mardi 7 août 2018

Vanité et intelligence de l'Homme

En Régime égalitariste où tout se vaut, rappeler que les inégalités naturelles perdurent et demeurent en dépit des idéologies du moment, est un exercice intellectuel périlleux. Surtout lorsqu'il s'agit d'évoquer les inégalités qui existent entre nous sur notre puissance cognitive et le niveau de notre culture générale. Car à trop courte vue, pour le moins en France, ces dispositions humaines sont considérées comme les curseurs essentiels de l'intelligence.

Le Français érige la valeur de la modestie en sa propre caricature, au sens où reconnaître ce qui le distingue pour le mieux face à ses contemporains, n'est pas perçu comme une reconnaissance factuelle de son état d'être, mais comme une forme de vanité. La fierté découlant de l'accomplissement de soi est autorisée pour ce qui concerne le labeur que l'on échange contre une part d’élévation sociale, ou par exemple au-travers d'un pseudo sentiment patriotique lors de rencontres sportives, pour ce qui est de la procuration collective. La fierté sur notre Histoire, notre héritage culturel ou sur ce que nous sommes individuellement dans nos aspects les plus positifs, doit être contenue et refoulée.

Pourtant, pour s'accorder des qualités d'esprit telles que "l'intelligence" et donc apporter son "témoignage" sur une inégalité "perçue" sur sa répartition dans son propre environnement social, il est nécessaire de s'éviter tous refoulements inutiles. Qu'il découle de nos aliénations propres, nos blessures mal cicatrisées ou au contraire des aboutis spirituels et mentaux qui ré-équilibrent les parts sombres de nos individualités, le refoulement sur ce que l'on est profondément, nuit à notre hauteur de vue quant à notre rapport au sentiment de culpabilité. Je me sens ainsi coupable de beaucoup des conséquences portées par mes travers d'âme non résolus pour le moment. Mais je ne me sens en rien coupable d'être intelligent, car je le suis et ne peut l'être moins sauf à subir des lésions cérébrales majeures et irréversibles. L'intelligence est à ce titre un "état". Ce n'est pas un processus volontaire, même si le niveau d'instruction peut influer sensiblement sur le niveau d'intelligence.

Je compte néanmoins faire part de ma propre vision sur ce qui constitue notre intelligence, et l'on se rendra compte que le plus idiot d'entre nous en terme de culture générale ou de capacité analytique, n'est pas forcément si bête qu'il pourrait le croire. Je considère en effet que nous sommes affectés inégalement par au moins sept facteurs d'intelligence essentiels :

Puissance analytique ou cognitive

Capacité de raisonner et lier des 'informations sans nécessaires relations directes, et établir des postulats, des lois et prédictions pertinentes à partir des éléments en sa mémoire. 

Bienveillance

Intelligence sociale et spirituelle, capacité à percevoir et désarmer les défenses mentales d'autrui, disposition naturelle à se faire apprécier de ses contemporains.

Curiosité 

Elle à l'origine de la culture générale, qui sera toujours proportionnelle au niveau de curiosité de chacun.

Créativité

Capacité à faire d'un ensemble de matériaux ou informations, un objet intellectuel ou physique distinct de tout autre ou apportant un enrichissement à une même variété de créations pré-existantes.

Sens de la projection

Capacité à concevoir le futur. Mise au clair entretenue avec sa propre temporalité d'existence. Transcendance du soi dans sa réflexion et les orientations données à sa vie.

Audace

Capacité à enfreindre les règles et conditionnements. Disposition naturelle à la prise d'initiative et à la réactivité. Encouragement au dépassement d'autrui par l'exemplarité personnelle.

Sincérité

Vertu et état de paix intime. Aptitude à la communication non violente, fort ancrage à la réalité environnementale, personnelle ou d'autrui.

Nous disposons ou manquons plus ou moins de chacune de ces dispositions d'esprit. Notre intelligence ne se résume pas à notre capacité à interagir avec des concepts ou notre seul environnement, mais aussi dans la maîtrise de notre rapport à autrui et pour le moins à soi. Certes, un brillant intellectuel peut irradier son auditoire par sa maîtrise de concepts et de mots lui permettant de dégager des réflexions pleines de pertinence, mais il peut s'avérer être humainement le dernier des cons, ce qui aura de quoi nous faire relativiser sur l'intelligence de l'individu en question. Il n'y a donc pas qu'une forme d'intelligence se réduisant à nos seules capacités analytiques et mnésiques. Il y'a bien de nombreux chemins pour élever son esprit.

Je suis suffisamment sincère avec moi-même pour reconnaître qu'il y'a des personnes autrement plus érudites que moi sur l'ensemble des disciplines et sciences qui suscitent au long cours mon intérêt. De la même façon que je reste humble face à la puissance et la subtilité cognitive de certains penseurs, dont je suis certain que je serais à jamais incapable de pouvoir rivaliser avec la finesse de leurs constructions intellectuelles. Néanmoins, je suis indéniablement un esprit analytique, suffisamment curieux et créatif pour que je puisse me reconnaître comme "intelligent". Oui, mais intelligent par rapport à qui ? Par rapport à d'autres qui le sont moins que moi sur ces dispositions particulières et qui n'en déplaise aux idéologues de l'égalitarisme, forment une majorité que je perçois clairement dans mon environnement social. Une inégalité qui m'est aussi naturellement perceptible que frustrante à bien des occasions. Pour autant, mes relations sociales ne sont pas nécessairement toutes constituées d'êtres très analytiques et cultivés. Bien au contraire, je suis aussi très attaché à des gens, que l'on pourrait considérer comme "moyens" voire "bêtes" sur ces seuls référents devant constituer notre intelligence, et pourtant ne suffisant pas à mon contentement du point de vue de la qualité de mes relations sociales. D'abord parce que la "bêtise" au sens du manque de puissance analytique est souvent une aliénation découlant soit d'un déficit culturel dont on peut rendre responsables concomitamment l'école et les médias, soit d'un trouble réduisant nos dispositions cognitives à une manipulation limitée de concepts, ou encore liée à des capacités mnésiques réduites. 

Ainsi je me souviens d'une discussion avec une amie me faisant part qu'elle ne pouvait se concentrer dans l'audition d'une explication longue d'un phénomène, d'un cours académique ou d'une conférence, car elle ne parvenait pas à mémoriser des concepts précédents évoqués dans la démonstration générale, et établir concomitamment avec l'orateur, les liens mis en évidence par celui-ci. 

En clair, ce qui était abordé cinq minutes plus tôt par rapport à instant T par son interlocuteur était déjà oublié. Dans ce cadre, comment espérer de cette amie qu'elle puisse se hisser ne serait-ce que provisoirement, au même niveau de capacités analytiques et mnésiques que moi ? Elle est manifestement handicapée par une disposition de la nature qui nous échappe, à elle comme à moi. C'est donc ailleurs que je cherchais en elle sa propre part d'intelligence avec laquelle je pouvais entrer en résonance. Il se trouve qu'elle est à la fois pleine d'audace et de créativité. Je connais une écrasante majorité de soporifiques universitaires répétant pompeusement ce que d'autres ont déjà écrit ou dit, tout en s'abstenant de façon résolue, à toutes prises de risque dans leur vie militante et intellectuelle. J'ai ainsi souvent plus admiration pour des gens qui nourrissent des dispositions d'esprit les rendant attachants, parce que c'est la forme d'intelligence qui manque le plus à notre humanité. Celle ou celui qui humblement, me signifie se penser "bête" parce que je l'impressionne un peu avec mon savoir et mes verbiages, fait pourtant montre de beaucoup d'intelligence sociale. D'abord son humilité découle de sa sincérité vis à vis de soi et d'autrui quant à ses propres connaissances et facultés cognitives. Par ailleurs la légère intimidation autant que cette sincérité perçue chez mon interlocuteur du moment, a un effet sur mon propre sentiment de culpabilité. Cette intelligence sociale dont je suis fort mal pourvu, est capable de me ramener au silence ou à des discussions plus légères et finalement me permettre de mieux appréhender ma relation avec mon environnement. Si je sais ne pas être malveillant, mon intelligence en terme de relation sociale est plus que corpusculaire. Aussi je ressens le besoin de m'entourer de personnes les mieux à même de me désarmer naturellement et divertir mon esprit de ma tendance à ruminer sur les rouages d'un quelconque exercice de pensée parmi les millions d'autres auxquels je m'adonne continuellement.

L'intelligence ou la bêtise, c'est finalement un supplément de quelque chose qui nous distingue pour le mieux ou pour le pire. Nous avons tous des parts d'intelligence, et nous disposons d'une capacité individuelle et collective à en promouvoir tous les aspects. On peut être le plus cynique et érudit des salopards, comme on peut être le candide le plus chaleureux et sincère qui soit. On peut aussi être éduqué, analytique et bienveillant, comme on peut être le plus ignare et méchant des Hommes. En matière d'intelligence, les choses se combinent ou se cumulent. 

Alors évidemment, on ne traite pas les problèmes les plus complexes et ramifiés de ce monde, sans disposer d'un sérieux bagage intellectuel et d'une certaine capacité de raisonnement. Mais cela sous-entend t'il que les moins intellectuels d'entre nous n'ont pas leur mot à dire en politique ? Assurément pas, car à défaut de pouvoir énumérer un ensemble de facteurs causant un trouble pour la Société, ce n'est pas forcément le moins éduqué et subtil des citoyens, qui manquera de faire appel à son bon sens sans que le verbiage soit nécessaire, pour que sa mémoire et son ressenti en assurent son expression assurée et assumée. Certes un Gouvernement ayant la charge d'exécuter les lois doit être constitué de gens dotés d'une excellente culture générale autant que plus spécialisée, cela en plus d'une vision politique pertinente pour la majorité du peuple. Mais l'on exige pas aux députés d'être les réincarnations de Tesla ou Montesquieu. Ils doivent représenter fidèlement le peuple dans sa volonté générale, qui est rarement dépourvu de lucidité sur ce qui porte atteinte à ses intérêts fondamentaux. Pourtant le disais-je plus haut, je constate et perçois que la majorité de mes contemporains ne dispose pas du faisceau culturel et politique à hauteur du mien propre. Néanmoins, si sur certaines considérations politiques entendues ou lues, j'ai pu déceler qu'un déficit d'éducation ou de puissance analytique amenant certains commentateurs à des conclusions que je jugeais aberrantes ; sur la majorité des débats affectant l'organisation même de la nation, qu'importe le niveau de culture générale de mes interlocuteurs, le bon sens revenait toujours au galop. La vérité est notre premier réflexe immunitaire pour juger d'une question politique.

Etre intelligent au sens d'un bon niveau de culture générale et de capacité analytique n'est pas forcément un sinécure. D'abord, parce que l'appétence à la curiosité et l'analyse de données acquises démarre très tôt, voire au début de la vie. C'est d'ailleurs un des indices qui me laissent à penser que puisque la physiologie a rarement un lien avec l'usage que l'on fait de notre cerveau, il est probable que l'âme existe bel et bien, et chemine sur un plus grand nombre d'expériences de vie que nous ne pourrions l'imaginer. C'est ce qui lui permettrait d'acquérir l'essentiel de son intelligence. Il m'arrive ainsi de blaguer à propos de la réincarnation et de la bêtise crasse, en signifiant que si certains esprits doivent disposer de quelques siècles ou millénaires d'expérience humaine, d'autres, ne font que démarrer leur cycle de réincarnation en ayant sauté des étapes depuis la fougère jusqu'à l'Homme.

Toujours est-il que la majorité des gens, et cela depuis l'enfance, ne sont ni franchement curieux et analytiques, sans pour autant être incapables d'emmagasiner de l'information et réfléchir puissamment à partir de celle-ci. Le cerveau est comme un muscle. Si on l'entretient, nous développerons de toute façon une culture générale de plus en plus élevée, et par voie de conséquence, nous établirons des liens entre des informations sans relation directe perceptible avec le temps. Cependant, si la majorité de mes contemporains ne musclent pas à proprement parlé leur cerveau, il est normal que je me sente un peu marginalisé dans cette affaire, car les différences de culture ou de profondeur analytique se perçoivent distinctement dans un échange humain. Or, disais-je plus haut, il y a des personnes qui se sentent intimidées lorsqu'elles ont à faire face à des gens disposant d'une supériorité naturelle par rapport à eux, que cela soit sous l'angle cognitif ou même physique. Une partie de ces gens n'oublieront pourtant pas de faire preuve d'intelligence en ayant assez de considération pour ce qu'ils sont, autant que d'humilité vis-à-vis de celles et ceux qui ont un avantage particulier sur eux. Mais d'autres n'ayant pas entamé un processus leur permettant d'acquérir l'amour de soi, auront des réactions de jalousie. Il m'a fallu plus de 35 années de vie pour comprendre cela et l'admettre.

Petit, le rejet que je suscitais à l'école de la part de mes camarades me troublait beaucoup. Déjà à l'époque, ma famille m'expliquait qu'il s'agissait de jalousie et je ne le comprenais pas. Car je ne voyais pas ce qu'il y'avait à jalouser en moi, et c'est toujours le cas aujourd'hui. S'il suffisait d'être intelligent pour atteindre la perfection d'esprit, alors ma condition sociale, mon influence politique ainsi que tant d'autres aspects de ma vie, seraient tout autres aujourd'hui. Ça n'est manifestement pas le cas, ce qui signifie donc que je ne suis pas dépourvu de défauts et de handicaps contraignant ma propre élévation sociale et intellectuelle. La jalousie est donc une forme de déni de soi autant qu'un hommage du vice à la vertu, car celui qui s'en répand n'est ni lucide sur lui-même ou celle ou celui qui est l'objet de ses invectives, mais en outre, il valorise l'intelligence de l'être décrié en cherchant à discréditer cet état d'être. Une personne jalouse ne se remet pas en question, refuse d'apprendre ce que l'autre peut lui enseigner, mais essaye juste de créer une égalité factice entre elle et l'autre, en rabaissant ce dernier autant que possible à son propre niveau. Il n'y a pas de volonté d'effort vers l'élévation, mais une paresse consentie à ne jamais se transcender, et une haine distillée contre celles et ceux qui pour leur part s'instruisent et réfléchissent.

Dans les milieux militants, quand bien même on s'intéresse à la politique, l'intelligence et la culture générale restent pourtant de niveau similaire à celui de la population globale. Il y'a des cons finis comme des êtres brillants, et une énorme majorité de gens "moyens". Il y'a ceux qui s'en prennent aux intellectuels, voudraient brûler leurs livres et atteindre l'égalité dans la bêtise pour se rassurer sur leur propre incapacité (ou manque de volonté) à s'élever, et il y a ceux qui se nourrissent avidement de pensée politique, en appréciant de s'ouvrir à la contradiction sur leurs propres opinions. Entre les deux, des gens s'informent, ne font pas nécessairement des liens entre toutes les informations ou essentialisent parfois trop certaines aliénations de notre Société à quelques groupes communautaires, mais globalement, comprennent des logiques simples qui permettraient d'améliorer bien des rouages du "Système".  Ce dont nous manquons, ce sont de militants lucides sur eux-mêmes et leurs propres capacités, et qui par conséquent, mettraient à profit leurs meilleures facultés d'esprit pour créer les synergies nécessaires. Les intellectuels débroussaillant le champs de la revendication politique pour que tout le monde puisse en débattre et améliorer la proposition ; les créatifs imaginant des actions qui par leur originalité, attireront l'attention ; les bienveillants s'attachant à forger les liens et réseaux de contacts nécessaires aux actions collectives ; les audacieux montrant l'exemple sur les actions militantes pour inspirer chacun au dépassement de soi. Ceci est une Synergie des différents modes d'intelligence. Encore faut-il connaître ses points forts et être lucide sur ses propres faiblesses. Plus encore, accepter de faire confiance à qui nous est supérieur sur un facteur d'intelligence ou de culture que nous ne maîtrisons pas pleinement.

Mais dans un pays où reconnaître ses propres qualités d'esprit est considéré comme de la vanité, il y'a un obstacle culturel à une véritable introspection de chacun et à assumer ce que l'on est vraiment. Par ailleurs, certaines qualités ayant plus de valeur à nos yeux que d'autres, l'intelligence sociale ou la créativité, seront par exemple minorées face à la puissance cognitive et la culture générale. Pourtant, toutes les formes d'intelligences sont nécessaires et encore une fois mal réparties. Aucune ne subordonne une autre, elles se complètent.

Avec les années d'expérience, j'ai appris à ne plus tenir compte de la jalousie de certains, mais en revanche, j'ai acquis le sérieux défaut de l'arrogance. Justement parce que je suis lassé d'un niveau de bêtise générale qui est le premier responsable de notre inertie révolutionnaire. De même que les discours serviles et les sarcasmes des plus idiots me font monter la moutarde au nez. Signe d'ailleurs que je n'ai pas tout résolu en moi pour garder une saine distance avec le pathos des uns et des autres.

L'intelligence, qu'importe où on la trouve la mieux placée en soi, n'est donc pas un acquis sur lequel on se repose, mais bien une mécanique spirituelle que l'on développe tout le long de sa vie durant. Que celles et ceux qui se reprochent de manquer de culture générale ou de sens analytique cessent donc leur auto-flagellation. Ils peuvent être autrement plus intelligents que nombre d'intellectuels, encore faut-il chercher en soi sur quelles qualités naturelles nous performons et nous aurions raison de poursuivre notre cheminement.

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