samedi 2 mai 2015

Point sur trois années d'activisme

Depuis trois années désormais, je suis passé du stade de l'homme qui s'informe pour comprendre le monde, à celui qui se bat chaque jour de sa vie avec la ferme et inexpugnable intention que mes actes contribuent à un renversement du régime politique en place en France. C'est une démarche que la majorité de mes contemporains (y compris les mieux informés) ne comprennent pas ou à minima, considèrent comme "fantaisiste" ou utopiste.

Les sociologues savent qu'en politique - et cela à moins que les frigos de la population soient tous vides - il existe un conservatisme électoral qui profite aux classes les plus aisées d'un pays, du fait que le changement fait peur. Il serait à ce stade bon de rappeler que les Français qui votent pour les deux partis dominants au pouvoir sont pour l'écrasante majorité d'entre eux, issus des classes moyennes et votent donc contre leurs propres intérêts continuellement. Certes la désinformation quotidienne des grands médias publics et privés joue à plein dans ce conservatisme électoral, mais il faut bien voir que si les partis populistes que sont le front de gauche et le front national continuent de rester sous un plafond de verre électoral, c'est qu'en soi, la "radicalité" de leurs propositions économiques pourtant bien médiatisées, se heurte au conservatisme de cette classe moyenne qui s'effraie de tout changement qui pourrait éventuellement impacter son propre niveau de vie.

On pourrait ajouter que de très nombreuses contraintes s'opposent à une insurrection électorale qui profiterait à un parti politique - pour le coup - réellement radical dans ses vues sociales, économiques et géopolitiques, mais je crois m'être suffisamment exprimé là-dessus pour que l'on me pardonne d'aller à l'essentiel de l'objet de ce billet dès à présent. Gardons juste bien à l'esprit qu'il n'y aura aucun changement découlant d'une élection, en tout cas, dans un premier temps. Voila pourquoi je considère comme d'autres activistes en leur temps, que le changement sera bien porté par des événements exceptionnels et générera une émulation populaire totalement inattendue pour nos autorités et longtemps recherchée par des gens comme moi. 

Lorsque j'ai commencé à réfléchir aux idées pouvant à minima mettre en ordre de bataille les citoyens les plus éveillés politiquement et interconnectés sur les réseaux sociaux, c'est d'abord la Révolte Monétaire que j'ai commencé peu à peu à conceptualiser. En effet, l'un des premiers éléments que je retenais de mes recherches sur les processus insurrectionnels, était l'importance des symboles à désacraliser, à réhabiliter ou à créer pour fédérer. On peut regretter que le seul discours idéologique soit insuffisant pour qu'un peuple soit unifié, mais toujours est-il, qu'il est absolument essentiel de distinguer ses préceptes moraux ou intellectuels propres, du principe de réalité pour comprendre les ressorts d'une insurrection. Oui, les êtres humains ont besoin de symboles derrière lesquels se regrouper et afficher leur unité politique, et ce n'est pas demain la veille que ces comportements sociaux seront prêts de changer. Autant l'acter et cesser de glorifier le fait intellectuel comme le moteur d'un changement, cela n'est pas vrai.

La Révolte Monétaire, tant que j'en animais régulièrement le processus, a bien fonctionné avec plus de 200 tampons expédiés partout en France. De temps à autre, il m'arrive de recevoir encore quelques commandes, mais pour le moment, je fais une pause dans ce schéma de résistance, essentiellement par ce que je suis occupé à plein temps dans mes activités journalistiques.

La seconde idée que j'ai développé très rapidement par la suite, était de systématiser par le nombre, les courriers que j'apprécie envoyer à des personnalités nous trahissant au sommet de l'Etat, en particulier le Président de la République. C'est l'idée de loin la moins chère, la moins coûteuse en temps et à mon sens la plus drôle et l'une des plus efficaces. Nos politiciens étant comme chaque être humain soumis au stress, il est une évidence que si leurs services administratifs se voient débordés chaque semaine par des dizaines de milliers de courriers incendiaires (et identiques), non seulement ils commenceront très sérieusement à s'inquiéter, mais ce sont en outre les Renseignements Généraux qui prendront bonne note de l'organisation de notre résistance et de notre capacité à nous coordonner. Ce qui signifierait pour eux que si nous décidions de dépasser le stade du spam de courriers pour organiser de véritables manifestations, les problèmes à gérer deviendraient tout autres. Nous serions donc pris au sérieux avant même d'avoir à nous rassembler autrement que par le courrier. Les Courriers de la Révolte n'ont finalement jamais pu devenir un outil efficient et fédérateur, je pense en grande partie du fait que je n'ai jamais trouvé l'aide claire et motivée d'un éditeur de site internet bénévole pour créer la plateforme web nécessaire. Je maintiens que l'idée reste la plus simple et la plus efficace que nous ayons tous pour résister à notre oligarchie, mais j'observe malgré tout ne pas être entendu à ce sujet malheureusement.

Le décrochage des drapeaux européens a incontestablement été l'idée qui a le plus généré d'émulation. A nouveau, je revenais sur la nécessité de désacraliser un symbole, et soyons clairs, ce qui a le plus fait son succès fut que je présentais sous format vidéo un décrochage en plus de l'entrevue que m'accordera plus tard l'Agence Infolibre sur le sujet. Aujourd'hui, près de 500 drapeaux ont été décrochés partout en France, et je sais que cela va continuer, même en prenant moins le temps d'animer cette forme de résistance - ce qui ne signifie pas que je ne continue pas de décrocher personnellement des drapeaux...

La Justice est un autre terrain de bataille, justement par rapport à l'affaire des drapeaux européens, mais je pourrais témoigner de l'intérêt de l'utilisation de l'arme du Droit qu'une fois le premier procès tenu.

Enfin, reste mon bébé, l'outil qui me tient le plus à cœur, sans nul doute par ce qu'une véritable équipe s'est constituée autour de ce projet, à savoir le journal gratuit et papier "Poil à Gratter !". Un an d'existence, 11 numéros de publiés avec des améliorations constantes, sept personnes dont deux infographistes donnant beaucoup de leur temps à forger le journal, de premiers contrats commerciaux pour conquérir notre indépendance financière. Ce journal, je ne cesse de le considérer à l'égal de celui du Père Duchesne durant la Révolution Française ou encore l'Iskra durant la Révolution Russe. Il n'y a pas d'éveil politique d'une population sans qu'un organe de presse soit présent pour accompagner. La seule obligation d'un tel organe de presse doit être sa capacité à se diffuser le plus largement que possiblement, qu'importe les contraintes économiques qui s'imposent à lui. C'est le parti pris de notre équipe, nous nous imposons la gratuité contrairement à certains journaux dissidents qui continuent d'imposer une obligation d'achat, réduisant leur lectorat à des gens déjà éveillés et se rendant incapables de toucher le grand public. De même, nous gardons à l'idée que les médias web ne peuvent être les vecteurs (dans un premier temps) d'une réinformation massive du public, tout simplement par ce qu'ils intéressent des gens en quête d'information et non encore une fois, le grand public, c'est à dire les gens ayant un usage d'internet essentiellement récréatif et commercial.


En termes de financements, le journal peut tout de même revendiquer des soutiens importants au fil de notre aventure. Un premier don de 2000 euros (en cumulé) par des gens intéressés par notre projet a assuré son lancement en avril 2014. Un second don de 5000 euros a permis de financer le site internet, et un premier contrat commercial (à titre de soutien) de 2000 euros a permis de financer notre premier grand tirage à 5000 exemplaires. D'ici quelques jours, c'est via une plateforme de crowfunding que nous allons renouveler notre appel à capitalisation pour tenter de lever 30.000 euros, ce qui permettra à notre équipe de garantir quatre mois de tirages à 5000 exemplaires distribués gratuitement aux Bordelais, et de facto le temps nécessaire pour solidifier notre ancrage commercial par cette visibilité définitivement assurée sur l'espace public. En outre, une partie de l'argent récolté servira à développer d'autres aspects importants de la vie du journal, ce sera évoqué sur l'appel à capitalisation qui sera bientôt mis en ligne.

Voila donc quelques aspects objectifs et concrets de mon travail d'activiste et leurs résultats que l'on pourra volontiers considérer comme médiocres pour les uns, ou prometteurs pour d'autres. Ils sont clairement insatisfaisants à mon sens, mais je suis subjectif puisqu'il s'agit d'une course contre la montre me concernant. J'élude ici tout le travail d'écriture, la préparation de conférences, les démarches administratives et tant de menus travaux dont la liste serait longue à dérouler. Le plus visible n'étant que le sommet de l'iceberg.

Je souhaite en arriver à ce qui compte, car cela me tient à cœur d'en parler.

Lorsque depuis plus de trois années, on se bat très concrètement pour changer les choses dans son pays, que cela nous plaise ou non, en découle une petite notoriété dans les réseaux dissidents. Beaucoup de gens savent ce que je fais mais ne connaissent en rien l'homme que je suis, ni même dans quelles conditions sociales et financières je me débats depuis plusieurs années. Je ne peux pas dire que cette "notoriété" soit inutile, car autrement, je n'aurai sans doute jamais reçu des dons importants (immédiatement transférés vers "Poil à Gratter !") de quelques personnes disposant d'un peu d'épargne et inquiètes pour l'avenir de leurs enfants. En cela, la notoriété est utile, et si j'en disposais de beaucoup plus, je suis certain que la plupart des outils de résistance que je promeus verraient leur développement considérablement accéléré et leur efficience profondément augmentée.

Cette notoriété m'a valu un certain nombre de recommandations, comme notamment celle de soigner mon image ou encore créer un parti politique. Bien que je soi peu sensible aux nécessités de communication, j'apprécierais bien volontiers d'être en condition de pouvoir tout simplement faire plus attention à moi et à mon apparence. J'essaye les rares fois où je m'exprime en vidéo ou dans une conférence de faire attention à mes us de langage, mais je reste humain et je suis d'une franchise qui me fait détester la langue de bois. Quant à créer un parti politique, la question s'est reposée dernièrement et au vu de ce que je pense du système électoral, je continue de considérer que cela est inutile. Cependant, je sais que de très nombreux militants de différentes formations politiques eurolucides sont lassés d'être infantilisés et dès lors que certaines choses auront avancé dans mon combat, il est probable que je me pencherais sérieusement sur la question, avec tout de même une volonté claire pour ma part de me cantonner qu'au lancement, mais pas aux débats politiques ou à une fonction quelconque de porte-parole ou grand manitou à suivre absolument. J’exècre les partis politiques qui sont par nature anti-républicains, puisqu'ils annihilent le principe d'unité du peuple Français et mon combat ne porte que sur l'insurrection à produire, non sur des ambitions politiques ultérieures quand bien même j'ai des idéaux à faire valoir. Je crois devoir rappeler à ce stade que mon vœu le plus cher, une fois le régime politique actuel définitivement évincé et le pays en bonne voie pour s'élever démocratiquement et socialement, c'est de quitter la France pour l'Amérique du Sud. J'ai besoin de voyager tant que je suis encore jeune, et cette nécessité est d'ordre spirituelle pour moi. Voila pourquoi (au-delà de mes sérieuses inquiétudes sur la situation géopolitique actuelle) mon combat est une course contre la montre.

J'en arrive à ce qui motive la rédaction de ce billet, foncièrement.

Il y a quelques années, lorsque différentes émotions me traversaient jusqu'à me laisser dans un certain état de mélancolie, c'était ma guitare et mon stylo qui me permettaient d'exulter de façon créative ces sensations. Aujourd'hui, je n'écris quasiment plus de chansons et ma guitare se couvre de toiles d'araignées. Je me suis donné corps et âme pour ce combat sans rien espérer en retour que quelque chose de bien plus grand que moi finisse par en découler et m'assure que des gens que j'aime puissent être sereins à l'idée d'élever un enfant dans ce pays. Je suis croyant et il y a une dimension un peu mystique à ce que je fais. Je suis habité par la foi et l'impression d'avoir un sens à donner à ma vie au travers de mon combat, aussi fou et insensé puisse-t-il être pour la majorité de mes contemporains. Par ailleurs, je ne supporte pas que quiconque - c'est à dire une personne physique ou même un Gouvernement - me mente et m'écrase impunément. Je suis quelqu'un de profondément pacifiste et exécrant la violence sous toutes ses formes, mais cela ne fait pas de moi un lâche et un esclave servile. Bien au contraire, je suis le plus obstiné et acharné des combattants face à l'adversité. 

Mais je dois admettre que mes choix (toujours assumés) m'ont détruit du point de vue de ma condition sociale et matérielle. Je suis criblé de dettes, ne touche que l'équivalent d'un R.S.A, ne dispose d'un toit que par ce que l'on m'héberge, et si la pauvreté n'est pas le plus gros des problèmes pour moi, cela reste un frein très puissant pour agir au mieux et garder le moral, surtout quand les frustrations (inévitables) d'un tel combat achèvent de vous anéantir certains soirs de solitude.

Par éthique, chaque fois que l'on me proposait de fortes sommes d'argent, j'ai toujours voulu les transférer sur "Poil à Gratter !"  et ne comptez pas sur moi pour changer de façon de me comporter à ce sujet. Certains considèrent la dissidence comme un vulgaire business, et je trouve cela tout simplement scandaleux, eu égard aux enjeux, et à la confiance accordée par des milliers de gens cherchant des solutions. Cette éthique m'impose de rester pauvre et je peux encore le supporter sans doute quelques mois, peut-être même une année. Mais cela à la seule condition que tout ce que j'ai entrepris jusque là finisse par déboucher sur un soutien clair et fort des milliers de gens éveillés souhaitant que leurs idéaux soient entendus au travers d'un journal donné à un passant, un drapeau européen arraché à l'espace public, un billet de banque francisé, une lettre incendiaire expédiée à Hollande ou encore dans une plaidoirie face à un juge. 

La vérité est que je me fous de (et même craint) la notoriété, mais que je ne suis pas aveugle de ce qu'elle peut permettre. Je ne veux pas que l'on m'aide financièrement, mais je veux que l'on soutienne les outils mis en place et qui font déjà travailler de nombreuses personnes. Il ne s'agit pas seulement de moi. Enfin, plus désespérément encore, je tiens à ce que "les éveillés" cessent de se comporter en commentateurs de l'actualité sur les réseaux sociaux, mais s'imposent de faire des choses un peu concrètes en dehors de la sphère internet. Cela peut être un banal tract distribué, une affiche collée sur un mur ou des actions telles que celles que je propose, peut importe !

La Résistance est une somme d'actes concrets dans la Vie Réelle !
La Résistance n'est pas de la littérature, ni un partage d'infos sur facebook.
La Résistance, c'est dans la rue qu'elle s'exprime authentiquement ! 

Ce qui me permet de conclure ce billet sur mes émotions du moment et une mise en garde. Nous distribuons actuellement les 5000 exemplaires de notre journal actuellement pour frapper fort. Il ne reste désormais plus que 300 euros dans les caisses de l'association, c'est à dire dix fois moins que ce qui est nécessaire pour imprimer les 5000 prochains exemplaires et garder le cap. Nous jouons notre va-t-où et à titre personnel, je livre mes dernières forces dans la bataille du point de vue moral. J'ai immensément besoin que tout cela débouche sur des flambées d'abonnements, de dons, et d'autres bonnes nouvelles pour me garder en selle. Je n'ai rien dans ma vie personnelle qui puisse me rendre particulièrement heureux et si je dispose d'une grande force psychique, après trois années d'appauvrissement continu et de résistance au Système sans discontinuer, je sais que je suis proche de mes limites désormais avant de devoir baisser les armes.

Ceci est donc autant un appel à votre soutien de toutes les façons possibles qu'une mise en garde à ceux qui souhaiteraient s'investir autant dans un tel combat. Soyez assurés que faire de cette activité un travail à plein temps ne vous enrichira pas, bien au contraire. Les frustrations seront votre lot quotidien et si vous n'avez aucune ambition politique personnelle, vous ne pourrez jamais totalement expliquer la dimension quasi sacrificielle de votre combat. Si vous pensez pouvoir tenir moralement plusieurs années en vous abandonnant totalement à une telle cause, alors n'attendez plus, nous ne sommes pas assez nombreux en France à se battre sincèrement et bien loin des débats stériles sur les réseaux sociaux. 

Je pressens que les prochaines semaines seront pour moi soit la concrétisation de trois années d'un labeur aussi difficile qu'essentiel, ou bien au final la marque d'une très grande désillusion et la mise à l'arrêt net financièrement de tout ce qui a été réalisé jusque là. 

Ce billet est donc peut-être l'un des plus pessimistes d'une longue série qui sera nettement plus positive désormais, ou peut-être bien l'un des derniers que je rédige avant de tirer ma révérence. Je suis épuisé, partagé entre enthousiasme et désespoir, et j'ai atteint ma trente-cinquième année sans même m'être réalisé personnellement. Si mes espoirs sont douchés quant à ce que nous espérons pour "Poil à Gratter !", je suis certain que d'autres prendront la relève et continueront le combat. Pour ma part, il me faudra me reconstruire une dignité tant matériellement que moralement avant que je ne sois trop vieux pour pouvoir réaliser mes rêves personnels qui n'ont rien de politiques.

A tous ceux qui m'ont un jour adressé quelques messages de soutien, leur marque de sympathie ou qui se contentent de suivre silencieusement mon travail, je vous demande un effort :

Si vous êtes en capacité financière de soutenir le journal, vous trouverez toutes les informations utiles sur le lien suivant pour contribuer à l'essor de "Poil à Gratter !"


Si vous ne pouvez aider de cette façon, je vous en conjure, ne vous laissez pas dépasser par les artifices que procurent les réseaux sociaux. Ces derniers nous enferment devant un écran au lieu de nous amener à faire des choses réellement visibles pour la population générale. Faites tout ce que vous pouvez, mais loin, très loin de votre ordinateur !

Avec mes remerciements pour tout le soutien moral que m'avez procuré durant trois longues années,

Sylvain Baron


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