lundi 20 août 2018

Quête de Sens (suite et fin)

« Apprends bien tes leçons à l'école, c'est comme ça que tu pourras trouver du travail lorsque tu seras grand ». Voilà le genre de recommandations que l'on s'entend dire dès l'aube de notre vie. J'ai redoublé deux fois. Peut-être était-ce déjà une forme de rébellion, ou tout simplement que j'étais inadapté à une forme d'enseignement qui ne m'apprenait pas à reconnaître les fleurs et les animaux, les étoiles et les cailloux, au-delà de me livrer quelques notions minimales sur certaines disciplines. 

En 1989, j'avais alors neuf ans. Je me souviens particulièrement de cette année, car elle correspondait au bicentenaire de la Révolution Française. J'en ai alors bouffé des Droits de l'Homme. Mais on ne m'a pas invité à méditer chacun de ses articles pour bien les comprendre. Point d'échanges philosophiques, de questionnements et de réflexions à leur propos. En revanche, l'affaire était entendue, Robespierre était un salaud ! 

Les années ont encore déroulé leur insatiable soif de Temps, et j'étais désormais parmi les meilleurs de ma classe lorsque j'entrepris des études agricoles. Mais je ne suis pas du matin, je ne l'ai jamais été. Le matin, c'est fait pour dormir que diable ! Bien mal m'en a pris, me voilà enfermé avec un camarade dans l'internat, et j'ai faim ! Le pion hilare nous regarde par-delà la vitre, tandis que nous lui faisons des signes pour qu'il déverrouille la porte. Nous allons manquer le petit déjeuner ! Je suis furieux. Je donne un grand coup de pied sur la porte coupe-feu du bâtiment, celle-ci s'effondre net. Le surveillant rit beaucoup moins. Qu'importe, je vais pouvoir accéder à un café, un peu de pain et de beurre. Mais je serai aussi viré du lycée. Je n'aurais jamais mon BEP, ni même le BAC professionnel et le BTS que j'envisageais. Mes études sont terminées, j'ai 17 ans. 

Me voilà donc manutentionnaire la nuit, travaillant sur des plateformes logistiques. Je suis impressionné par les manœuvres des camions lorsqu'ils se mettent à quai. Et puis ces chauffeurs qui voyagent en solitaire de villes en villes. Je commence une formation, mais à la maison, l'orage couve entre ma mère et moi. Un coup de tonnerre de trop, me voilà rendu à Nantes, sans diplôme, sans formation, sans revenus, sans rien en fait. Je découvre ces étonnantes structures que l'on appelle CHRS et la Cour des Miracles qu'elles renferment. La misère, la violence, la drogue et l'alcool, mais aussi la générosité la plus pure. A 19 ans, j'écume déjà les bas fonds de notre pays. Je mendie des clopes sur les places, pour ne pas avoir à réclamer de l'argent. Je suis encore mal à l'aise avec cette chose qu'est la monnaie. Je discute beaucoup avec cet ex détenu qui n'ose pas écrire à sa fille. Je réussi finalement à lui donner le courage de le faire. Un jour, il me le rend bien alors qu'un type un peu dingue m'agresse avec un couteau. Mon copain qui avait pris 15 ans pour braquage n'est pas moins fou que lui. Il lui assène un coup si violent que mon agresseur reste sonné un instant, avant de s'enfuir. La journée, dans une association de soutien aux miséreux, je partage des cafés et joue aux échecs avec Mohammed, un Algérien d'une quarantaine d'années qui a toujours quelque chose à m'enseigner sur la vie ou la politique. 

Ma bonne fortune me revient cependant, le centre de formation que j'avais quitté brutalement me retrouve, et me signifie que je peux terminer ce qui avait été entamé. Quatre mois plus tard, me voilà chauffeur routier. Et cela va durer plus d'une décennie. 

Je travaille dur et beaucoup. Si je gagne à peu près honnêtement ma vie, et bien que mes besoins soient plutôt réduits pour satisfaire à mon confort, j'ai le sentiment qu'il y'a toujours quelque chose à payer. Et puis les tâches administratives ne sont pas mon fort. Si bien que des retards s'accumulent ici et là sur des impôts à régler, des factures à honorer. Je m'en sors, je jongle, mais tout cela n'a pas de sens. J'ai besoin d'aventure. De prendre le large. Me voilà dans un bureau de recrutement de l'armée, et quelques semaines plus tard je suis rendu au fort de Vincennes pour déterminer mes capacités physiques. Je souhaitais m'engager dans la Sécurité Civile, pour sauver des vies à l'étranger. Mais je n'ai pas le niveau paraît-il. Puisque je dispose d'un permis poids lourd, on me recommande le régiment du train. J'accepte et je ferai mes classes chez les paras. Finalement, il s'avérera que je ferai partie des meilleurs à l'entrainement physique. Mais marcher au pas, bidouiller du FAMAS, ça n'est pas mon truc manifestement. Le chef de corps me signifie qu'il me faudra recommencer ma Formation Générale Initiale du Combattant pour continuer la carrière. Si j'admets deux mois de formation militaire intense tant pour l'esprit et le corps, je ne me vois pas renouveler l'expérience. Ce qui m'intéresse, ce sont des choses plus concrètes et signifiantes. Un adjudant me demande pourquoi je n'ai pas plutôt intégré une école d'officier, car selon lui, j'ai le niveau intellectuel pour. Certes, mais je ne dispose pas du BAC. Alors quittons l'Armée en bon terme, après tout, elle m'a beaucoup appris, et reprenons le petit train-train de ma vie de chauffeur routier. 

A 23 ans, ma vie sociale et artistique commence véritablement à Bordeaux. Les premiers vrais potes avec qui l'on chante et l'on trinque à la vie chaque soir. Je suis encore intimidé par les femmes, mais certaines me remarquent, alors je ne suis plus constamment seul. Je lie beaucoup. Je veux tout savoir sur les sciences, les technologies, la nature. Je m'instruis. Et à l'époque, je suis particulièrement conscient que quelque chose n'est pas cohérent dans le Système économique qui nous est imposé, en particulier face au caractère épuisable de certaines ressources, à commencer par le pétrole. 

A 27 ans, je sais à peu près tout ce qu'il faut savoir sur la nature de l'univers, la structure de l'atome, sur les synergies opérées entre les êtres vivants, mais je ne comprends toujours pas pourquoi de gigantesques cargos dévorant des hectolitres de pétrole chaque heure qui passe, viennent de Chine ou d'ailleurs pour nous livrer des babioles que nous pourrions tout aussi bien façonner en France. Je lie et écoute Serge Latouche, Jean-Marc Jancovici ou Yves Cochet. 

A 30 ans, je commence de plus en plus sérieusement à m'interroger sur la chose politique. J'écoute de façon distraite un certain Nicolas Dupont Aignan qui vilipende l'euro. Il n'est pas au Front National, c'est rassurant, ça n'est donc pas un thème réservé aux « fachos ». J'écris benoîtement un premier essai politique où je compulse déjà quelques données sur le pétrole. Je me souviens avoir rédigé quelque chose comme : « Je ne suis pas spécialiste des questions européennes, mais manifestement, l'U.E nous empêche de pratiquer des politiques économiques autres qu'ultra libérales. D'une façon ou d'une autre, il faudra donc s'affranchir du cadre imposé par cette institution ». C'est à peu près à la même époque que je fais connaissance sur internet avec François Asselineau. Le bonhomme me révèle alors toutes les données qui me manquaient, et surtout, me familiarise avec le droit. C'est à ce moment là que pour la première fois je m'engage en politique. 

Les années ont encore passé, et de façon bien plus accélérée que durant ma prime jeunesse, j'ai emmagasiné d’innombrables savoirs pour mieux comprendre ce qui m'échappait. Le droit, la philosophie, l'histoire, l'économie, la géopolitique, j'absorbe tout comme une éponge. A 33 ans, je suis même totalement épuisé mentalement. Je suis saturé d'informations et terrifié par l'avenir que nous dessine l'Oligarchie. Je décompense par une crise de larmes que ma compagne de l'époque ne comprend pas. Mon engagement militant nous éloigne et m'éloigne aussi de tout le reste d'ailleurs. Plus rien ne sera comme avant. Je suis devenu depuis quelques temps un authentique activiste. Je le suis encore aujourd'hui. 

J'ai 38 ans aujourd'hui, et il est clair que je ne serai plus jamais le salarié de qui que ce soit. Mes rêves de tours du monde, ma légèreté de musicien un peu rêveur, un peu poète, tout cela est derrière moi. Cependant, malgré la pauvreté, je suis riche de mon éducation, de mes valeurs et principes, et de ma fierté quant à faire partie de celles et ceux qui se battent. Je suis en fait un Homme authentiquement Libre. On dépend toujours de certaines choses pour disposer de quelques patates dans son assiette, mais l'on commence à comprendre ce qui peut donner du sens à notre vie. La misère forge la débrouillardise et apprend la frugalité. Mais elle octroie en retour tout le temps nécessaire pour s'instruire et méditer ses propres plans de conquête. Certes, on ne peut plus prétendre au confort d'une vie sentimentale et sociale, certes, le stress d'être sans le sou de façon permanente est un défi constamment renouvelé pour l'âme, mais cela entretient d'une certaine façon une saine colère sans nécessairement aliéner notre part de lucidité. Les bien-pensants réfugiés dans leurs coquets appartements peuvent me faire la leçon, mais je puis me rire en retour de leurs incantations, moi l'Homme éduqué et pratiquant la misère qu'ils dénoncent sans jamais vouloir remettre en cause ce(ux) qui la forge(nt). 

Evidemment, après un certain temps à subir les premières frustrations militantes, on se raisonne, on constate ses propres manques affectifs, sociaux et matériels, et l'on revient à ses premiers amours. Mon instinct m'invite à revenir à la Terre autant qu'à l'écriture, à en vivre d'une façon ou d'une autre, qu'importe le temps que cela prendra. Mais pour autant, la lutte doit se poursuivre. Mon existence ici-bas est éphémère, et l'Histoire ne s'écrit qu'avec celles et ceux qui acceptent de la faire. 

Avant d'expirer mon dernier souffle, je me dois donc de réussir ma quête. Rien de moins que de libérer ma patrie des vautours qui s'acharnent à vouloir la dépecer. Je n'ai jamais su faire preuve de pondération dans tout ce que j'entreprenais. Et je réussirai. 

A force, on se fait connaître un peu. Paradoxalement, ce sont d'abord les chiens de garde de l'oligarchie qui vous remarquent en premier lorsque ce que vous faites, à une once de pertinence. Vous savez être dangereux que lorsque les roquets aboient. On vous diffame, on vous mystifie, on dresse de vous un portrait fleurant bon le point Godwin et l'on vous chahute dans certaines manifestations. Tout est bon pour vous décourager et vous laisser croire que vous seriez un vilain fascisant. Cependant, c'est face à l'adversité que je suis toujours le plus fort. Je suis même toujours souriant lorsqu'un gauchiste espère pouvoir m'humilier. Je ne suis pas une petite chose fragile et inculte, je suis au contraire devenu un Homme affirmé, expérimenté et instruit. Mes adversaires préfèrent ne pas m'affronter autrement qu'à distance, et en limitant leurs arguments aux attaques ad hominem. Je suis ravi de les effrayer. 

Je ne puis prédire ce que je serai dans dix, vingt ou trente ans si Dieu me prête vie suffisamment longtemps. Ce qui est certain, c'est que ma vie a réellement du Sens, je la livre à mon peuple tout entier. Quant à mon âme, je crains qu'elle sera damnée pour longtemps encore  puisque je ne souhaite point quitter les sentiers de la lutte. Mais peut-être que l'on retiendra un jour qu'un certain Sylvain Baron, proposait une voie pacifique et plutôt iconoclaste pour aboutir à la Révolution, et que l'on jugera mes propres propositions comme utiles à travers les temps et cela pour la plupart des peuples. Je serais alors sans doute déjà mort et enterré sous un Orme, et tout cela sera alors sans importance pour l'Homme que je suis aujourd'hui. 

Contrairement à ce que les jaloux, les paresseux et les psychotiques peuvent prétendre, ce n'est pas la gloriole ou la démesure de mon ego qui sont la source de ce que je fais aujourd'hui. C'est à la fois une impulsion inexplicable, un sentiment de devoir, une volonté de Justice autant qu'un instinct pro-survie qui m'animent. Je ne suis la chair à canon ou le « sans-dents » de personne, je suis un Homme Libre. Si un gouvernement m'écrase et m'impose sa Tyrannie, aussi insignifiant et pauvre que je sois, je le défie ouvertement. 

Si la quiétude d'une vie simple dans l'amour des siens peut avoir du sens pour la majorité d'entre nous, j'ai résolu philosophiquement les abstractions qui nous conditionnent. Non, nous ne naissons pas pour être les esclaves d'un Système économique malfaisant. Nous naissons pour ressentir, découvrir, apprendre, et bouffer de la Vie jusqu'à ce que celle-ci nous échappe. La Liberté, c'est de faire ce qui nous plaît vraiment, que nos activités trouvent leur valeur marchande ou non. La Liberté, c'est d'écouter son cœur lorsqu'il nous susurre de choisir un chemin qui raisonne parfaitement avec nos idéaux, nos convictions, nos désirs. Certes, jamais rien n'est acquis ou facile, mais lorsque l'on sait où l'on va, les embûches ne nous font plus peur. On s'y attend et on les contournera, tout simplement. 

Alors oui, je reconnais être devenu un inadapté au « marché de l'emploi », un marginalisé du Système de consommation, un moine prêt à payer le prix fort de l'abstinence amoureuse puisque la misère et la combativité politique ne séduisent pas grand monde, et pour le moins bien peu de femmes. Certes encore, toute ma légèreté est irrémédiablement perdue. Mais qu'il est si bon d'être soi. Qu'il est si rassérénant de savoir que ce que l'on fait est crucial, essentiel, signifiant et que cela continuera de nous grandir. La Vie a du sens, mais la servitude n'est indéniablement pas ce qui le constitue. Négocier un statut social, du confort, une stabilité sentimentale contre du Temps de vie et de la sueur, tout cela n'est point rationnel. La Vie est une expérience qui dure plus ou moins 30.000 jours. Chaque matin qui se lève est un avertissement donné sur l'effroyable comptabilité de Dieu. Dans son Jardin d'Eden meurtri, le Temps qui nous est concédé, n'a aucune raison d'être octroyé à des gens qui pour leur part ne sont asservis à personne, et jouissent du droit de se réveiller tard, de flâner dans des boutiques clinquantes des beaux quartiers, et festoyer chaque soir avec des Millions d'unités monétaires que nous leur livrons avec des milliers de journées de notre existence d'esclave. 

La Vie est une expérience trop précieuse et éphémère pour que nous n'exigions pas de rester maîtres de nos propres destinées. Oui, il nous faut concéder des efforts collectifs pour notre Bien Commun, oui, une part de notre Temps sera toujours livré à des sommes de contraintes sociales indépassables. Mais plus jamais personne ne s'achètera une Rolex parce que je lui aurais livré des journées de ma propre vie à ces fins. En revanche, je pourrais dire que tout ce temps passé à entreprendre une Révolution, je serais fier de l'avoir livré à la Nation toute entière. Car c'est ce qui fait sens pour moi. Puisque j'ai du Temps à partager entre ce qui peut m'émouvoir et ce qui peut être utile à la Communauté, je suis ravi de ne pas le marchander, et de l'offrir à tous. Ce que l'on peut me dédommager d'une façon ou d'une autre, c'est aussi par de la générosité, non une relation d'asservissement.

La quête de sens se termine toujours lorsque l'on prend conscience du miracle de sa propre existence, et qu'il devient essentiel de ne plus rien gâcher de celle-ci. Nos jours sont comptés... 

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