dimanche 26 octobre 2014

Une étincelle et puis plus rien...

Ceci est sans doute le texte le plus intime que je vais livrer. L'intimité s'entend chez moi non dans le fait de revendiquer mes propres parts de perversité ou encore ce qui fait ma vie sentimentale (ou plutôt l'absence de celle-ci), comme il semble que cela soit de mise à notre époque. Non, tout cela fait plutôt partie de la sphère privée, et ce que je pourrais raconter serait d'une banalité affligeante en une époque où l'on érige comme la quintessence de l'art, des sex-toys géants en plein Paris et où des groupuscules de personnes souhaitent imposer leur mode de vie - privée - comme le fondement de la vie publique.

Ce qui relève de l'intime chez moi, c'est la raison qui fait que je me jette à corps et à âme perdue dans une résistance à un ordre établi. Résistance que l'écrasante majorité de mes contemporains considère comme une utopie, une rêverie éveillée d'un doux dingue, un illuminé.

Cette une oppression extraordinaire que de décider de forger son suicide social en subissant le regard décontenancé d'une majorité d'êtres humains. Très peu de personnes dans le Monde ont éprouvé cet étrange sentiment de s'abandonner dans une quête impossible, et plutôt que d'attraper la bouée de la "raison" jetée par les foules hurlantes, ont préféré plonger vers l'abîme avec la folle conviction que l'air y est plus pur sous les miasmes d'une civilisation à l'agonie.

Bien sûr - et je reconnais que cela m'aide énormément - des gens plus ou moins immergés dans cette alternative raison que je défends,  me soutiennent, m'encouragent et décident de s'engager à leur tour. Mais soyons honnêtes, au stade de cette longue descente en apnée vers un paradis qui s'éloigne au fur et à mesure que l'on cherche à l'atteindre, je suis reste convaincu que le Merveilleux se cache derrière une immense muraille humaine qui ignore et refuse d'entrevoir le Monde avec les yeux d'une dissidence, elle-même peu encline à se mobiliser. Et c'est cela que je prétends vouloir affronter et même changer.

Alors pourquoi ne suis-je pas parti arpenter les volcans d'Amérique du Sud comme je l'ai toujours rêvé ? Pourquoi n'ai-je pas jeté mes quelques deniers disponibles dans un voyage en voilier pour traverser un Océan et atteindre les rives d'un continent où tous les possibles me semblent nettement plus atteignables ? Pourquoi ne pas avoir réalisé la rêverie que je me plais de moins en moins souvent à imaginer, où je me vois marcheur solitaire au travers d'une nature brute, époustouflante, et où la planète pourrait me chuchoter ses secrets les plus anciens ?

Ne serait-il pas mieux que d'enchanter sa vie ainsi, plutôt qu'à perdre toutes mes jeunes années dans un combat que pratiquement tout le monde considère comme perdu d'avance ?

La vérité est que ce je fais, aussi illusoire et suicidaire que cela puisse sembler pour l'essentiel d'une population que pourtant je défends, donne le seul sens qui vaille à ma vie. Moi, le solitaire, le sans doute parfois égoïste, j'ai l'impression de me dépasser pour quelque chose de plus grand que moi. J'ai l'impression d'offrir ma force vitale à tout un peuple, et peut être au-delà encore, à supposer que des anges veuillent bien m'écouter et souffler à l'oreille de milliers de gens, d'entendre et s'imprégner un peu de cette paraît-il "douce folie".

Dans les poutrelles de ma conscience, il y a cette force titanesque qui me pousse chaque seconde vers l'abandon tout en me hurlant de me soulager en pleurant, pleurant, et en pleurant encore jusqu'à ce que du sang remplace les larmes d'avoir reconnu être trop insignifiant pour changer le Monde et lui éviter une apocalypse. Mais si cette pesante poutrelle m'écrase sans jamais me faire suffoquer, c'est qu'une autre la retient dans un fragile équilibre : la conscience de ma mort.

Je vais mourir pareil à tous ces Milliards d'êtres humains qui nous ont précédé dans l'histoire. On retrouve des traces de leur vie, de leurs réalisations à travers les millénaires, et leurs fantômes me parlent. Ils me rassurent en me rappelant continuellement que je suis mortel et qu'à ce titre, il est totalement vain de chercher une protection dans l'inaction, dans les artifices d'une vie bien tranquille et sans heurts et même dans un voyage initiatique tant fantasmé durant mes nuits sans sommeil.

Oui, je vais crever, moi, puissante âme nourrie des livres et de l'imaginaire et sans doute d'une certaine ancienneté à travers les âges. Ma chair va disparaître et j'irai rejoindre ces Milliards d'inconnus avant moi, qui sont nés, puis pfffuit, d'un souffle dans le temps étaient déjà vieilles et vieillards que l'on jetait dans le tombeau. Alors, quand certains me flattent parfois de quelques qualités intellectuelles dont je pourrais disposer, je me sens perdu. A quoi cela peut-il bien servir ici-bas si cela ne change pas le monde ? Nul livre, nulle conférence, nul débat aussi grisant soit-il, n'a jamais changé le Monde. Le labeur lui transforme le Monde. Le cultivateur qui retourne patiemment sa terre pour semer son blé, crée quelque chose. De sa force physique et de ses connaissances, il nourrit une population. L'ouvrière qui façonne et assemble des morceaux de tissus change le Monde. Elle permet à ses semblables de se protéger du froid. L'intellectuel, certes éveille ses contemporains sur la complexité du Monde, mais à part cela, que fait-il vraiment ?

Il écrit, il parle et il meurt. On peut mourir sous les bombes avec l'esprit éveillé, mais il n'en reste pas moins qu'à force de vouloir éviter les regards complaisants d'une foule qui aboie sur qui vole un drapeau, où qui fait dérailler un train au péril de sa vie,  on ne fait que retarder une échéance inéluctable. Et pire encore, on ne se laisse aucune chance d'une fin de vie dans un Monde que l'on aurait contribué à rendre plus beau.

Nous sommes des étincelles dans l'abîme du temps. Nous sommes déjà morts et fossilisés pour ceux qui naîtront dans 1000 ans. Nous n'avons aucune raison valable de ne rien faire, de chercher la quiétude d'une vie simple et éloignée de tous remous. Il est tellement plus beau de se sentir vivre si fort en faisant quelque chose qui peut changer le Monde.

Alors non, je ne suis pas du tout heureux de ma vie en un certain sens. Il manque certaines choses pour qu'au moins ma route entravée de tant de murs à escalader, puisse être embellie d'une romance à même d'animer un grand feu de joie dans le cœur, et me permettre d'avoir l'impression de faire tout cela pour au moins une personne qui compterait plus que toute autre. Mais je n'ai pas le temps de chercher compagne pour rendre la route plus belle. Il y a un Monde à changer, je n'ai pas le temps...








5 commentaires:

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  2. Et pourtant l'univers entier a été fait par un être,
    qui considéra que notre existence possible,
    aussi minime et fugace soit-elle,
    est une cause suffisamment importante,
    afin que nous puissions partager son existence;
    que l’expérience de la vie, puisse
    produire en nous cette étincelle d’éternité,
    a la vue des merveilles qu'il a crée,
    et comprendre l'amour infini qui a été la fondation de sa motivation.
    Et on est en vie, juste pour aimer et pour rien d'autre,
    pour partager la passion de l’Éternel pour la vie...

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    1. 1 pour cent de chance qu'un dieu existe, 99 pour qu'une autre forme de vie existe sur une autre planete dans l'univers...la bible, la torah, le coran, et pourquoi pas le culte paien aussi tant qu'on y est...

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  3. quelle vie de chien ... félicitation citoyen Baron !! c'est bien la conscience de notre propre finitude qui donne sens a notre vie ... nous étions mort notre vie n’étant qu'un moment d’égarement nous y retournerons ...

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  4. Moi, quand je parle de toi, je dis que t'es un putain de héro, comme Jérémie Zimmermann, comme y'en a bien trop peu. Même si je suis pas toujours d'accord avec tout ce que tu dis, chacun de tes textes me rassure parce qu'il me donne l'occasion de me dire que tant qu'il y aura des putains de héros comme vous, tout ne sera pas foutu. C'est pas rien.

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