mardi 8 octobre 2013

L'Europe en 2020

La Commission Européenne comme chacun sait est très soucieuse de connaître notre avis sur le futur de l'Union Européenne. A tel point qu'elle propose que chaque citoyen puisse le communiquer via une plateforme internet dédiée.

Malheureusement, vos idéaux doivent tenir sur 150 caractères, car il ne faudrait pas non plus que vous démontriez votre capacité à méditer plus intensément cette difficile question. N'ayant pu partager avec la Commission Européenne ma vision politique, ne me reste plus qu'à vous la soumettre ici...

                            Gare de Budapest, Hongrie, automne 2020.

Mélissa, députée Française tirée au sort depuis la refonte constitutionnelle de la France en 2018, sort du train qui l'a mené de Lyon à Budapest en desservant les gares de Turin, Milan, Venise, Ljubjana, Zaghreb et enfin la capitale Hongroise. Le ciel orangé du soir caramélise sa peau déjà hâlée par le Soleil  de Marseille où elle a grandi. A peine deux ans et demi que son nom a été tiré au sort dans les listes électorales et jamais sa conscience et son engagement politique n’ont été plus forts et enrichissants depuis qu’elle a débuté son mandat.

Les nouvelles prérogatives des députés Français mêlent désormais aussi le rôle de représentation et de travail en commission au sein du nouveau parlement Européen situé en plein milieu du vieux continent. Et Mélissa dont le mandat s’achève dans six mois tient à terminer avec ses 48 partenaires un projet de plate-forme publique d’achat des matières premières, dont la mission serait d’assurer le juste prix de telle façon à que depuis la production à l’international jusqu’au consommateur final d’un produit distribué en Europe, des normes sociales et écologiques minimales soient respectées, à l'abri de la spéculation des marchés.

Ce fut justement le travail de réflexion et rédaction de ces normes qui avait pris le plus de temps. Comment par exemple, imposer une norme sociale qui puisse être au bénéfice de tous, tout en évaluant son coût afin de savoir si les acteurs économiques peuvent le supporter seuls, ou devront trouver des subventions pour faciliter leur mise en conformité avec la dite norme ? Ce travail en apparence ennuyeux était en vérité passionnant, car il nécessitait de comprendre les difficultés et conceptions culturelles des autres Nations, pour trouver la norme la plus harmonieuse ainsi que son financement pouvant permettre à des millions de personnes dans le Monde, de pouvoir vivre mieux et freiner des gaspillages suicidaires.

Le printemps Français avait mûri durant plusieurs années avec une génération de jeunes trentenaires dont  Maastricht n’avait rien signifié dans leur enfance, mais dont Lisbonne était pourtant devenue l’ultime trahison faite par une génération de soixante-huitards idéologisés et carriéristes. Cette nouvelle génération était désormais plus éduquée, pauvre et enthousiaste que celle de ses parents et grands parents. Elle avait découvert les pagers dans son adolescence. Les mobiles et internet n’arrivaient que dans leur début de vie d’adulte. Une génération généralement réfractaire au langage sms et appréciant toujours les livres. Une génération sachant parfaitement que les ultimes limites d’un Système seraient atteintes dans le chaos durant son temps de vie. Une génération qui perdant espoir en son avenir, avait fini par se mettre en colère contre ses aînés…

En 2015, le bal des fripouilles fut cessé net par l'insurrection la plus pacifique mais la plus puissante qui soit. Les Français avaient enfin associé le symbole politique qu'était l'euro, à leur oppresseur qu'était (pour partie) l'Union Européenne. Ils restaurèrent leur souveraineté en écrivant sur tous les billets le mot "Francs". Cela avait commencé comme un jeu, et le mouvement s'amplifia au point d'embraser toute la zone euro.

Conjointement, la dissidence  politique Française s'organisa :

Un Conseil de Transition eut un an et demi pour prendre en charge la Nation alors que le Président Français démissionnait de ses fonctions dans l’urgence. L’armée Française qui avait été sérieusement ébranlée par les coupes budgétaires et avait subi son rôle de pion dans les guerres américaines et anglaises, s’était ralliée à ce Conseil de Transition et avait laissé les irresponsables politiques en place partir, pendant que l’assemblée nationale était occupée par les Français.

Le Conseiller aux affaires étrangères eut pour charge de faire saisine de l’article 50 du Traité sur l’Union Européenne et discuter avec nos partenaires de ce qui devait être démantelé tant institutionnellement qu’idéologiquement pour le bien des Nations, tout en rappelant aux très bellicistes et manipulateurs Américains que la France n’avait pas vocation à devenir le 51ème état des Etats Unis d’Amérique.

Si le peuple Français, avait enfin recouvré sa fierté et son indépendance en se réconciliant avec son Histoire ancienne et récente, il n’en restait pas moins universaliste et attaché à une vision sociale et écologique de nos relations avec le reste de l’Europe.

Europe non sanctuarisée aux frontières de la Russie, mais intégrant parfaitement sa différence autant que sa proximité au sein d’un nouveau parlement européen élargit et désormais situé en Hongrie. Par le biais des réseaux  sociaux, des milliers d’eurosceptiques vivant partout en Europe, avaient fini par discuter autant de la façon la plus habile de démanteler l’U.E, que la façon de repenser nos liens dans un monde où la pénurie de matières premières devenait une menace sociétale prégnante pour  tous les êtres humains ayant moins de 50 ans. Tous voyaient l'intérêt de ne pas mettre les traducteurs au chômage et de continuer à discuter;

Tous ces jeunes gens  de tous horizons géographiques et politiques, s’étaient instruits sur la création monétaire, les marchés financiers, les mécanismes de régulation des flux de marchandises et de capitaux, les technologies les plus à même de compenser 30 % de nos importations de pétrole de l’époque, en sachant que nous devrions un jour nous passer des 70 % restants par la relocalisation et la miniaturisation des activités à l’extrême.

Non seulement nous comprenions les nécessités géopolitiques, démocratiques et économiques de récupérer nos souverainetés, mais nous considérions en outre que dans un monde de ressources limitées, la seule dimension nationale pour assurer une assise économique et alimentaire sécurisante, n’était pas la seule pertinente. Une tomate qui effectuait plus de 100 Km de trajet entre son producteur et son consommateur, plus encore en hiver, devait être taxée fortement. Ce qui signifiait que les régions frontalières avaient vocation à renforcer leurs liens économiques si cela permettait d’éviter une taxe pétrole sur un produit acheté en National. Le mécanisme de la TVA fut considéré comme l’outil fiscal le plus puissant et le plus pertinent pour orienter la consommation et la production de biens et services vers la plus grande efficience énergétique et sociale en Europe.

Les transports publics, le système bancaire, les constructions navales, aérospatiales et militaires, les groupes pétroliers et de production d’électricité, les régies de distribution d’eau et tous les secteurs de la télécommunication  étaient considérés comme trop stratégiques pour être laissés à la seule gestion des marchés. La volonté de faire des taux à deux chiffres en arbitrant pour le moins disant social et écologique, générait un suicide entrepreneurial  du fait que la jeunesse ne trouvait plus face à ce constat mortifère, aucune possibilité d’un avenir. 

L’Union Européenne n’était pas l’Europe. Le vieux continent ne pouvait pas se doter d’une Constitution libérale comme en Allemagne et aux US.A sachant que nos histoires économiques étaient étroitement associées à notre histoire politique contrairement à ces deux pays. Dans les temps anciens, les Rois et les Empereurs investissaient dans ce qui deviendraient plus tard les institutions régaliennes de nos pays. S’il y’a eu un Empereur pour unifier les Etats princiers de l’Allemagne, il n’y eut jamais que Louis XVI, qui gouverna une grande partie des U.S.A actuels mais les Américains n’ont d’histoire longue qu’à travers les Nations Amérindiennes. Histoire superbement ignorée, car non anglo-saxonne et capitaliste. Les Etats Unis sont administrés par des banquiers sans histoire alors qu’en Europe,  c’est notre Histoire qui contraint ces derniers à ne pas totalement vampiriser les peuples.

L’interventionnisme économique et le rôle de planification industrielle et agricole d’un gouvernement était (sauf peut être en Allemagne et aux Pays Bas), une conception culturelle forte des Nations. D’autant que le communisme avait aussi marqué de son empreinte l’histoire de nos pays, autant que nos grandes grèves pour obtenir nos acquis sociaux et démocratiques. L’Histoire nous susurrait à l’oreille  que la richesse des Nations et leur survie dans un monde sans pétrole, ne pourrait passer que par la restauration des économies planifiées.

A l’échelon européen, la nécessité première était de hisser les salaires et niveaux de vie de chaque européen à  celui des Allemands. Non en reproduisant un modèle économique qui n’appartient qu’à cette Nation, mais en jouant de la fiscalité et la redistribution salariale de celle-ci, sur les biens et services échangées entre les pays. Les droits de douane et la TVA sociale devaient abonder un fond permettant d’investir dans les monnaies nationales les plus faibles pour  hisser leur valeur et générer de l’investissement, tandis que les pays les plus riches devaient pour leur part accepter une inflation suffisante pour déprécier leurs monnaies, actifs toxiques, et l’endettement des ménages et entreprises.

La France choisissait d’abandonner la doctrine du monétarisme et le Gouverneur de la Banque de France  aurait désormais pour mission de satisfaire aux exigences de programmes économiques de la Nation. Après autant d’années d’oppression capitalistique, les européens étaient prêts à concéder un fort endettement public, à condition que cela soit pour investir dans l’avenir et non sauver des actionnaires et rentiers  qui étaient minoritaires face à une majorité en voie d’appauvrissement.

On considérait qu’en plus du nivellement social et l’efficience écologique de nos échanges, il fallait faciliter les rapprochements culturels  pour développer tant  le niveau intellectuel des européens, que leur tolérance vis-à-vis des différences d’autrui. Les programmes comme Erasmus furent non seulement conservés, mais aussi renforcés et élargis au Monde entier.

Depuis peu, des européïstes exaltés mûrissent le projet d’une langue européenne. Bien que la population soit devenue plus réfractaire aux discours des européïstes devenus représentants d’officines politiques minoritaires, les députés ont accepté récemment par vote que la proposition soit inscrite à l’ordre des discussions à Budapest. Une langue commune qui ne soit pas américaine serait sans nul doute un moyen de faciliter les échanges des générations futures tout en posant un filtre linguistique à l’américanisation du vieux continent.

En 2020, si l’institution qu’était l’Union Européenne avec toute sa part de mythe et de doctrine économique, était belle et bien démantelée, jamais les relations entre les européens  n’avaient été aussi riches et génératrices d'espoir depuis la fin de la dictature. M. Draghi était poursuivi en Italie pour haute trahison, M. Baroso rencontrait les mêmes problèmes au Portugal, et M. Van Ronpuy se planquait dans son abri atomique. Plus aucun commissaire Européen ou chancelier d’un autre pays dictait nos décisions économiques et diplomatiques, mais il revenait aux députés élus ou tirés au sort de chaque Nations, de discuter de grands projets infrastructurels et sociaux en Europe.

Les Nations avaient la Liberté d’y adresser leur véto, mais il appartenait aux députés siégeant à Budapest de se montrer habiles pour mettre tout le monde d’accord. Ces derniers étaient d’autant plus respectés par les peuples du fait de la complexité et l’importance de leur travail, autant par le contrôle démocratique auquel  ils étaient assujettis.

Mélissa huma l’air étrangement pur de la capitale  Hongroise. Alors qu’elle remontait le quai jusqu’à atteindre la motrice, elle vit le conducteur de train céder sa place à deux autres conducteurs. Ces derniers tracteraient leurs passagers jusqu’à Moscou en passant par Kiev. A l’occasion de la Construction du nouveau parlement Européen à Budapest, on créa des lignes de train transfrontalières et régulières à des coûts modérés. De Lisbonne à Moscou et d’Athènes à Copenhague, on passait par Budapest et l’on laissait les personnes libres de circuler. Même la Russie avait consenti à assouplir sa fermeté à ce sujet.

L’Union Européenne était morte, et de ses cendres, émergeait un certain rêve Européen qui intégrait enfin le respect mutuel de nos indépendances nationales, tout en puisant dans notre diversité, les ferments intellectuels nécessaires à l’efficience démocratique, sociale, écologique et monétaire pour bâtir un avenir partagé.

En 2020, l'Europe peut offrir une expérience alternative et intelligente à un Monde que les élites Étasuniennes aimerait bien façonner à leur image. L'Europe a connu assez de fanatisme impérial dans son Histoire longue pour rappeler aux U.S.A que les droits de l'homme commencent par des frontières et des souverainetés respectées. Si les Nations Européennes n'étaient pas parvenues à comprendre l'importance d'être en paix avec leurs histoires et leurs différences culturelles et économiques respectives, jamais elles n'auraient pu restaurer le patriotisme nécessaire aux peuples pour imposer leurs volontés à leurs dirigeants.

Patriotisme exacerbé aux Etats-Unis d'Amérique du fait de sa nature impériale, mais qui dans une juste modération, suffit à un être humain pour croire assez en son pays et contribuer à sa vie politique. Contrairement à ce que nous chantaient les communicants invités par les médias, le démantèlement de l'UE ne fut pas un "retour au nationalisme exacerbé". Ce fut exactement l'inverse et jamais on ne songea à rentrer en conflit, même lorsqu'il fallut bien effacer certaines dettes..

Nous avons toujours beaucoup de problème de corruption à résoudre, et les chantiers économiques et sociaux sont immenses Mais croyez moi, depuis l'époque où je vous parle, il y'a comme un souffle d'énergie qui fait vibrer les coeurs des peuples, et même l'Allemagne voit son  taux de natalité remonter.

L'Europe en 2020 va beaucoup mieux sans l'Union Européenne... 

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