Tel est le slogan pour réduire l'anarchie à quelque chose qu'elle n'est pas et ne peut être. Je suis vierge d'avoir lu Proudhon et tant d'autres références, mais je m'estime à la fois observateur, acteur et critique des aliénations perpétrées sur ce qu'est philosophiquement l'Anarchie.
Si je me réserve la pureté de ma libre conscience avant de lire des ouvrages traitant de cette philosophie politique, ce concept n'en finit pas d'inspirer mes méditations. J'ai lu des textes de Jean Bodin, Lokes, Rousseau, Robespierre et Kant parmi tant autres, et ce sont d'avantage les questions de Souveraineté et de contrat social qui animaient mes premières curiosités. Le fait qu'une puissance collective constituée d'une communauté d'Hommes se reconnaissant une même langue, de même références culturelles essentielles au confort de chacune de ses consciences individuelles, des frontières pour sanctuariser une volonté d'auto-détermination commune, ainsi que l'établissement de ses règles et sa relation aux nations tierces au moyen d'une minorité de gens mandatés à ces fins ; exige de comprendre la nature de l'Etat qui s'institue et se perpétue de fait.
La Nation naît d'un peuple qui acquiert l'auto-détermination politique, dispose d'un territoire pour exercer sa souveraineté et son organisation politique, cela à l'abri de toute velléité étrangère au moyen d'une armée.
Le terme "nation" n'est donc pas un gros mot, mais bien tout un ensemble de concepts philosophiques réunis qui touchent de près ou de loin à la Démocratie et au contrat social. Qui souhaite que les peuples Kurdes et Palestiniens acquièrent leur indépendance ainsi qu'un territoire pour exercer leur Souveraineté collective, ne peut que comprendre ce qui distingue un "peuple" sans frontières d'une nation ayant par le fait, la reconnaissance internationale et l'Histoire, le droit de s'auto-déterminer. Lorsqu'un Français, qu'il soit anarchiste ou non, rejette son patrimoine culturel, philosophique et démocratique en rejetant le terme de "nation", il fait tort à l'Histoire, à la quête de Paix perpétuelle instaurée entre les peuples tout en servant les intérêts prédateurs de ceux qui aiment briser les nations pour les amener à la guerre.
C'est lorsqu'on ne respecte pas les frontières qui sanctuarisent l'auto-détermination des peuples sur leurs propres problèmes politiques, que l'on crée de facto les conditions de toutes les barbaries connues. Toutes les guerres sont présentées comme nécessaires en raison de "valeurs" civilisationnelles à opposer à un tyran qui serait plus affreux encore que les autres despotes existants sur Terre. Le très laïc et occidental Bachar Al Assad doit être porté aux gémonies médiatiques, tandis que le boucher du Yemen, Ben Salmane Al Saoud, reste un excellent partenaire pour nos marchands d'armes. Des guerres auxquelles mêmes certains prétendus "anarchistes" ou "libertaires" consentent au nom de "valeurs" à géométrie variable.
Les frontières, l'Etat et la Nation ne peuvent en aucun cas être vilipendés par des anarchistes rationnels. Car si cette philosophie politique tend à garantir la libre conscience de chacun et l'auto-détermination des individus au sein d'une fédération de communes administrées par les citoyens eux-mêmes, elle n'ignore pas qu'elle s'inscrit dans un contrat social exigeant une communauté d'Hommes pour rendre nécessaire sa proposition politique, ainsi que des règles tacites ou écrites pour établir ses formes et un territoire à même de sanctuariser la singularité du processus institué. N'importe quel "zadiste" comprend la notion de territoire-sanctuaire du fait de la garantie qu'il offre au développement d'un idéal politique.
L'anarchie ne peut donc soustraire à sa logique d'organisation, la nécessité absolue du territoire politique dont dépend un peuple pour s'auto-déterminer. Que ce soit par les voies du capitalisme, du socialisme, du communisme ou de l'anarchisme, une philosophie politique a besoin d'un pré-carré pour s'exercer et témoigner de sa pertinence (ou non) face à d'autres modèles de Société promus. Le zadiste (qui oublie trop souvent qu'il est citoyen) défendra son territoire local d'opération, mais si la France lui demandait son sacrifice pour sauver son frère, sa femme et son voisin de la barbarie d'un envahisseur étranger, c'est avec le même don de soi pour le corps social, qu'il livrerait son sang à la patrie. Simplement parce que l'extrême localité du territoire qu'il organise en Commune, est composé d'êtres partageant sans doute quelques valeurs et singularités proches, mais ne constituent qu'une fraction du réseau de connaissances et proches familiaux que nous pouvons avoir au sein du pays tout entier. Un anarchiste se défend directement et défend les siens, mais il n'agresse jamais personne et s'abstient de justifier la légitimité d'une agression au nom d'idéaux considérés comme les plus nobles. Les seules guerres morales, sont celles où un peuple se défend d'une oppression étrangère en vue de sa Libération, les autres sont toujours celles qui seront racontées avec le point de vue des agresseurs. Si être patriote suppose le don de soi à la guerre, aucun sentiment patriotique ne peut justifier la volonté d'agression. Anarchie et patriotisme éclairé ne sont en rien contradictoires.
Bien que l'Anarchie soit un mode d'organisation de la Société consacrant l'individu et les communautés locales, elle ne peut pour autant s'affranchir que d'une part : elle s'inscrit dans une volonté de maintenir la paix entre les tributaires du régime politique qu'elle instituerait, et d'une autre part, que puisque les individus constituent un corps social qui ne peut exister que dans une somme de contradictions, d'intérêts croisés ou divergeants, la Liberté d'expression doit être la plus extensive que possible pour garantir à chacun le droit non seulement de penser, mais aussi de mettre à l'épreuve de tous, ses idéaux particuliers. La Démocratie asseyant la légitimité de ses règles sur le consentement de la majorité d'une communauté politique pour laquelle elle est établie, elle suppose que tous les individus du corps social aient le droit d'exprimer toutes les idées et informations qui les traversent, tant que celles-ci ne constituent pas une calomnie, une diffamation ou un appel au meurtre. Toute idée qui ne trouve pas sa contradiction la plus virulente est au mieux un préjugé entretenu par paresse mentale, au pire par dogme mystifié par la religiosité.
Nous sommes un corps politique, et l'Anarchie ne peut en aucun cas ignorer que nous sommes tous des êtres aliénés. Nos âmes peuvent être pures et claires, mais nos corps déjà affectent nos idées par des hormones responsables de nos émotions, désirs et pulsions. Il y a ensuite notre environnement culturel et social, nos conditionnements les plus primitifs, nos névroses et psychoses ainsi que tout un ensemble de facteurs qui font que les individus que nous sommes, sont incapables d'être rationnels pour toutes choses et en tous moments. Un consensus ou une majorité sur ce qui fait sens à notre Raison, est ce qui établit notre Culture collective et acceptée, et la distingue se faisant de comportements ou systèmes de valeurs considérés comme marginaux voire prédateurs par le plus grand nombre. Pour autant, puisque certains parmi nous sont plus idéologues que pragmatiques, plus passionnés que distants, plus aliénés qu'équilibrés, plus experts qu'ignorants, plus jeunes ou plus vieux, etc... il est nécessaire de tenir compte de l'avis de tous en concédant que celui d'une minorité puisse être autant celui de la Raison qu'il pourrait être celui de l'aliénation des Hommes. Il est humainement injustifiable d'opprimer une quelconque communauté, tout autant qu'aucune d'elle, qui reconnaissant que les comportements ou systèmes de valeurs qu'elle promeut sont considérés comme marginaux par l'essentiel de la Société, n'a le droit d'imposer ses normes au-dessus de celles qui font consensus ou obtiennent la majorité des voix nécessaires à la légitimité d'un ordre juridique et culturel établi. L'Anarchie n'a pas de raison d'ignorer que les peuples établissent leur règles et leurs interactions en vertu de repères culturels aussi profonds, variés qu'ancrés à une géographie de développement, et que de ces singularités culturelles se distinguent par des volontés législatives différentes d'un peuple à un autre. Si la pensée confucéenne inspire l'ordre moral et social existant en Chine, il est manifeste qu'en Europe, ce sont d'autres traditions et modes d'organisation qui prévalent à notre conception de la Société. Ce qui est admis ici, n'est pas compris ailleurs et inversement. L'Anarchie respecte les frontières et les systèmes de valeurs de chaque patrie. Elle ne peut faire la démonstration de la pertinence de son propre Régime, qu'en acceptant de se nourrir des idées existantes partout dans le Monde, pour perfectionner ce qu'elle se propose d'instituer comme organisation démocratique, sociale et pacifique au sein de ses propres frontières d'exercice. De la même façon, elle ne peut dresser de cordon sanitaire à tout promoteur d'une idée considérée comme "sulfureuse" ou "extrémiste", puisque ces idées sont jugées ainsi du fait qu'elles soient marginales et par conséquent inoffensives pour la Société. Elles n'engagent que la dignité et l'honneur de celles et ceux qui s'en répandent, et ne se combattent que par l'argumentation contradictoire. Jamais par l'ostracisation ou la censure.
Mon militantisme m'a toujours amené à travailler avec des anarchistes sincères. Aucun n'est violent ou intolérant. Tous au contraire, m'ont tous fait la démonstration par leurs propres actes et comportements, que l'ouverture aux autres et la spontanéité dans les décisions collectives, sont le champ d'expérimentation philosophique premier de ce courant qui se veut à la fois politique et spirituel.
Un slogan impropre
L'Anarchie ne peut rejeter l'hypothèse de "Dieu" qui est en substance première, un postulat métaphysique transcendant les idéaux politiques qui organisent la vie des Hommes, ni même refuser que nous accordions à des personnes leur qualité de "Maître" si manifestement c'est à ces mêmes personnes que nous reconnaissons indéniablement une autorité sur certains savoirs que l'on souhaite acquérir. Ce que l'Anarchie peut spirituellement rejeter, c'est la doctrine religieuse, puisque fondée sur un système de croyances, et non sur des réalités communes et tangibles. Dieu est un autre débat et aucune religion ne sera jamais aussi pertinente que la science et la philosophie pour approcher sa possibilité. Les communautés religieuses ont le droit de citer et de s'associer tant qu'elles ne causent aucun trouble pour la Société. Mais elles ne peuvent imposer des concepts moraux et croyances particulières qu'elles plébiscitent au peuple tout entier au-travers de son organisation politique et l'établissement de ses lois. Un régime démocratique est nécessairement Laïc dans ses piliers constitutionnels fondateurs. Mais pour la science et la conscience, la question de Dieu restera éternellement ouverte. Athées, agnostiques et croyants n'ont pas raison de se quereller en Anarchie.
La question des Maîtres est plus organique et structurante. Nous sommes par défaut ignorants de tout et plus encore d'un quelconque savoir académique et expérimental sur un sujet ou une discipline particulière que l'on a jamais étudié. Nous sommes obligés de nous référer à des ouvrages écrits par des personnes qui comme nous ont appris ce qu'elles savent d'autres personnes et/ou de leurs propres recherches. Il parait assez évident que si un serveur n'est pas qualifié pour exercer une fonction de médecin, l'inverse est sans nul doute tout aussi vrai. L'être humain, par nature, ne peut s'empêcher d'apprendre, exercer et transmettre une somme de savoirs. Ce qui change est l'échelle des responsabilités entre ces individus en fonction de de l'utilité sociale qu'ils se donnent ou que nous leur déléguons collectivement. L'un a directement la vie d'un être humain soumis à la maîtrise d'un geste chirurgical, l'autre maîtrise sa mémoire, sa convivialité et son sens de l'organisation, pour qu'une tablée puisse ne pas souffrir de la faim ou de la soif trop longtemps. Nous acceptons collectivement de remettre notre vie à l'Autorité d'un chirurgien sur son art et nous consentons qu'une personne s'asservisse à une fonction sociale qui satisfasse au seul plaisir d'une communauté de personnes. Ce que l'Anarchiste ne peut accepter, c'est qu'en dehors des nécessités collectives que nous nous faisons un devoir de contribuer quant à leur bonne gestion à certains moments de notre vie, la fonction sociale que nous nous attribuons de façon durable, ne peut être contrainte par l'organisation de la pénurie monétaire pour le peuple et aux contrats sociaux et anti-démocratiques qui en découlent.
La question des Maîtres est plus organique et structurante. Nous sommes par défaut ignorants de tout et plus encore d'un quelconque savoir académique et expérimental sur un sujet ou une discipline particulière que l'on a jamais étudié. Nous sommes obligés de nous référer à des ouvrages écrits par des personnes qui comme nous ont appris ce qu'elles savent d'autres personnes et/ou de leurs propres recherches. Il parait assez évident que si un serveur n'est pas qualifié pour exercer une fonction de médecin, l'inverse est sans nul doute tout aussi vrai. L'être humain, par nature, ne peut s'empêcher d'apprendre, exercer et transmettre une somme de savoirs. Ce qui change est l'échelle des responsabilités entre ces individus en fonction de de l'utilité sociale qu'ils se donnent ou que nous leur déléguons collectivement. L'un a directement la vie d'un être humain soumis à la maîtrise d'un geste chirurgical, l'autre maîtrise sa mémoire, sa convivialité et son sens de l'organisation, pour qu'une tablée puisse ne pas souffrir de la faim ou de la soif trop longtemps. Nous acceptons collectivement de remettre notre vie à l'Autorité d'un chirurgien sur son art et nous consentons qu'une personne s'asservisse à une fonction sociale qui satisfasse au seul plaisir d'une communauté de personnes. Ce que l'Anarchiste ne peut accepter, c'est qu'en dehors des nécessités collectives que nous nous faisons un devoir de contribuer quant à leur bonne gestion à certains moments de notre vie, la fonction sociale que nous nous attribuons de façon durable, ne peut être contrainte par l'organisation de la pénurie monétaire pour le peuple et aux contrats sociaux et anti-démocratiques qui en découlent.
L'anticapitalisme proclame l'inutilité sociale de la thésaurisation lucrative.
Lorsqu'une minorité d'individus à l'échelle d'une nation ou du monde, détient l'essentiel de la Monnaie du fait que le peuple n'a aucun contrôle démocratique sur celle-ci, ce dernier est nécessairement opprimé. Puisque manifestement, les êtres humains recèlent en eux-mêmes autant d’appétence pour le "bien" que le "mal", il est indéniable que des comportements prédateurs subsistent à différents degrés dans chaque individu. La "fortune" corrompt les esprits les moins sages car elle offre un supplément de puissance à un individu sur les autres. L'inégalité d'accès à la monnaie et donc de contreparties possibles à cet étalon public de la valeur, engendre une volonté constante de ne jamais revenir à la pénurie monétaire, quitte à mettre à l'épreuve ses considérations éthiques les plus profondes. Il y'a en l'Homme une volonté de puissance qui lui est intrinsèque. Pour partie d'entre nous, c'est afin de circonscrire plus efficacement bien des maux, et pour autre partie, en vue de s'abandonner à une aliénation plus primitive quant à la servitude que l'on peut imposer à d'autres Hommes. Dans une Société capitaliste et libérale, on délègue par des consignes politiques ou via des contrats de gré à gré. Si le contrat commercial comporte en lui-meme la liberté de s'en défaire, tel n'est pas le cas du contrat politique sans l'accord du plus grand nombre. Le pouvoir militaire, administratif et judiciaire n'est pas sous contrôle du peuple et tout le rapport à l'autorité est aliéné par la pénurie monétaire subie par la majorité. Ceux qui voient la répartition de la monnaie dans ses différents agrégats, largement concentrée dans les comptes de gestion de leurs courtiers, sons soumis à des corruptions et lâchetés intimes face à l'angoisse de perdre leur rang social, leur influence et leur puissance d'action. Tout comportement prédateur, malveillant et strictement égocentré, est dans ce cas nécessairement lié à une somme d'aliénations intimes. L'honneur, la franchise et l'intégrité sont des vertus inégalement réparties dans un système social aliénant le corps, l'esprit et l'univers tout entier, en potentielle marchandise à exploiter et monnayer. La fin de la pénurie monétaire pour l'ensemble d'une population, n'empêcherait pas que des aliénations intimes sur certains individus persistent et demeurent. Mais elle n'encouragerait plus un certain nombre de comportements particulièrement prédateurs. Une inégalité monétaire entre de tels individus et le reste du peuple, leur confère un potentiel de puissance et d'influence à même de corrompre le contrat démocratique et social opéré par une nation. Aucun Système monétaire ou même l'absence d'un tel mécanisme d'échange de services et de biens, n'empêchera la corruption et la volonté de puissance d'une minorité de gens contre l'intérêt commun. Il ne s'agit donc pas de rejeter la monnaie en tant que telle, mais soit assainir le système comptable sur lequel elle repose, soit le changer complètement à des échelons nationaux ou internationaux.
Dans le Système monétaire actuel, un peuple qui détient le contrôle collectif de l'émission du crédit public et privé, perd toute raison de thésauriser la monnaie. Nombre d'économistes parmi les plus libéraux, keynésiens ou communistes, ont perçu cette évidence que la plus équitable et large ventilation nationale du stock de monnaie dans les comptes de dépôt du peuple et des entreprises en développement, permettrait pour commencer un choc de consommation vivifiant l'économie et la création d'emplois pour supporter la hausse de la demande qui en découlerait aussitôt. Mais de façon plus durable, un citoyen qui peut accéder aisément au crédit, indépendamment de sa condition et fonction sociale, aura une tendance naturelle à s'investir dans projets entrepreneuriaux, associatifs ou privés générant annihilation du chômage, puisque nous cherchons toujours une occupation qui nous inspire pour les connaissances et les maîtrises d'exercice qu'elle suppose d'acquérir. L'activité dans un pays est la richesse de la nation, car source de ses équilibres d'échanges et volontés de projection. La Valeur n'existe que dans le travail humain et la rareté. La monnaie s'institue de façon sécable à partir d'un potentiel d'activité et de ressources reconnues dans le pays d'émission, permettant de définir par avance la quantité nécessaire ainsi que sa meilleure redistribution. "Travail" et "emploi" sont cependant deux termes différents. Le premier renvoie à une activité quelconque, souvent au profit d'autrui. L'emploi est une compétence marchandée par un employeur disposant de la réserve monétaire suffisante pour arbitrer le salaire et conditions sociales spécifiques de l'entreprise. Il y'a donc dans ce dernier terme l'évocation d'un lien de subordination, puisqu'une seule des deux parties définit la quantité de monnaie octroyée dans cet échange de service. La notion d'emploi est résultante du salariat, qui dans les normes qu'il énonce, dépossède les travailleurs de leur voix dans la gestion sociale et la répartition équitable des bénéfices entre tous. Le travailleur libre de sa force de travail peut en économie libérale négocier sa propre valeur marchande en situation de plein emploi, et dans une économie plus régulée, ce qui est gros et stratégique est sous contrôle public donc politique du peuple, ce qui ne répond pas de l'intérêt général est privé et mutualisé entre les travailleurs pour les moyennes et grandes structures. Les professions libérales ou le régime coopératif dans les plus grandes structures de travail, sont de façon générale les formes les plus à même de prévenir le sentiment d'impuissance et de sous-valorisation de ses talents et connaissances utiles. Le socialisme dans sa proposition fondamentale, tend à rendre aux travailleurs et aux citoyens, la considération de leur rang social au sein de la Société. Il ne supprime pas totalement la notion d'emploi, mais tend à remodeler son sens dans un contrat social alternatif au capitalisme.
Nous apprécions de jouer de nos connaissances et savoirs-faire pour d'autres personnes que nous. La bienveillance et la volonté d'offrir ses compétences à autrui, reste un sentiment majoritaire au sein de toute population donnée. Ce qui signifie que si la Monnaie séquestrée par les plus riches était redistribuée à la meilleure proportion pour l'essentiel des millions de gens les plus pauvres, la quantité de monnaie délivrée ne serait sans doute pas suffisante pour corrompre qui que ce soit ou accéder à des fonctions politiques particulières, mais elle serait plus que satisfaisante pour rembourser l'essentiel de la dette privée des ménages et permettre à ceux-ci d'investir dans leurs choix de vie individuels ou conjugaux. L'absence de pénurie monétaire libère le sentiment de projection chez les Hommes. La projection s'oppose intrinsèquement au sentiment d'impuissance. Les choix de vie de chacun étant le plus généralement liés à une utilité sociale maintenue, nouvelle ou transformée, et rendus possibles pour nombre d'entre eux, que par l'apport supplémentaire, substantiel et provisoire de monnaie sur son propre compte de dépôt. Même les plus paresseux et indolents des Hommes ne sont jamais totalement inactifs, consomment à minima, et peuvent trouver en leur temps, une façon de s'investir pour la Société. La Société elle-même peut décréter un temps de travail obligatoire pour tous, cela au profit la collectivité de façon tout à fait démocratique. Les service militaire et civique ne sont rien d'autre que la transformation de l'ost et de la corvée qui pré-existaient dans des temps plus anciens. En clair, si la majorité des membres d'une nation, aspirant naturellement à exercer une activité sociale, accepte cependant qu'une part marginale d'elle-même sera toujours plus indolente que la majorité, et qu'il est entendu que cela ne peut porter atteinte à la validité du contrat social et monétaire qu'elle s'institue, le raisonnement qui en découlera deviendra plus statistique et rationnel pour fonder les mécanismes de redistribution, que subordonné à des conflits passionnels et moraux sans intérêt opératif sur la pertinence du Système. Une nation généreuse avec elle-même prévient l'essentiel des conflits entre les Hommes.
Au sein d'un régime démocratique dans lequel nous admettrions que le peuple soit parfaitement éclairé sur le jeu de comptabilité entre les "dettes" et "crédits" collectifs permis par l'émission de la monnaie, ainsi que sur le cycle fiscal permettant de définir les durées et quotités d'avances consenties par un appareil politique légitime et ayant pleine autorité sur la banque centrale nationale, il deviendrait une évidence politique finale que de continuer de vivre sur le crédit perpétuel permis par la monnaie, mais de s'affranchir de la logique capitalistique de séquestration monétaire.
Le système "argent-dette" n'est pas forcément inepte en tant que jeu comptable à même de définir un étalon commun d'échange de service. Ce qui est obsolète, c'est la thésaurisation. Marx en moquait le principe en le rabaissant à un comportement de "collectionneur". Sans doute parce qu'on emporte par l'argent au paradis, et que les économistes les plus rationnels sur la monnaie, savent qu'elle n'a aucune valeur intrinsèque, mais se borne à étalonner les valeurs réelles. Nul régime démocratique qui se veut social et éclairé et à même d'administrer son système bancaire national, n'a de raison de considérer sa monnaie comme autre chose qu'une convention légale ayant un rôle d'usage formel dans ses échanges internes. Si tout individu, entreprise ou association a accès à la monnaie le plus librement que possible, tant pour satisfaire aux nécessités vitales et courantes et à la dignité sociale de chacun, il n'y a plus de raison essentielle de capitaliser celle-ci. Si un taux d'intérêt peut conserver sa raison d'être pour corriger des mouvements inflationnistes, il ne peut être réclamé à des individus ou des petites structures entrepreneuriales, mais uniquement au peuple lui-même sur une part des recettes fiscales qu'il consent à s'imposer collectivement. Si les créanciers sont le plus souvent des entités privées, le débiteur ne peut être que Public en démocratie. Ce qui perpétue l'impôt comme poulie nécessaire au bon fonctionnement de la monnaie. Les meilleures taxes seront toujours celles qui captent la rente et les comportements nocifs dans notre consommation de marché. Les pires sont toujours celles qui sanctionnent les produits d'alimentation et d'hygiène les plus essentiels ainsi que le travail, à l'exception des cotisations sociales (qui sont un revenu différé et mutualisé, et non un prélèvement fiscal comme certains communicants cherchent à le faire croire).
Je ne vois donc pas en quoi le fait de revendiquer l'Anarchie qui se veut une philosophie politique libertaire et émancipatrice, signifierait de facto au renoncement à la monnaie puisqu'elle peut être un vecteur d'émancipation sociale. Néanmoins, il me parait tout à fait sensé et légitime que la réflexion intellectuelle qui en découle, proclame son caractère anti-capitaliste. Non pas pour empêcher quiconque d'entreprendre et disposer d'un revenu privé ou universel découlant tant de ses droits civiques que contractuels avec une fraction de la nation, mais au contraire pour lui garantir l'avance publique de monnaie permettant de satisfaire aux besoins et ambitions d'élévation sociale et familiale de chacun. Je précise toutefois qu'étant décroissant dans mes considérations économiques particulières, ma réflexion ci-avant sur la monnaie et le capitalisme n'est qu'un axiome d'une pluralité d'autres considérations que je m'abstiendrai d'aborder ici. Ce que j'énonce plus haut n'a de vérité que dans le dépoussiérage du mécanisme monétaire connu. D'autres modèles macro-économiques peuvent supposer des changements plus significatifs à opérer sur le fonctionnement de la monnaie pour générer l'harmonie nécessaire entre flux physiques réels (et anticipés) et corrélation monétaire attenante.
Savoir recevoir ou la désaliénation au syndrome anté-capitalistique
La vie humaine est constituée d'une somme d'expériences fondées sur des échecs successifs. Le libre arbitre existe du fait d'une quantité de choix existants nous impose de nous confronter dans nos jugements, à admettre nos incapacités personnelles. Nous devons déléguer certaines tâches à plus experts que nous, nous former continuellement, changer d'objectifs ou de méthode pour se donner le sentiment que les réussites obtenues, soient sincèrement liées à ce que nous sommes profondément. Nos réussites personnelles, qu'elles se sanctuarisent au-travers du travail, la famille, le voyage, les arts, ou toute autres activités et environnement immédiat autour de Soi, sont toutes issues d'un champs d'expérimentation et de renouvellement des échecs, ainsi que de l'apprentissage qui en découle. Nous cherchons par l'expérience à contourner nos écueils les plus connus, afin de trouver l'harmonie en ce que l'on expérimente avec un plaisir certain, car de cette activité découle le sentiment de maîtrise ou d'abandon émotionnel sur ce que l'on fait. Le sentiment de réussite n'existe que parce qu'un échec a été évité par avance, ou parce qu'il a été maîtrisé par la ténacité et l'acquisition de compétences et de ressources pour le circonscrire ou le contourner. Si un être humain ne dispose pas des compétences, d'autres que lui peuvent pourtant l'aider. Si la fraternité collective est anéantie dans la réalité du bénévolat public en toutes choses, et que certaines compétences ne s’obtiennent que par une contrepartie monétaire, l'échec est vécu d'abord par un sentiment d'impuissance. Une personne richissime ne comprend pas le sentiment d'échec comme l'évalue un miséreux. Nous ne parlons pas bien sur de dépits amoureux ou dans nos relations personnelles, mais bien de l'indignité sociale et les perspectives empêchées par la pénurie monétaire. Tout a un coût, tout se monnaye, se deale, se négocie, tel est le dogme matraqué depuis deux siècles.
En Anarchie, tout se donne. Lorsqu'on interroge quiconque sur le sentiment qu'il retire d'un acte généreux qu'il a pu faire librement, la réponse est invariablement un sentiment de plaisir sincère. A contrario, si l'on interroge le même quidam sur le sentiment qui l'inspire lorsqu'il reçoit de l'argent, un présent ou même un hommage à sa personne, il pourrait probablement vous faire part d'un sentiment de malaise. La générosité d'autrui étant considérée avec son pendant lucratif ostensible dans l'environnement social, et la réception de sa générosité comme une projection de nos propres manques. Si donner est simple et toujours agréable, recevoir est une épreuve mentale en régime capitaliste.
Le sous-entendu permanent du capitalisme est que tout procède d'un échange entre deux parties liées par un contrat tacite ou écrit. Ce que l'autre partie me donne, je dois lui rendre autrement. Pourtant, lorsque l'on donne un peu d'argent à un miséreux, on ne s'attend pas à ce qu'il nous rende quelque chose en contrepartie, et d'ailleurs nous le refuserions. Mais pourtant, ce miséreux va nous rendre quelque chose malgré tout. Un sourire, un remerciement pour commencer, mais plus formellement, il va dépenser sa monnaie à son tour. S'il s'achète de quoi se restaurer, il va payer de la TVA qui reviendra dans les caisses de l'Etat, c'est à dire notre trésor commun. Si un autre miséreux lui demande l'aumône, il n'est pas improbable du tout que le premier lui accordera un peu de sa maigre fortune. Enfin, si ce miséreux emploie une partie de son argent à des œuvres d'utilité publique ou sociale, nul doute que les quelques pièces que nous lui aurons laissé, seront rendues au centuple. Non pas à nous même en tant qu'individus, mais à nous tous en tant que composantes d'un corps social aux intérêts mutuels. De la même façon que lorsque nous nous acquittons de l'impôt, nous obtenons en contrepartie une somme de services publics essentiels à la gestion courante de notre vie. Pourtant, l'impôt que nous avons versé au percepteur, ne nous sera pas rendu directement par ce dernier, mais par un ensemble d'acteurs qui de façon plus indirecte, ont perçu les ressources nécessaires à leur tâche d'utilité commune.
Si celui qui donne a le plus souvent une certaine conscience économique ou spirituelle sur le fait que sa générosité portera au-delà du premier réceptacle de celle-ci, et que la Société conspirera à lui rendre autrement ce qui a été octroyé, celle ou celui qui reçoit se sent coupable de ne pouvoir rendre immédiatement ou d'être pris en situation de faiblesse. Celle ou celui qui reçoit du fait d'une pénurie monétaire, reconnaît en recevant qu'il n'a peut être pas d'emploi (et l'accusation en paresse n'est jamais loin), qu'il n'a donc pas réussi au sens où la réussite sociale se mesure dans une Société capitaliste, et qu'il n'est donc pas l'égal de celle ou celui qui donne.
Par ailleurs, la pénurie monétaire étant forte pour le peuple, chacun a conscience que chaque sou donné à quiconque, retire à son émetteur une part de la jouissance et du confort qu'il peut retirer du peu de monnaie qu'il détient sur son compte. Le sentiment de priver un généreux donateur de quelque chose d'essentiel à sa tranquillité budgétaire et sa capacité de projection personnelle dans la dépense, renforce le sentiment de culpabilité.
Alors comment avec toutes ces contraintes mentales, morales et sociétales se défaire de ce sentiment de culpabilité et apprendre à recevoir ? Je crains que pour ce qui me concerne, l'apprentissage ne découle que de l'expérience, et non pas d'un regard philosophique sur la question.
D'abord, il fallu bien m'observer face à la générosité. Et je n'ai pas de problème, même en étant extrêmement pauvre, à donner ou partager de la monnaie que je perçois. Bien sûr j'évalue les dépenses incompressibles à produire et le restant à vivre comme tout le monde, mais je donne volontiers de l'argent à des clochards, je dépense volontiers dans l'inutile à condition que cela puisse faire plaisir à une personne, et en situation de déplacement long dans une quelconque action militante, je partage tout avec mes camarades du moment. Ce fut le cas à deux reprises avec Sylvain Nisole, mon fidèle compagnon de route lorsque nous avons traversé la France pour interroger les Français sur leurs opinions politiques. Aucun d'entre nous ne remettait en question le fait que l'un ou l'autre payâmes des repas, réparations ou autres nécessités d'intendance dans ce que nous faisions. Tant qu'il restait de l'argent à dépenser sur l'un ou l'autre compte, nous l'avons dépensé pour nous deux. C'est d'ailleurs à peu près avec la même logique de partage qu'un couple ou une famille très soudée, mutualise la dépense de la monnaie de chacun, pour veiller à ce que le ménage tout entier ne manque de rien.
Ainsi, lorsqu'on reçoit de la monnaie ou tout autre bien ou service de la part d'une personne qui nous est proche, nul sentiment de redevabilité ou de culpabilité. Viennent ensuite les personnes que l'on connaît moins et dont on peut dire que leur acte est généreux, mais pas forcément si désintéressé. Et c'est cela que j'ai appris.
Mon déclin social (et monétaire) s'est vraiment amorcé lorsque je me suis pleinement engagé dans l'activisme politique. Par la force des choses, je me suis fait connaître de quelques milliers de personnes, notamment grâce à l’avènement des réseaux sociaux. Il m'était alors impossible de cacher ma déshérence monétaire lorsqu'il s'agissait de financer des projets militants. Bon gré, mal gré, il me fallu demander à l'ensemble de mes contacts, l'argent nécessaire à de telles entreprises. Et à ma grande surprise, on me fit confiance et l'on se montra généreux pour favoriser ces actions. Non pas que les donateurs y voyaient la garantie d'un succès, mais qu'ils comprenaient l'intérêt et le sens de ces initiatives de façon générale. Bien sûr, tout militant expérimenté sait que la plupart de ses actions sont vouées à l'échec et ne déboucheront sur aucun changement politique tangible. Le caractère local du travail fournit par un militant et l'échelle de réception des idées qu'il promeut, diffèrent sensiblement. Cependant, faire quelque chose produit malgré tout du changement, autrement plus que de ne rien faire du tout. Et c'est ce que perçoivent celles et ceux qui donnent un peu de leur argent à de telles initiatives. En viabilisant ces entreprises par la monnaie nécessaire à leur bon fonctionnement, ils participent de manière différée à un changement.
Plus difficile pour moi, fut le moment où je réclamais pour la première fois de l'argent, non pour des initiatives militantes, mais bien pour moi-même. Là encore, je fus étonné que l'on se montra généreux à mon égard. Car la contrepartie politique disparaissait. Ce sont pourtant de nombreuses discussions avec certains de mes contacts, qui me permirent de comprendre leur raisonnement, qui était pourtant évident même pour moi : un activiste épuisé moralement et matériellement du fait d'une trop forte pénurie monétaire, ne peut donner le meilleur de lui-même à l'utilité publique qu'il se donne au-travers de ses actions. Il y'a donc cette fois-ci un rapport à l'humain. L'action ne peut exister si un être humain ne se décide pas à l'entreprendre. Et les ressorts psychologiques et matériels qui nous amènent à imaginer et entreprendre une action, sont au moins aussi essentiels à prendre compte, que les besoins propres à l'action elle-même.
Ce qui reste perturbant, c'est que l'on se trouvera toujours une bonne raison de ne pas mériter la générosité d'autrui. D'une part, par notre sentiment de culpabilité vis-à-vis de notre échec social, mais aussi parce que le militantisme politique en lui-même n'est qu'une vaste succession d'échecs prévisibles. Enfin et surtout, l'on se juge constamment, et toujours en se comparant à d'autres que soi pour déceler ses propres manques. Comment "soi" pourrait mériter la générosité d'autrui alors que ce dernier ou cette dernière, ne manque pas de faire la démonstration du mieux qu'il représente par rapport à soi. Pour commencer, il vous témoigne de sa confiance, se montre généreux avec vous, et dispose d'une expérience de vie et une assise sociale que vous n'aurez sans doute jamais. Si l'on est trop dur avec soi et que l'on ne parvient pas à se trouver quelques qualités à même d'équilibrer ses plus vils défauts, nul doute que le sentiment de culpabilité n'en restera que plus fermement entretenu. Mais si au contraire, on se trouve assez de qualités humaines pour transcender son existence et atteindre par soi-même ses propres buts, alors l'aveu de notre impuissance et de notre échec n'en est que plus culpabilisant. Dans les deux cas, l'équation reste infernale pour le mental. Recevoir nous est désagréable. Il faut donc du temps et l'expérience même du "recevoir" pour admettre que décidément, on se fait des nœuds dans le cerveau pour pas grand chose...
La vie est une expérience aussi courte que fragile pour nous tous. Elle ne fait sens que si nous lui en donnons un. Ce que nous recevons ou donnons avant notre mort, ne nous sera pas présenté dans un bilan comptable aux portes de l'enfer ou du paradis pour peser nos âmes. En revanche, cela aura permis de notre vivant, de s'inscrire dans le sens que nous donnions à notre existence. Nous donnons ou réclamons ce qui est nécessaire à la mission que l'on se donne. Si nous donnons, c'est que cela contribue autant à nous faire plaisir que changer un peu le monde vers le mieux. Si nous recevons, c'est que nous avons une nécessité vitale ou entrepreneuriale à faire aboutir, et nous ne serons en capacité de rendre quelque chose à la nation, que si la générosité publique nous permet d'avancer dans notre quête du moment. Si quelqu'un nous donne quelque chose à cette fin, recevoir son aide est non seulement gratifier l'âme généreuse, du plaisir d'avoir pu se montrer utile à quelqu'un, mais cela nous évite aussi de nous montrer impuissant à régler ce qui doit l'être sur le moment. Or, puisque l'on peut considérer la vie comme un capital-temps dont nous disposons pour faire bénéficier le monde de notre existence, cela en tant que force motrice de son évolution ; chaque journée perdue dans l'inaction du fait d'une pénurie monétaire assumée dans la culpabilité, est autant de temps gaspillé à ne pas fournir les actes et réflexions qui contribuent à son changement.
Donner et recevoir sont donc des actes s'inscrivant dans une quête de sens. Il n'y a aucun intérêt à se sentir coupable de manquer de monnaie dans une Société qui organise elle-même la pénurie de cet outil d'échange. Mais l'on peut en revanche se sentir coupable d'inertie du fait que l'on refuse un don par orgueil. Car ce que nous offre autrui par sa générosité, c'est sa confiance en nous. Il ou elle sait qu'avec l'argent, le bien ou le service reçu, nous allons pouvoir franchir une étape personnelle importante dans notre cheminement de vie. Celui qui a peu aujourd'hui pourrait devenir un milliardaire demain. Et dans ce cas, peut-être ne pourrait-il s'empêcher de rendre au monde bien au-delà de ce qu'il a reçu des autres. On ne peut le prédire, mais celle ou celui qui donne, suppose que d'une façon ou d'une autre, le monde autour de lui sera quelque peu amélioré ne serait-ce que dans l'immédiat, et c'est cela qui lui est d'ores et déjà rendu. Que ce soit par le constat objectif que celle ou celui qui reçoit retrouve un peu de moral et de confiance nécessaire pour mener à bien ses projets sur le temps présent, ou en extrapolant sur le sens de vie qu'elle ou il se donne. Si cette dernière personne devait réussir à mener à bien sa propre quête, alors sans nul doute, accéderait-elle à son plein potentiel de générosité avec le reste du monde. Ce qui est donné est toujours rendu en différé, mais pas forcément à soi directement. Ce qui est reçu n'est jamais donné dans le but de nous dévaloriser, mais bien au contraire afin de contribuer à notre revalorisation de soi et de ce que l'on fait.
Il y'a quelques années, cette question intime m'aurait paru absurde. Elle l'est beaucoup moins aujourd'hui. En effet, il y'a peu encore, je concédais être à la fois socialiste et décroissant, démocrate résolu quoi que paradoxalement royaliste. Mais au vu de mon intérêt pour la structure même de l'Etat et de son bien-fondé pour servir la Société, il me paraissait tout à fait inepte d'ajouter à mes convictions propres, celle de l'Anarchie.
Pourtant, différents indices sont venus troubler au fur et à mesure du temps, ce que je pensais de mes convictions politiques les plus établies sur ce sujet. D'abord, les lecteurs de ce blog, dont certains me révélaient être anarchistes, et dont quelques-uns parmi eux me disaient que j'en étais moi-même un qui s'ignorait. Allons bon ? Si ce blog m'a d'avantage permis de partager mes méditations sur l'Etat et la Révolution, que pouvais-je y glisser qui puisse motiver de tels arguments ?
Je me suis toujours refusé à étudier des ouvrages traitant de l'Anarchie tant que la Révolution n'aura pas été opérée, mais j'ai tout de même lu de nombreux articles ou extraits de livres phares sur le sujet. Les similitudes que j'y retrouvais avec ma pensée propre étaient essentiellement fondées sur une conception très radicale de la Démocratie. Elle s'exerce localement par tous les citoyens d'un même corps politique, et s'impose sur la légitimité des lois et des mandataires du peuple. En cela, je suis assez proche d'un communard, quand bien même je ne suis pas fédéraliste, puisqu'à mes yeux, l'égalité sociale et démocratique suppose des lois qui soient les mêmes pour tous. Le Système fédéral génère nécessairement des lois et réglementations particulières qui s'e superposent au-dessus de toutes les autres, sur une portion du territoire national. Ce sont donc des inégalités qui en résultent, et j'y vois tous les ferments de la division du peuple, particulièrement en France où il me semble que la sociologie particulière de notre corps politique, impose une égalité très forte entre les citoyens pour que nous parvenions à nous entendre. Néanmoins, je considère que chaque personne doit pouvoir disposer du droit de légiférer et de voter les lois, ainsi que faire et défaire sa représentation, dès lors qu'elle trouve une majorité de ses concitoyens pour aller dans le même sens qu'elle.
Mais être démocrate radical, ne suffit sans doute pas à faire de moi un anarchiste. Un deuxième élément de réponse m'est venu par des anarchistes revendiqués, avec qui je collabore régulièrement dans mon militantisme. Tous n'ont pas les mêmes idéaux politiques particuliers, mais ils ont néanmoins un point commun : Ils font de la Liberté d'opinion et d'expression, la condition sine qua non de la Démocratie. Si nous inversons la formulation, ils font de la tolérance pour les opinions d'autrui, quand bien même elles pourraient les heurter dans leurs valeurs ou considérations idéologiques, l'alpha et l'oméga de la Démocratie. Il faut discuter avec tout le monde, il faut entendre chacun et s'interdire l'entre-soi. Cette foi puissante en la liberté d'expression, m'a permis de comprendre que beaucoup de celles et ceux qui se prétendent anarchistes, ne le sont indéniablement pas, puisque véhiculant des haines indicibles pour toute personne pouvant par exemple nourrir des idéaux dits "conservateurs" ou "réactionnaires". En Anarchie, nul besoin de haïr le quidam avec qui l'on est pas d'accord. On échange des opinions, on constate notre désaccord, mais politiquement, la Démocratie tranchera de toute façon. Prenons la caricature de cette doctrine : je suis très hostile à la peine de mort, mais si elle était restaurée par le biais d'un référendum, j'accepterais bon gré, mal gré cette réforme. La Démocratie n'est pas le genre de vœu que l'on formule sans accepter qu'une part de ses considérations politiques propres en souffriraient très certainement. Soit on la désire totalement et en bloc, soit l'on n'est tout simplement pas démocrate, puisque l'on accorde la primauté de ses considérations politiques au-dessus de celles portées par la majorité du peuple. Et qui veut établir des lois au mépris de la volonté générale a en lui tous les ressorts du despotisme. Je connais ainsi de nombreux militants qui adorent se référer à de nobles "valeurs" qui se révèlent pourtant de vrais tyrans d'opérette si tant est que l'on discute un peu avec eux pour gratter le vernis des apparences qu'ils se donnent.
Ce n'est finalement qu'il y a quelques jours, que j'ai résolu en quoi il y a bien une dimension anarchiste dans ce que je suis. Mais il m'a fallu cette fois-ci faire une rétrospective de mon parcours de vie et de ma personnalité pour comprendre en quoi je me rapprochais fondamentalement de cette idée centrale, qu'est l'absence de reconnaissance d'un "maître" pour me gouverner.
Comme tous les anarchistes éduqués, je ne rejette ni l'ordre, ni les lois. Cependant je refuse d'accorder à quiconque toute autorité politique sur ma propre personne. Cela bien avant mon immersion dans le militantisme, j'étais déjà farouchement indépendant et maître de mes opinions et décisions. Mais finalement, qu'ai-je fais ensuite ? J'ai appelé et j'appelle toujours à la Révolution, soit à renverser l'Oligarchie au pouvoir. Je prends toujours un certain plaisir à traîner dans la boue et moquer notre représentation politique lorsqu'elle le mérite, et surtout - et c'est sans doute le plus important - je ne délègue à aucun parti ou leader politique, l'autorité nécessaire pour me représenter moralement et définir le mode de combat politique à mener. Je n'attends pas et me bats directement. De toutes mes forces et avec tous les moyens à ma portée. Mais j'agis en tant que je suis mon propre maître et que je considère être aussi nécessaire et utile que toute "autorité politique" sur laquelle peut se reposer une bonne partie de mes contemporains. Ce qui me laisse à penser que l'Anarchie s'expérimente avant de se lire et se méditer.
Tous les anarchistes sincères que je connais sont aussi des militants. Ils n'attendent pas qu'on leur dise ce qu'il faut faire ou comment voter intelligemment, ils agissent politiquement et de façon très concrète, eux-aussi. Aucun ne m'a signifié qu'il se refusaient à ce que des mandataires prennent en charge certaines affaires de la nation, mais ce qu'ils exigent tous, c'est que ces derniers soient légitimes et révocables. Ils peuvent admirer des intellectuels ou politiciens pour leur finesse d'analyse ou leur intégrité morale, mais ils ne concèdent à ces derniers, aucune autorité politique sur eux-mêmes. Ils accepteraient volontiers que les meilleurs nous gouvernassent, mais pas si ces derniers ne répondent d'aucune volonté clairement démocratique (et cela dans tous les aspects de la question) et ne puissent être défaits sitôt qu'ils leur prendraient le goût de nous trahir. En clair, ils ne mystifient pas les "autorités morales ou intellectuelles". Au mieux ils apprécient ce que chacun livre à la communauté comme angles de vue politiques alternatifs, au pire, ils s'en servent pour accélérer les changements les plus essentiels à produire. Tant que ces "autorités" sont sous contrôle du peuple, il n'y a pas fondamentalement de maîtres devant lesquels on s'asservit. Etre anarchiste c'est donc bien répondre autant d'un logiciel politique qui s'intéresse en premier lieu à la Démocratie, qu'une philosophie sur notre rapport à l'Autorité et plus encore à Soi.
Une dernier indice m'amène à penser que je cultive bien une certaine dose d'anarchie dans mes valeurs. J'accorde plus d'intérêt aux idées qu'en leurs émetteurs. Prenons une caricature ayant le rôle d'épouvantail politique en France pour comprendre mon point de vue : Alain Soral, polémiste ô combien détesté par tout un ensemble d'idéologues, fait valoir son hostilité aux ingérences israéliennes en France. Il n'est pas le premier à le signifier, ni le dernier, mais tant l'ennemi intérieur qu'extérieur, apprécie de réduire ce débat à sa seule personne, pour mieux salir l'opinion de celle-ci. Alain Soral en tant que personne et même en tant qu'intellectuel ne m'inspire rien de particulier, si ce n'est une part de médiocrité, autant il est vrai, un certain courage à se vêtir chaque jour du manteau de l'infamie. J'ai cependant écouté ce personnage comme d'autres, avant de me faire ma propre opinion sur le sujet. Opinion qui rejoint très clairement la sienne. L'idée transcende donc ses locuteurs. A l'inverse, j'ai observé à quel point les Français (mais pas qu'eux) ont une fâcheuse tendance à se réfugier derrière l'autorité morale et politique de certaines idoles qu'ils se constituent. Quand bien même ces personnalités peuvent parfois faire montre de leur propre part de médiocrité ou de leurs reniements intellectuels, pour les disciples les plus zélés, leur "chef" ne peut être remis en cause ou soumis à la critique. Dans ce cadre, les idées perdent de leur importance, ce qui compte c'est de se trouver un guide avec une personnalité forte, sur lequel faire reposer tous ses espoirs politiques. Enfin, il existe une zone grise où des intellectuels, journalistes et humoristes, sont appréciés pour leur analyse politique de l'actualité, sans que nous fassions reposer nos espoirs politiques sur ces derniers. On s'autorise à ne pas être toujours d'accord avec eux, mais nous les écoutons volontiers. Dans cette zone grise, je sais être l'un des plus bas maillons de la chaîne de ceux que l'on écoute un peu. Mais contrairement à la plupart des intellectuels et humoristes, je n'attache aucune importance à l'image que je renvoie ni à l'affinité que l'on pourrait m'accorder. Etant par ailleurs très peu enclin à communiquer trop régulièrement, je n'en suis donc que trop irrégulier dans mes publications pour gagner la visibilité nécessaire et faire ainsi mieux entendre mes propres idées. Et je suis ici soumis à une contradiction forte entre ce qui fait ma philosophie de vie et les réalités sociales tangibles qui s'opposent à ma tranquillité d'âme. En effet, j'estime qu'en matière révolutionnaire, je suis de ceux qui formulent les meilleures idées possibles sur le plan strictement opérationnel en France. Si nous nous attachions qu'à la pertinence des idées pour les évaluer, même avec mon faible auditoire, j'aurais pu mobiliser un peu plus de monde sur certaines actions, notamment le Siège de nos grands médias, tout simplement parce que le rapport de force ne fonctionne que dès lors qu'il est pensé stratégiquement. Mais l'essentiel d'entre nous ne parvient pas à s'affranchir de la scission existante entre les idées et leurs locuteurs. Il faut impérativement qu'elles soient incarnées. Ce qui signifie que si j'assumais totalement ce regard froid que j'ai sur la Société, je communiquerais beaucoup plus sur mes idées afin de gagner progressivement en visibilité, et mieux encore, je m'engagerais politiquement puisque je suis certain d'avoir la volonté et l'intégrité nécessaire pour opérer les changements politiques les plus à même de rétablir notre indépendance nationale et inoculer la Démocratie en France. Mais d'une part, cela ne peut que contrarier mon aspiration à une certaine tranquillité (ou solitude) et d'une autre part, cela m'obligerait à soigner mon image et faire attention à heurter le moins de monde que possible pour convaincre. Or, je suis de ceux qui vilipendent volontiers les cercles "dissidents" pour leur défaitisme et leur inaction. Qui se sent concerné par mes critiques, ne peut que se faire une opinion de ma personne qui soit elle-même très critique, voire franchement négative. Au détriment des idées que je souhaite juste faire entendre au plus grand nombre et dont j'espère qu'elles seront un jour les plus partagées que possible. Cependant, si ce que l'on pense de moi m'indiffère, mais qu'en revanche la nécessité de la Révolution s'impose sur ma façon de travailler, que dois-je déduire de cette équation ? Dois-je à mon tour contribuer à cette fâcheuse incarnation des idées en me mettant en avant ? Ou rester fidèle à ma philosophie propre induisant que l'idée est plus importante encore que celles et ceux qui s'en répandent, à commencer par moi-même ? Voila ce qui me préoccupe intimement depuis quelques années, et si je devine qu'il viendra un temps où la nécessité prendra le dessus sur ma propre paix intérieure et que cela pourrait m'amener à bien des moments d’enthousiasme partagé et de responsabilité prise, quelle gloire pourrais-je retirer de m'être renié dans un tel processus et n'avoir pas su faire entendre que mes idées comptaient plus que ma propre personne ?
Sans doute se trouvera-t-il des gens pour réfuter l'hypothèse que je sois moi-même anarchiste, du fait que j'accorde malgré tout une importance trop centrale à l'Etat dans l'organisation de la Société. Pourtant, Proudhon ne rejetait pas tant que cela l'Etat si j'en crois quelques textes que j'ai pu lire, mais aussi le fait qu'il fut lui-même député du peuple. Plus surement encore, j'aurais tendance à penser que cette philosophie politique nécessite pour être appréhendée correctement, d'en étudier les concepts considérés comme antagonistes pour commencer. L'Anarchie s'approche à tâton et par ses contraires supposés. En étudiant les fondements et la nature de l'Etat, d'une part, on cesse de le livrer aux gémonies lorsque la responsabilité de toute politique anti-sociale ou despotique, ne revient qu'à des êtres de chair et de sang, et jamais à des institutions constituant le corps même de l'Etat. Une mauvaise loi, un dysfonctionnement ou une mauvaise action politique sont toujours issus d'une volonté humaine. Par ailleurs, vouloir abolir l'Etat, c'est rien de moins que vouloir démolir notre organisation sociale et politique alors que cela est impossible, du fait que les forces d'inertie sont trop grandes et que n'en déplaise aux "puristes" de l'Anarchie, la majorité du peuple exige de l'Etat partout dans nos vies. Personne ne remettra jamais en question l'utilité de l'Armée, de la Police, de la Justice ou des hôpitaux et systèmes sociaux existants. Et l'Etat, c'est tout cela, sanctuarisé sur un territoire politique sur lesquelles ces institutions sont opératives.
Un anarchiste raisonnable et éduqué n'a donc aucune raison de remettre en question l'Etat, le territoire, la nécessité d'une représentation politique ou même la métaphysique de Dieu. Ce qui est d'ordre politique implique le contrôle et la légitimité du peuple, ainsi que la réincarnation de la responsabilité, plutôt que sa dilution dans la chimère d'un "Etat" ou un "Système" dit oppresseur. Ce qui est de l'ordre de la foi, de la croyance ou de l'idéologie n'appartient qu'aux individus, et nul ne peut imposer à tous son athéisme convaincu ou au contraire sa propre foi en Dieu. Ça n'est qu'un débat métaphysique rien de plus.
A ce titre - et je suis aujourd'hui curieux de lire le texte duquel ce slogan est issu - je m'inscrits en faux sur le fait que l'Anarchie puisse se résumer à une phrase aussi vide de sens que "ni dieu, ni maître". On peut refuser la doctrine religieuse sans s'interdire de croire en Dieu, et l'on ne peut accepter raisonnablement que nous n'ayons aucun "maître", intellectuel ou personnalité engagée politiquement à qui remettre notre confiance, pour déléguer des tâches que nous sommes incapables de produire.
Si la religion n'est fondamentalement pas nécessaire au croyant, les maîtres sont indispensables, tant qu'ils sont sous contrôle du peuple. Et je ne vois pas ce que l'Anarchie peut y redire.
En Anarchie, tout se donne. Lorsqu'on interroge quiconque sur le sentiment qu'il retire d'un acte généreux qu'il a pu faire librement, la réponse est invariablement un sentiment de plaisir sincère. A contrario, si l'on interroge le même quidam sur le sentiment qui l'inspire lorsqu'il reçoit de l'argent, un présent ou même un hommage à sa personne, il pourrait probablement vous faire part d'un sentiment de malaise. La générosité d'autrui étant considérée avec son pendant lucratif ostensible dans l'environnement social, et la réception de sa générosité comme une projection de nos propres manques. Si donner est simple et toujours agréable, recevoir est une épreuve mentale en régime capitaliste.
Le sous-entendu permanent du capitalisme est que tout procède d'un échange entre deux parties liées par un contrat tacite ou écrit. Ce que l'autre partie me donne, je dois lui rendre autrement. Pourtant, lorsque l'on donne un peu d'argent à un miséreux, on ne s'attend pas à ce qu'il nous rende quelque chose en contrepartie, et d'ailleurs nous le refuserions. Mais pourtant, ce miséreux va nous rendre quelque chose malgré tout. Un sourire, un remerciement pour commencer, mais plus formellement, il va dépenser sa monnaie à son tour. S'il s'achète de quoi se restaurer, il va payer de la TVA qui reviendra dans les caisses de l'Etat, c'est à dire notre trésor commun. Si un autre miséreux lui demande l'aumône, il n'est pas improbable du tout que le premier lui accordera un peu de sa maigre fortune. Enfin, si ce miséreux emploie une partie de son argent à des œuvres d'utilité publique ou sociale, nul doute que les quelques pièces que nous lui aurons laissé, seront rendues au centuple. Non pas à nous même en tant qu'individus, mais à nous tous en tant que composantes d'un corps social aux intérêts mutuels. De la même façon que lorsque nous nous acquittons de l'impôt, nous obtenons en contrepartie une somme de services publics essentiels à la gestion courante de notre vie. Pourtant, l'impôt que nous avons versé au percepteur, ne nous sera pas rendu directement par ce dernier, mais par un ensemble d'acteurs qui de façon plus indirecte, ont perçu les ressources nécessaires à leur tâche d'utilité commune.
Si celui qui donne a le plus souvent une certaine conscience économique ou spirituelle sur le fait que sa générosité portera au-delà du premier réceptacle de celle-ci, et que la Société conspirera à lui rendre autrement ce qui a été octroyé, celle ou celui qui reçoit se sent coupable de ne pouvoir rendre immédiatement ou d'être pris en situation de faiblesse. Celle ou celui qui reçoit du fait d'une pénurie monétaire, reconnaît en recevant qu'il n'a peut être pas d'emploi (et l'accusation en paresse n'est jamais loin), qu'il n'a donc pas réussi au sens où la réussite sociale se mesure dans une Société capitaliste, et qu'il n'est donc pas l'égal de celle ou celui qui donne.
Par ailleurs, la pénurie monétaire étant forte pour le peuple, chacun a conscience que chaque sou donné à quiconque, retire à son émetteur une part de la jouissance et du confort qu'il peut retirer du peu de monnaie qu'il détient sur son compte. Le sentiment de priver un généreux donateur de quelque chose d'essentiel à sa tranquillité budgétaire et sa capacité de projection personnelle dans la dépense, renforce le sentiment de culpabilité.
Alors comment avec toutes ces contraintes mentales, morales et sociétales se défaire de ce sentiment de culpabilité et apprendre à recevoir ? Je crains que pour ce qui me concerne, l'apprentissage ne découle que de l'expérience, et non pas d'un regard philosophique sur la question.
D'abord, il fallu bien m'observer face à la générosité. Et je n'ai pas de problème, même en étant extrêmement pauvre, à donner ou partager de la monnaie que je perçois. Bien sûr j'évalue les dépenses incompressibles à produire et le restant à vivre comme tout le monde, mais je donne volontiers de l'argent à des clochards, je dépense volontiers dans l'inutile à condition que cela puisse faire plaisir à une personne, et en situation de déplacement long dans une quelconque action militante, je partage tout avec mes camarades du moment. Ce fut le cas à deux reprises avec Sylvain Nisole, mon fidèle compagnon de route lorsque nous avons traversé la France pour interroger les Français sur leurs opinions politiques. Aucun d'entre nous ne remettait en question le fait que l'un ou l'autre payâmes des repas, réparations ou autres nécessités d'intendance dans ce que nous faisions. Tant qu'il restait de l'argent à dépenser sur l'un ou l'autre compte, nous l'avons dépensé pour nous deux. C'est d'ailleurs à peu près avec la même logique de partage qu'un couple ou une famille très soudée, mutualise la dépense de la monnaie de chacun, pour veiller à ce que le ménage tout entier ne manque de rien.
Ainsi, lorsqu'on reçoit de la monnaie ou tout autre bien ou service de la part d'une personne qui nous est proche, nul sentiment de redevabilité ou de culpabilité. Viennent ensuite les personnes que l'on connaît moins et dont on peut dire que leur acte est généreux, mais pas forcément si désintéressé. Et c'est cela que j'ai appris.
Mon déclin social (et monétaire) s'est vraiment amorcé lorsque je me suis pleinement engagé dans l'activisme politique. Par la force des choses, je me suis fait connaître de quelques milliers de personnes, notamment grâce à l’avènement des réseaux sociaux. Il m'était alors impossible de cacher ma déshérence monétaire lorsqu'il s'agissait de financer des projets militants. Bon gré, mal gré, il me fallu demander à l'ensemble de mes contacts, l'argent nécessaire à de telles entreprises. Et à ma grande surprise, on me fit confiance et l'on se montra généreux pour favoriser ces actions. Non pas que les donateurs y voyaient la garantie d'un succès, mais qu'ils comprenaient l'intérêt et le sens de ces initiatives de façon générale. Bien sûr, tout militant expérimenté sait que la plupart de ses actions sont vouées à l'échec et ne déboucheront sur aucun changement politique tangible. Le caractère local du travail fournit par un militant et l'échelle de réception des idées qu'il promeut, diffèrent sensiblement. Cependant, faire quelque chose produit malgré tout du changement, autrement plus que de ne rien faire du tout. Et c'est ce que perçoivent celles et ceux qui donnent un peu de leur argent à de telles initiatives. En viabilisant ces entreprises par la monnaie nécessaire à leur bon fonctionnement, ils participent de manière différée à un changement.
Plus difficile pour moi, fut le moment où je réclamais pour la première fois de l'argent, non pour des initiatives militantes, mais bien pour moi-même. Là encore, je fus étonné que l'on se montra généreux à mon égard. Car la contrepartie politique disparaissait. Ce sont pourtant de nombreuses discussions avec certains de mes contacts, qui me permirent de comprendre leur raisonnement, qui était pourtant évident même pour moi : un activiste épuisé moralement et matériellement du fait d'une trop forte pénurie monétaire, ne peut donner le meilleur de lui-même à l'utilité publique qu'il se donne au-travers de ses actions. Il y'a donc cette fois-ci un rapport à l'humain. L'action ne peut exister si un être humain ne se décide pas à l'entreprendre. Et les ressorts psychologiques et matériels qui nous amènent à imaginer et entreprendre une action, sont au moins aussi essentiels à prendre compte, que les besoins propres à l'action elle-même.
Ce qui reste perturbant, c'est que l'on se trouvera toujours une bonne raison de ne pas mériter la générosité d'autrui. D'une part, par notre sentiment de culpabilité vis-à-vis de notre échec social, mais aussi parce que le militantisme politique en lui-même n'est qu'une vaste succession d'échecs prévisibles. Enfin et surtout, l'on se juge constamment, et toujours en se comparant à d'autres que soi pour déceler ses propres manques. Comment "soi" pourrait mériter la générosité d'autrui alors que ce dernier ou cette dernière, ne manque pas de faire la démonstration du mieux qu'il représente par rapport à soi. Pour commencer, il vous témoigne de sa confiance, se montre généreux avec vous, et dispose d'une expérience de vie et une assise sociale que vous n'aurez sans doute jamais. Si l'on est trop dur avec soi et que l'on ne parvient pas à se trouver quelques qualités à même d'équilibrer ses plus vils défauts, nul doute que le sentiment de culpabilité n'en restera que plus fermement entretenu. Mais si au contraire, on se trouve assez de qualités humaines pour transcender son existence et atteindre par soi-même ses propres buts, alors l'aveu de notre impuissance et de notre échec n'en est que plus culpabilisant. Dans les deux cas, l'équation reste infernale pour le mental. Recevoir nous est désagréable. Il faut donc du temps et l'expérience même du "recevoir" pour admettre que décidément, on se fait des nœuds dans le cerveau pour pas grand chose...
La vie est une expérience aussi courte que fragile pour nous tous. Elle ne fait sens que si nous lui en donnons un. Ce que nous recevons ou donnons avant notre mort, ne nous sera pas présenté dans un bilan comptable aux portes de l'enfer ou du paradis pour peser nos âmes. En revanche, cela aura permis de notre vivant, de s'inscrire dans le sens que nous donnions à notre existence. Nous donnons ou réclamons ce qui est nécessaire à la mission que l'on se donne. Si nous donnons, c'est que cela contribue autant à nous faire plaisir que changer un peu le monde vers le mieux. Si nous recevons, c'est que nous avons une nécessité vitale ou entrepreneuriale à faire aboutir, et nous ne serons en capacité de rendre quelque chose à la nation, que si la générosité publique nous permet d'avancer dans notre quête du moment. Si quelqu'un nous donne quelque chose à cette fin, recevoir son aide est non seulement gratifier l'âme généreuse, du plaisir d'avoir pu se montrer utile à quelqu'un, mais cela nous évite aussi de nous montrer impuissant à régler ce qui doit l'être sur le moment. Or, puisque l'on peut considérer la vie comme un capital-temps dont nous disposons pour faire bénéficier le monde de notre existence, cela en tant que force motrice de son évolution ; chaque journée perdue dans l'inaction du fait d'une pénurie monétaire assumée dans la culpabilité, est autant de temps gaspillé à ne pas fournir les actes et réflexions qui contribuent à son changement.
Donner et recevoir sont donc des actes s'inscrivant dans une quête de sens. Il n'y a aucun intérêt à se sentir coupable de manquer de monnaie dans une Société qui organise elle-même la pénurie de cet outil d'échange. Mais l'on peut en revanche se sentir coupable d'inertie du fait que l'on refuse un don par orgueil. Car ce que nous offre autrui par sa générosité, c'est sa confiance en nous. Il ou elle sait qu'avec l'argent, le bien ou le service reçu, nous allons pouvoir franchir une étape personnelle importante dans notre cheminement de vie. Celui qui a peu aujourd'hui pourrait devenir un milliardaire demain. Et dans ce cas, peut-être ne pourrait-il s'empêcher de rendre au monde bien au-delà de ce qu'il a reçu des autres. On ne peut le prédire, mais celle ou celui qui donne, suppose que d'une façon ou d'une autre, le monde autour de lui sera quelque peu amélioré ne serait-ce que dans l'immédiat, et c'est cela qui lui est d'ores et déjà rendu. Que ce soit par le constat objectif que celle ou celui qui reçoit retrouve un peu de moral et de confiance nécessaire pour mener à bien ses projets sur le temps présent, ou en extrapolant sur le sens de vie qu'elle ou il se donne. Si cette dernière personne devait réussir à mener à bien sa propre quête, alors sans nul doute, accéderait-elle à son plein potentiel de générosité avec le reste du monde. Ce qui est donné est toujours rendu en différé, mais pas forcément à soi directement. Ce qui est reçu n'est jamais donné dans le but de nous dévaloriser, mais bien au contraire afin de contribuer à notre revalorisation de soi et de ce que l'on fait.
Suis-je anarchiste ?
Il y'a quelques années, cette question intime m'aurait paru absurde. Elle l'est beaucoup moins aujourd'hui. En effet, il y'a peu encore, je concédais être à la fois socialiste et décroissant, démocrate résolu quoi que paradoxalement royaliste. Mais au vu de mon intérêt pour la structure même de l'Etat et de son bien-fondé pour servir la Société, il me paraissait tout à fait inepte d'ajouter à mes convictions propres, celle de l'Anarchie.
Pourtant, différents indices sont venus troubler au fur et à mesure du temps, ce que je pensais de mes convictions politiques les plus établies sur ce sujet. D'abord, les lecteurs de ce blog, dont certains me révélaient être anarchistes, et dont quelques-uns parmi eux me disaient que j'en étais moi-même un qui s'ignorait. Allons bon ? Si ce blog m'a d'avantage permis de partager mes méditations sur l'Etat et la Révolution, que pouvais-je y glisser qui puisse motiver de tels arguments ?
Je me suis toujours refusé à étudier des ouvrages traitant de l'Anarchie tant que la Révolution n'aura pas été opérée, mais j'ai tout de même lu de nombreux articles ou extraits de livres phares sur le sujet. Les similitudes que j'y retrouvais avec ma pensée propre étaient essentiellement fondées sur une conception très radicale de la Démocratie. Elle s'exerce localement par tous les citoyens d'un même corps politique, et s'impose sur la légitimité des lois et des mandataires du peuple. En cela, je suis assez proche d'un communard, quand bien même je ne suis pas fédéraliste, puisqu'à mes yeux, l'égalité sociale et démocratique suppose des lois qui soient les mêmes pour tous. Le Système fédéral génère nécessairement des lois et réglementations particulières qui s'e superposent au-dessus de toutes les autres, sur une portion du territoire national. Ce sont donc des inégalités qui en résultent, et j'y vois tous les ferments de la division du peuple, particulièrement en France où il me semble que la sociologie particulière de notre corps politique, impose une égalité très forte entre les citoyens pour que nous parvenions à nous entendre. Néanmoins, je considère que chaque personne doit pouvoir disposer du droit de légiférer et de voter les lois, ainsi que faire et défaire sa représentation, dès lors qu'elle trouve une majorité de ses concitoyens pour aller dans le même sens qu'elle.
Mais être démocrate radical, ne suffit sans doute pas à faire de moi un anarchiste. Un deuxième élément de réponse m'est venu par des anarchistes revendiqués, avec qui je collabore régulièrement dans mon militantisme. Tous n'ont pas les mêmes idéaux politiques particuliers, mais ils ont néanmoins un point commun : Ils font de la Liberté d'opinion et d'expression, la condition sine qua non de la Démocratie. Si nous inversons la formulation, ils font de la tolérance pour les opinions d'autrui, quand bien même elles pourraient les heurter dans leurs valeurs ou considérations idéologiques, l'alpha et l'oméga de la Démocratie. Il faut discuter avec tout le monde, il faut entendre chacun et s'interdire l'entre-soi. Cette foi puissante en la liberté d'expression, m'a permis de comprendre que beaucoup de celles et ceux qui se prétendent anarchistes, ne le sont indéniablement pas, puisque véhiculant des haines indicibles pour toute personne pouvant par exemple nourrir des idéaux dits "conservateurs" ou "réactionnaires". En Anarchie, nul besoin de haïr le quidam avec qui l'on est pas d'accord. On échange des opinions, on constate notre désaccord, mais politiquement, la Démocratie tranchera de toute façon. Prenons la caricature de cette doctrine : je suis très hostile à la peine de mort, mais si elle était restaurée par le biais d'un référendum, j'accepterais bon gré, mal gré cette réforme. La Démocratie n'est pas le genre de vœu que l'on formule sans accepter qu'une part de ses considérations politiques propres en souffriraient très certainement. Soit on la désire totalement et en bloc, soit l'on n'est tout simplement pas démocrate, puisque l'on accorde la primauté de ses considérations politiques au-dessus de celles portées par la majorité du peuple. Et qui veut établir des lois au mépris de la volonté générale a en lui tous les ressorts du despotisme. Je connais ainsi de nombreux militants qui adorent se référer à de nobles "valeurs" qui se révèlent pourtant de vrais tyrans d'opérette si tant est que l'on discute un peu avec eux pour gratter le vernis des apparences qu'ils se donnent.
Ce n'est finalement qu'il y a quelques jours, que j'ai résolu en quoi il y a bien une dimension anarchiste dans ce que je suis. Mais il m'a fallu cette fois-ci faire une rétrospective de mon parcours de vie et de ma personnalité pour comprendre en quoi je me rapprochais fondamentalement de cette idée centrale, qu'est l'absence de reconnaissance d'un "maître" pour me gouverner.
Comme tous les anarchistes éduqués, je ne rejette ni l'ordre, ni les lois. Cependant je refuse d'accorder à quiconque toute autorité politique sur ma propre personne. Cela bien avant mon immersion dans le militantisme, j'étais déjà farouchement indépendant et maître de mes opinions et décisions. Mais finalement, qu'ai-je fais ensuite ? J'ai appelé et j'appelle toujours à la Révolution, soit à renverser l'Oligarchie au pouvoir. Je prends toujours un certain plaisir à traîner dans la boue et moquer notre représentation politique lorsqu'elle le mérite, et surtout - et c'est sans doute le plus important - je ne délègue à aucun parti ou leader politique, l'autorité nécessaire pour me représenter moralement et définir le mode de combat politique à mener. Je n'attends pas et me bats directement. De toutes mes forces et avec tous les moyens à ma portée. Mais j'agis en tant que je suis mon propre maître et que je considère être aussi nécessaire et utile que toute "autorité politique" sur laquelle peut se reposer une bonne partie de mes contemporains. Ce qui me laisse à penser que l'Anarchie s'expérimente avant de se lire et se méditer.
Tous les anarchistes sincères que je connais sont aussi des militants. Ils n'attendent pas qu'on leur dise ce qu'il faut faire ou comment voter intelligemment, ils agissent politiquement et de façon très concrète, eux-aussi. Aucun ne m'a signifié qu'il se refusaient à ce que des mandataires prennent en charge certaines affaires de la nation, mais ce qu'ils exigent tous, c'est que ces derniers soient légitimes et révocables. Ils peuvent admirer des intellectuels ou politiciens pour leur finesse d'analyse ou leur intégrité morale, mais ils ne concèdent à ces derniers, aucune autorité politique sur eux-mêmes. Ils accepteraient volontiers que les meilleurs nous gouvernassent, mais pas si ces derniers ne répondent d'aucune volonté clairement démocratique (et cela dans tous les aspects de la question) et ne puissent être défaits sitôt qu'ils leur prendraient le goût de nous trahir. En clair, ils ne mystifient pas les "autorités morales ou intellectuelles". Au mieux ils apprécient ce que chacun livre à la communauté comme angles de vue politiques alternatifs, au pire, ils s'en servent pour accélérer les changements les plus essentiels à produire. Tant que ces "autorités" sont sous contrôle du peuple, il n'y a pas fondamentalement de maîtres devant lesquels on s'asservit. Etre anarchiste c'est donc bien répondre autant d'un logiciel politique qui s'intéresse en premier lieu à la Démocratie, qu'une philosophie sur notre rapport à l'Autorité et plus encore à Soi.
Une dernier indice m'amène à penser que je cultive bien une certaine dose d'anarchie dans mes valeurs. J'accorde plus d'intérêt aux idées qu'en leurs émetteurs. Prenons une caricature ayant le rôle d'épouvantail politique en France pour comprendre mon point de vue : Alain Soral, polémiste ô combien détesté par tout un ensemble d'idéologues, fait valoir son hostilité aux ingérences israéliennes en France. Il n'est pas le premier à le signifier, ni le dernier, mais tant l'ennemi intérieur qu'extérieur, apprécie de réduire ce débat à sa seule personne, pour mieux salir l'opinion de celle-ci. Alain Soral en tant que personne et même en tant qu'intellectuel ne m'inspire rien de particulier, si ce n'est une part de médiocrité, autant il est vrai, un certain courage à se vêtir chaque jour du manteau de l'infamie. J'ai cependant écouté ce personnage comme d'autres, avant de me faire ma propre opinion sur le sujet. Opinion qui rejoint très clairement la sienne. L'idée transcende donc ses locuteurs. A l'inverse, j'ai observé à quel point les Français (mais pas qu'eux) ont une fâcheuse tendance à se réfugier derrière l'autorité morale et politique de certaines idoles qu'ils se constituent. Quand bien même ces personnalités peuvent parfois faire montre de leur propre part de médiocrité ou de leurs reniements intellectuels, pour les disciples les plus zélés, leur "chef" ne peut être remis en cause ou soumis à la critique. Dans ce cadre, les idées perdent de leur importance, ce qui compte c'est de se trouver un guide avec une personnalité forte, sur lequel faire reposer tous ses espoirs politiques. Enfin, il existe une zone grise où des intellectuels, journalistes et humoristes, sont appréciés pour leur analyse politique de l'actualité, sans que nous fassions reposer nos espoirs politiques sur ces derniers. On s'autorise à ne pas être toujours d'accord avec eux, mais nous les écoutons volontiers. Dans cette zone grise, je sais être l'un des plus bas maillons de la chaîne de ceux que l'on écoute un peu. Mais contrairement à la plupart des intellectuels et humoristes, je n'attache aucune importance à l'image que je renvoie ni à l'affinité que l'on pourrait m'accorder. Etant par ailleurs très peu enclin à communiquer trop régulièrement, je n'en suis donc que trop irrégulier dans mes publications pour gagner la visibilité nécessaire et faire ainsi mieux entendre mes propres idées. Et je suis ici soumis à une contradiction forte entre ce qui fait ma philosophie de vie et les réalités sociales tangibles qui s'opposent à ma tranquillité d'âme. En effet, j'estime qu'en matière révolutionnaire, je suis de ceux qui formulent les meilleures idées possibles sur le plan strictement opérationnel en France. Si nous nous attachions qu'à la pertinence des idées pour les évaluer, même avec mon faible auditoire, j'aurais pu mobiliser un peu plus de monde sur certaines actions, notamment le Siège de nos grands médias, tout simplement parce que le rapport de force ne fonctionne que dès lors qu'il est pensé stratégiquement. Mais l'essentiel d'entre nous ne parvient pas à s'affranchir de la scission existante entre les idées et leurs locuteurs. Il faut impérativement qu'elles soient incarnées. Ce qui signifie que si j'assumais totalement ce regard froid que j'ai sur la Société, je communiquerais beaucoup plus sur mes idées afin de gagner progressivement en visibilité, et mieux encore, je m'engagerais politiquement puisque je suis certain d'avoir la volonté et l'intégrité nécessaire pour opérer les changements politiques les plus à même de rétablir notre indépendance nationale et inoculer la Démocratie en France. Mais d'une part, cela ne peut que contrarier mon aspiration à une certaine tranquillité (ou solitude) et d'une autre part, cela m'obligerait à soigner mon image et faire attention à heurter le moins de monde que possible pour convaincre. Or, je suis de ceux qui vilipendent volontiers les cercles "dissidents" pour leur défaitisme et leur inaction. Qui se sent concerné par mes critiques, ne peut que se faire une opinion de ma personne qui soit elle-même très critique, voire franchement négative. Au détriment des idées que je souhaite juste faire entendre au plus grand nombre et dont j'espère qu'elles seront un jour les plus partagées que possible. Cependant, si ce que l'on pense de moi m'indiffère, mais qu'en revanche la nécessité de la Révolution s'impose sur ma façon de travailler, que dois-je déduire de cette équation ? Dois-je à mon tour contribuer à cette fâcheuse incarnation des idées en me mettant en avant ? Ou rester fidèle à ma philosophie propre induisant que l'idée est plus importante encore que celles et ceux qui s'en répandent, à commencer par moi-même ? Voila ce qui me préoccupe intimement depuis quelques années, et si je devine qu'il viendra un temps où la nécessité prendra le dessus sur ma propre paix intérieure et que cela pourrait m'amener à bien des moments d’enthousiasme partagé et de responsabilité prise, quelle gloire pourrais-je retirer de m'être renié dans un tel processus et n'avoir pas su faire entendre que mes idées comptaient plus que ma propre personne ?
Sans doute se trouvera-t-il des gens pour réfuter l'hypothèse que je sois moi-même anarchiste, du fait que j'accorde malgré tout une importance trop centrale à l'Etat dans l'organisation de la Société. Pourtant, Proudhon ne rejetait pas tant que cela l'Etat si j'en crois quelques textes que j'ai pu lire, mais aussi le fait qu'il fut lui-même député du peuple. Plus surement encore, j'aurais tendance à penser que cette philosophie politique nécessite pour être appréhendée correctement, d'en étudier les concepts considérés comme antagonistes pour commencer. L'Anarchie s'approche à tâton et par ses contraires supposés. En étudiant les fondements et la nature de l'Etat, d'une part, on cesse de le livrer aux gémonies lorsque la responsabilité de toute politique anti-sociale ou despotique, ne revient qu'à des êtres de chair et de sang, et jamais à des institutions constituant le corps même de l'Etat. Une mauvaise loi, un dysfonctionnement ou une mauvaise action politique sont toujours issus d'une volonté humaine. Par ailleurs, vouloir abolir l'Etat, c'est rien de moins que vouloir démolir notre organisation sociale et politique alors que cela est impossible, du fait que les forces d'inertie sont trop grandes et que n'en déplaise aux "puristes" de l'Anarchie, la majorité du peuple exige de l'Etat partout dans nos vies. Personne ne remettra jamais en question l'utilité de l'Armée, de la Police, de la Justice ou des hôpitaux et systèmes sociaux existants. Et l'Etat, c'est tout cela, sanctuarisé sur un territoire politique sur lesquelles ces institutions sont opératives.
Un anarchiste raisonnable et éduqué n'a donc aucune raison de remettre en question l'Etat, le territoire, la nécessité d'une représentation politique ou même la métaphysique de Dieu. Ce qui est d'ordre politique implique le contrôle et la légitimité du peuple, ainsi que la réincarnation de la responsabilité, plutôt que sa dilution dans la chimère d'un "Etat" ou un "Système" dit oppresseur. Ce qui est de l'ordre de la foi, de la croyance ou de l'idéologie n'appartient qu'aux individus, et nul ne peut imposer à tous son athéisme convaincu ou au contraire sa propre foi en Dieu. Ça n'est qu'un débat métaphysique rien de plus.
A ce titre - et je suis aujourd'hui curieux de lire le texte duquel ce slogan est issu - je m'inscrits en faux sur le fait que l'Anarchie puisse se résumer à une phrase aussi vide de sens que "ni dieu, ni maître". On peut refuser la doctrine religieuse sans s'interdire de croire en Dieu, et l'on ne peut accepter raisonnablement que nous n'ayons aucun "maître", intellectuel ou personnalité engagée politiquement à qui remettre notre confiance, pour déléguer des tâches que nous sommes incapables de produire.
Si la religion n'est fondamentalement pas nécessaire au croyant, les maîtres sont indispensables, tant qu'ils sont sous contrôle du peuple. Et je ne vois pas ce que l'Anarchie peut y redire.
Drôle de vision de l'anarchie qui accepterait Dieu et l'Etat, et pourquoi pas le Capital tant qu'on y est...
RépondreSupprimerIl y a confusion entre anarchie et démocratie participative (l'anarchie étant nécessairement une démocratie participative, mais non l'inverse).
Tous les services sociaux peuvent très bien exister (et même mieux fonctionner du bas vers le haut plutôt que du haut vers le bas en correspondant bien davantage aux besoins réels...) sans état, et même l'armée (si nécessaire pour lutter contre les réactionnaires), cf l'Espagne en 36 avec la CNT et les Brigades Internationales. La police en tant que telle n'est plus nécessaire en anarchie, vu que 95% des causes des délits sont supprimées (plus de classes, plus d'accumulation de richesses).
Le soucis de divergence des lois dans les communes fédérées est davantage d'ordre théorique que pratique, en adhérant à la fédération la commune accepte les lois principales, même si la marge de manœuvre est assez grande au niveau local, des solidarités inter communes se mettent en place sur le même principe que l'entraide inter-individus au sein d'une commune, cela a existé en Espagne également, et au Rojava actuellement.
L'anarchie c'est la suppression de toute domination, de toute hiérarchie, fut ce à un seul niveau (Dieu et les hommes, d'où la formule "si Dieu existait il faudrait s'en débarrasser"), après libre à chacun de croire à n'importe quelle connerie du moment que ça n'influence pas la société...
Ne pas confondre maître au sens personne qui inspire et qu'on respecte (pour ses connaissances, son expérience, ses actions ...), mais sans relation de domination ni admiration béate, avec maître au sens gourou / disciples...
Après pour parler de quelque chose, mieux vaut avoir lu un minimum sur le sujet, son histoire, et ses différents courants, acteurs et penseurs (qui se confondent souvent en anarchie), de Proudhon à Bookchin en passant par Bakounine, Kropotkine, Malatesta, ...