jeudi 4 juin 2015

L'insurrection peut-elle être "politique" ?

Combien de fois n'ai-je pas lu en commentaire s'agissant de nos campagnes de décrochage de torchons européens, que notre action aussi chargée de symboles qu'elle soit, n'était pas de nature à susciter un éveil politique des Français au point de les rendre solidaires dans une Résistance à engager ?

Je me suis souvent contenté de quelques réponses courtes pour me porter en faux, il est désormais temps de prolonger la réflexion. 

I - A l'évidence, toute résistance est forcément de nature politique !

Que l'on décroche un drapeau de l'Union européenne, que l'on tienne une barricade à Notre-Dame des Landes ou que l'on fasse simplement grève, toute action concrète de résistance a forcément un fondement politique. Il n'est donc pas question ici d'écrire ce que je ne pense pas. Lorsque je décroche un drapeau européen, j'y mets tout mon cœur, toute mon âme et toute ma conscience politique. Mais un autre Décrocheur aura sans nul doute des réflexions politiques bien différentes des miennes. Notre plus petit dénominateur commun est que nous nous engageons à chasser l'Union européenne des institutions de la République. Par la force du symbole, certes, mais nous ne demandons pas gentiment l'autorisation à des élus qui pour leur écrasante majorité sont de fervents européïstes. 

Parfois, les évidences semblent difficilement perceptibles et il me semble bon de les rappeler ici, avant de les chahuter...

II - Mais la résistance, ça n'est pas de la politique !

Je vais me référer à des personnalités que je n'apprécie pas forcément toutes dans leur caractère, mais qui ont toutes influencé ma propre conscience politique. Cela afin de jeter le discrédit ensuite sur une croyance que beaucoup d'entre-elles partagent, et qui a un pouvoir paralysant pour leurs plus enthousiastes partisans.

Citons ainsi Frédéric Lordon, Etienne Chouard, Jacques Sapir, François Asselineau, Jean-Marc Jancovici, Marie-France Garaud, Jacques Nikonoff, Georges Gastaud, Gabriel Rabhi, Claude Bourguignon ou encore Franck Lepage.

Toutes ces personnes n'ont pas grand chose en commun. Certaines prétendent conquérir le pouvoir par les urnes, d'autres se contentent d'alerter la population sur différents problèmes qui se posent à notre société, non sans proposer des éléments de solution tout à fait pertinents.

En clair, tous ces gens font de la politique, et pensent pour la plupart d'entre eux, que c'est bien la culture politique qui peut éveiller tout un peuple, jusqu'à le pousser à soutenir les bonnes causes et plus encore les bons partis politiques pour ceux qui prétendent incarner le mieux la stature d'un futur chef d'Etat pour la France....

Avant eux, ils furent des centaines si ce n'est des milliers à avoir espérer que leurs travaux de réflexions et les conférences qu'ils animaient, parviendraient à susciter un éveil qui n'est finalement jamais venu. Autrement, nous n'en serions pas là...

III - La Résistance acte la paresse intellectuelle du plus grand nombre ! 

Qu'il est choquant pour ne pas dire très méprisant de considérer que la majorité de nos concitoyens sont non seulement des incultes s'agissant de la chose politique, mais pire encore, ils s'en désintéressent profondément. Il y a à cela beaucoup d'explications que je n'aborderais pas ici. La seule chose qui compte, c'est acter une réalité sociale et même sociétale, quand bien même cela chagrine nos bons sentiments.

Or, si la majorité des citoyens Français se désintéressent de la politique ou n'en ont qu'une réflexion très superficielle, la pire chose que l'on puisse faire pour les intéresser réellement à des débats d'une haute tenue intellectuelle, c'est de les forcer à écouter ces débats ou lire les livres et publications des intellectuels les plus puissants de notre pays.

L'entrée en matière ne peut en aucun cas s'inscrire dans le registre intellectuel pour nos concitoyens les plus dégoûtés de la politique ou du moins les plus désintéressés. Entendons nous bien ici, il ne s'agit pas de considérer que les personnes les plus réfractaires au débat politique soient les plus dépolitisées. Rien n'est plus faux ! Tout le monde fait de la politique ! Chaque fois qu'une personne dans une soirée, s'indigne d'un sujet et propose ses propres solutions, elle ne fait rien de plus que ce qu'est sensé faire un député ou une sénatrice. Et pourtant, c'est cette même personne qui refusera de voter ou même écouter la moindre vidéo que l'on pourra lui transmettre sur les réseaux sociaux dans le vain espoir qu'elle aille plus loin que ce que la télévision peut bien laisser transpirer.

IV - La Résistance est nécessairement un ensemble d'actions simples et efficientes

Ainsi, notre inculte politique peut devenir un authentique Résistant, à condition que l'on ménage son cerveau longtemps anesthésié que ce soit par une éducation nationale qui ne fait plus d'instruction publique, des médias qui n'ont que pour rôle de marteler le bien fondé de toutes les mesures les plus anti-sociales ou nuisibles à la démocratie, ou encore une société de consommation invitant à fuir les réalités les plus difficiles à appréhender dans les pansements sociaux que sont les choses que l'on croit posséder, mais qui nous possèdent en vérité.

On pourrait croire que le militantisme traditionnel a ses vertus. Mais ce n'est pas vrai. La distribution d'un tract ou même d'un journal, c'est engager quiconque le reçoit à le lire, quand bien même il se désintéresserait de la question. C'est encore une fois, une pédagogie intellectuelle fort louable, mais qui ne peut atteindre celui qui refuse de savoir ce qui opprime notre société.

Si en revanche, il s'agit de ne rien lui demander, mais lui faire constater directement une action symbolique forte derrière laquelle il peut y faire tenir toutes ses idées, alors nous disposerons de son intérêt. Décrocher un drapeau est en soi tout un programme. Attaquer en justice les mafieux qui nous gouvernent, c'est démonter que nous ne prêchons ni analyses, ni solutions politiques particulières sur un problème donné, c'est au contraire garantir l'expression d'une réponse directe et tangible à une situation.

V - La Résistance est un moteur mettant en mouvement les idéaux

Ainsi, le fait de résister concrètement à un dépérissement du pays, en particulier si cette insurrection ne proclame aucun programme politique, mais uniquement le fait de chasser les traîtres du pouvoir, a l'avantage d'être suffisamment concrète et dépourvue de réflexion politique aussi complexe que finalement clivante, qu'elle permet à chaque citoyen d'y prendre part, sans discrimination de son intérêt pour la politique ou non. Elle redonne le sentiment à chacun de pouvoir agir et restaurer immédiatement sa part de Souveraineté sur notre pays, puisqu'il s'agit de désobéir parfois à certaines lois avec la conscience que la légitimité est pour nous face à un ordre juridique qui n'est que l'émanation de décisions de ceux que l'on doit chasser de nos institutions.

Cela est si puissant dans la psychologie des foules mais aussi des individus, que cela ne peut que générer un mouvement transcendant l'idée même de résister. Car les différentes personnes ayant acquis un peu de notoriété par leur exemplarité dans une résistance donnée, sont pour leur part des êtres fortement politisés. De facto, les premiers à les suivre sont aussi des êtres tout aussi politisés qu'eux. Ces premières cellules résistantes lorsqu'elles ne s'activent pas dans leur combat contre l'arbitraire, discutent donc de politique avec ceux qui les rejoignent. Des références intellectuelles sont forcément mises en avant. Des penseurs, femmes et hommes politiques jusque là censurés, sont alors entendus. C'est alors un bouillonnement intellectuel, la vaste étendue de tous les possibles qui émerge, et peu à peu une organisation de plus en plus structurée des échanges, débats et de la désignation de nos représentants qui s'effectue. Bientôt émerge enfin un corps représentatif des idées sous-jacentes à cette Résistance, et les corps constitués savent désormais avec qui s'entretenir et bientôt à qui obéir, lorsque le pouvoir en place est sur le point de s'effondrer.

En conclusion :

La Résistance, c'est l'action que l'on privilégie au débat intellectuel pour renverser un pouvoir arbitraire. Aucun intellectuel ou politicien n'est en soi capable de pousser des milliers de gens à se battre et s'organiser concrètement pour renverser un ordre établi. Pire encore, les intellectuels génèrent plus de frustrations et d'immobilisme, qu'ils ne suscitent d'espoir.

Un être humain n'a de bonnes raisons d'espérer que si lui-même participe activement au renversement d'un Gouvernement qui oppressent l'ensemble de sa communauté politique. Car il sait qu'à minima, il fait parti de ceux qui ne rêvent plus d'un grand soir électoral ou d'un éveil des masses. Il sait qu'il fait partie des combattants d'une certaine idée de la Liberté, et qu'en tant que combattant, c'est son courage, sa pugnacité et son audace qui permet à tous de voire des symboles tomber, des élus paniquer ou s'indigner de voir leur autorité s'effondrer.

Mais la Résistance n'est pas la haine de la réflexion intellectuelle. Bien au contraire. La Résistance est sans nul doute la meilleure façon de servir l'éveil politique de toute une Nation. Car ceux qui ont rejoint cette Résistance du fait de sa simplicité et l'immédiateté des résultats qu'elle produit, pourront trouver suffisamment d'enthousiasme à rejoindre un combat, au point d'en chercher à comprendre la complexité des causes jusqu'à pouvoir justifier leur action par des connaissances acquises auprès des intellectuels les plus écoutés par les résistants de la première heure.





2 commentaires:

  1. Reprenons ici les paroles de Danton, elles n'ont pas pris une ride (2 septembre 1792)

    "Le tocsin qu'on va sonner n'est point un signal d'alarme, c'est la charge sur les ennemis de la patrie. Pour les vaincre, messieurs, il nous faut de l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace, et la France est sauvée."

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  2. Au fait, tu parles de Notre Dame des Landes.

    La résolution de tous n'a baissé en rien. Si c'est ce qu'attendait le Pouvoir, c'est RATÉ. Les formes de lutte, souvent minuscules, continuent, et continueront. Encore cette année, tous sont invités au rassemblement des 11 et 12 juillet, cette année non loin du lieudit "La Gare". Comme les années précédentes, je serai à l'entrée.

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