveillants et fascisants dans leur façon de défendre leurs idées. Mais c'est un non dit parfaitement connu d'une écrasante majorité du peuple que dans les rangs de la gauche, et notamment dans sa frange anarcho-libertaire, il y a des factions ultra violentes qui découragent un très grand nombre de gens à enrichir nos foules de leur présence.

Te fais tu au moins une petite idée des gens qui ont lu ou écouté François Asselineau (souillure !) ; Etienne Chouard (alerte antifasciste !) ; et tant d'autres encore pour comprendre certains aspects légaux de la politique ?

Ce que ces gens ont remis dans la tête des gens, et ce à quoi je m'emploie aussi à faire à ma moindre mesure, c'est du Droit dans la question politique et finalement, démocratique.

Alors oui, parmi ces affreux fascisants qui écoutent Etienne et tant d'autres,  il y a des gens succombant aux sirènes de la droite autoritaire et complaisante avec l'ultra capitalisme. Mais ces mêmes auditeurs te lisent aussi, de la même façon qu'ils ont découvert Bernard Friot ou Claude Bourguignon. Vous êtes nos experts, et nous, nous sommes le peuple avec toutes nos écorchures, nos idées mal placées, et nos relations plus ou moins suivies avec des gens plus ou moins sulfureux. Et pourtant collectivement, nous sommes appelés un jour à vous confier un mandat pour chaque Ministère, car nous aurons besoin d'experts pour piloter le paquebot France à la dérive. Mais avant que cela ne survienne, prenez vos responsabilités, et pour le moins, en tant que parrain de Nuit Debout, tu dois prendre les tiennes Frédéric.

Non seulement tu te dois de faire preuve d'autorité vis à vis des quelques unes de tes connaissances qui permettent ce climat de haine et de violence en marge des rassemblements de Nuit Debout ; mais tu dois aussi concéder que quand bien même tu es méfiant vis à vis de la démocratie, c'est un choix qui n'appartient pas aux élites, mais au peuple. Je ne suis ni un concurrent (je ne disposerais jamais de ta puissance intellectuelle), ni un aspirant mandataire à quoi que ce soit dans le futur, et encore moins un fascisant aux idéaux profondément réactionnaires.

En revanche, j'estime être un bon révolutionnaire, à minima un activiste instruit, et je ne suis pas bien certain que les puissances intellectuelles qu'il nous reviendra de désigner prochainement, sont suffisantes pour mettre en mouvement des foules et leur faire remporter la bataille médiatique, puisque tout ne tient qu'à ça.

Mais on ne soigne pas son image par la posture rassurant les "copains" lorsqu'on est intègre intellectuellement, mais par d'autres facteurs à même de rassurer la population toute entière. Tu seras d'autant plus respecté par tous ceux que la Gauche radicale a rendu orphelins et sans partis en faisant valoir ton autorité morale quand aux formes que doivent prendre ce mouvement, si tu dénonces clairement la violence et les entraves faites à la Liberté d'expression de Tous. En ne veillant pas à ce que ce Mouvement ne reste pas résolument pacifique et populaire par un avertissement donné à quelques vieux copains de route, tu lamines justement ton autorité morale et intellectuelle par ceux qui étaient prêts à te tendre la main. Et ils représentent une majorité écrasante qui n'est pas encore descendue sur les places. 

Je n'ai pas de conseils à te donner, tu feras bien ce que tu veux. Mais j'espère qu'au moins un de mes propos, qu'importe s'il ait pu susciter de la colère, de l'indignation ou du mépris, t'aura quand même fait réfléchir. Si ce n'est le cas, j'espère que cette capture d'écran sera plus parlante que mes mots, pour comprendre où mène le silence de nos meilleurs intellectuels...
Avec mes amitiés résistantes,



Sylvain 







1 commentaire:

Quelque chose à ajouter ?