Le mouvement des Gilets Jaunes a eu le mérite de mettre en lumière, particulièrement vis-à-vis des premiers concernés qui cultivaient jusque là un entre-soi réconfortant, la fracture qui existe entre les Français et nos grands médias publics et privés. Ce schisme n'est pas une nouveauté et les journalistes eux-mêmes, s'appuient très souvent (avec raison) sur les enquêtes du Cevipof, pour en relater l'amer constat. Ainsi, si seulement 12 % des Français disent faire confiance aux partis politiques, c'est à peine mieux pour la presse, puisque 25 % de nos compatriotes s'estiment satisfaits du traitement de l'information en France. Plus surprenant (et les Gilets Jaunes devraient en tenir compte), la Police Nationale obtient 70 % de capital confiance, l'Armée 77 % et les Hôpitaux plafonnent à 81 %.
Cependant, les journalistes autant que les Gilets Jaunes (du moins leurs représentants médiatisés), expliquent le phénomène, non pas en considérant le temps long d'une exaspération nationale n'ayant pas attendu les premiers actes du soulèvement pour que ce désamour apparaisse dans toute son intensité, mais en laissant à entendre que la "haine" des Gilets Jaunes contre les grands médias, serait liée au traitement éditorial de l'insurrection. Les uns accusent les grands médias d'occulter les violences policières, de présenter les Gilets Jaunes comme des populistes sans revendications claires ou encore de minorer les chiffres de la mobilisation, les autres se bornent à répéter les accusations des premier pour y donner un droit de réponse, souvent pertinent du reste.
Mais le problème de fond, c'est à dire celui dont ne souhaitent pas vraiment parler les journalistes et qui n'est pas plus évoqué par des porte-paroles des Gilets Jaunes qui le plus souvent communiquent sur la dynamique du Mouvement que sur une analyse réellement soutenue de la question médiatique : c'est bien le régime de censure, de propagande et de maccarthysme qui règne depuis plus de deux décennies en France.
Or, pour évoquer ces problèmes, il faut utiliser des exemples pertinents, objectifs et ne souffrant d'aucune contestation possible. Par exemple, pour évoquer la censure, il suffit simplement d'évoquer le désintérêt des grands médias pour de "petites" formations politiques (nous citerons ici l'UPR ; le PARDEM ; le PRCF et S&P) qui ont le mauvais goût de dénoncer tambour battant notre appartenance à l'U.E et l'euro, l'OTAN, l'ordo-libéralisme doctrinaire de nos politicards et hauts-fonctionnaires, les guerres illégales menées par la France, etc, etc...
A l'inverse, le grand parti ultra libéral et européïste français (LRPSMODEMUDI devenu LRM aujourd'hui), jouit d'une médiatisation tonitruante depuis des décennies. Un soutien clair, ostensible et prosélyte de la part d'une pelletée de journalistes qui mélangent militantisme politique et... journalisme.
Lorsque l'on pose la question aux journalistes sur cette "pensée unique" dans les grands médias, la plupart s'inscrit en faux. Aucun ne pense avoir été recruté précisément parce que ses opinions politiques rassuraient leur direction ; tous pensent faire du bon travail ; rares sont ceux qui évoquent des pressions (en tout cas dans les médias privés) ; très peu concèdent qu'un mépris de classe et une sociologie "bobo-parisienne" est le premier ressort de la médiocrité de la presse française. Lorsqu'on évoque avec eux le fait que la durée d'une campagne électorale selon les critères définis par le Code Électoral, est d'une vingtaine de jours, et qu'il n'est pas possible pour de "petits candidats" de rattraper des heures de temps d'antenne accordées sur plusieurs années durant, à de "grands candidats", une moue gênée en découle. Mais qu'on se rassure, les journalistes respectent la loi. Et justement, et c'est bien cela le problème ! Ils ne respectent pas la logique, le sens de l'éthique ou encore le concept d'équité (n'ayant rien à voir avec celui développé par Jean-Jacques Urvoas), ils respectent une loi sur le temps d'antenne extrêmement profitable à l'oligarchie, extrêmement nuisible à la diversité d'opinions et pour le moins, à des élections que l'on voudra libres et non faussées.
Les journalistes concèdent à la rigueur (mais pas plus) que le temps de l'actualité nuit réellement à la qualité de leur travail. Pas de délai suffisant pour investiguer et apporter des éclairages, approfondissements et nuances, car une actualité en chasse une autre et il n'est pas question de creuser les sujets. Pourtant, dans la presse écrite (et grassement subventionnée), le temps de l'approfondissement est permis. Ainsi, l'Obs, l'Express, le Monde et Libération ont accordé entre 2015 et 2017 plus de 8000 articles dont le sujet principal était Emmanuel Macron. C'est dire si le sujet a été approfondi ! Aucun autre candidat à la présidentielle, et encore moins les "petits", n'a jouit d'un tel matraquage médiatique. Libération n'a d'ailleurs pas pu s'empêcher à la veille du scrutin du second tour, de concocter une Une qui ne souffrait pas d'ambiguïté : " Faites ce que vous voulez, mais votez Macron". Je rappelle que ce journal, second le plus subventionné de France après "Aujourd'hui en France" a perçu près de 6,4 Millions d'euros d'aides payées par les impôts des Français en 2016, y compris ceux qui ne tenaient pas du tout à voter pour Emmanuel Macron.
Alors puisque je sais qu'un certain nombre de journalistes consultent ma propre page facebook régulièrement, qu'ils cherchent d'ailleurs à y dénicher la petite phrase sulfureuse permettant d'occulter des centaines de publications autrement plus "consensuelles" pour ensuite me godwiniser et me prêter des opinions ou relations que je n'ai pas, je vais supposer que ce même billet aura une chance d'être lu par quelques-uns d'entre eux. Et je ne répéterai par une seconde fois mes récriminations, ni la proposition finale qui en découlera :
Si bien entendu, la majorité des journalistes essaye et pense faire du bon boulot, cela ne dit rien de la ligne éditoriale des mass médias pour lesquels vous travaillez, ni des thématiques que vous censurez ou traitez avec un biais idéologique manifeste. Le désamour entre les Français et les Médias cessera lorsque pour commencer, vos salles de rédaction seront peuplées de journalistes radicalement opposés dans leurs opinions, non pas sur le clivage "gauche-droite" mais bien sur les questions plus sérieuses que sont l'U.E, l'euro, la paix et la guerre, l'économie ou encore la question migratoire. En fait, à tous sujets, il n'est plus supportable de lire ou entendre des journalistes répéter en perroquet une même information, pour la commenter, souvent avec le même point de vue "bobo". Par ailleurs, une question d'intérêt général ne se débat pas en fonction d'un clivage abscons et quasi inexistant chez les Français, mais bien à partir d'une réflexion critique sur le sujet en lui-même.
En second lieu, et cela est aussi un message adressé à certains Gilets Jaunes : il est inutile de nous renvoyer à notre comportement de consommateur de l'information en soulignant la diversité d'offres existante à ce sujet. Quand des Millions de Français (qu'un certain Charles de Gaulle appelaient aussi "veaux") regardent quotidiennement les mêmes grands médias audiovisuels, et seront amenés à voter en fonction des commentaires d'une presse aux ordres, il n'est pas question d'ignorer cette immense majorité asservie à ses écrans de télévision. C'est à cette portion énorme du peuple que les Gilets Jaunes souhaitent s'adresser, et pour cela, c'est bien par l'entremise des grands médias publics et privés qu'il faut nécessairement passer. Or si ces mêmes grands médias nous vendent Macron comme un jeune premier "élu démocratiquement" ; une Union européenne indépassable qu'il ne faudrait surtout pas remettre en cause (voire oser vouloir la démanteler) ; des "guerres justes" contre de vilains dictateurs en Libye ou en Syrie qu'il faudrait soutenir ; etc, etc... c'est que le problème de fond n'est toujours pas réglé. Il devient urgent et vital pour le peuple français d'accéder à de l'information géopolitique et économique qui soit SÉRIEUSE ! Nous sommes peut-être des veaux, mais certainement pas des abrutis. Informez donc le peuple sans recourir aux points de vue de Jacques Attali ou Alain Mink, et ayez la gentillesse de mettre à la porte les Apathie, Demorand, Cohen, Barbier, Elkrief, etc... qui créent des crises d'urticaire à tous les Français qui les entendent débiter leur haine (bien réelle) du peuple.
Par ailleurs, s'il est nécessaire que la diversité d'opinions se traduise dans le SÉRIEUX des sujets traités, cela va aussi de pair avec le respect qui est dû aux personnalités politiques ayant jusque là subit une censure honteuse et des calomnies perpétuelles pour les discréditer. Il ne s'agit pas seulement d'accorder du temps d'antenne à des "petits" partis politiques et leurs porte-paroles pour offrir un autre son de cloche intellectuel aux Français, mais aussi de vous intéresser à des personnalités qui émergent sur Internet comme Etienne Chouard, Michel Drac, Franck Lepage, etc... Quand on prétend pompeusement représenter "l'opinion publique", il est assez étrange d'ignorer qu'une bonne part de l'opinion publique, s'intéresse à des notoriétés que l'on entend jamais ou presque dans les grands médias français.
Il va de soi que les quelques actionnaires qui se partagent la quasi totalité de la presse en France, doivent être évincés. Bien sur, aucun d'entre eux ne fait pression sur vous directement. Mais indirectement, si. Par votre recrutement, par le choix de votre direction éditoriale, par le biais de votre auto-censure. Je vous propose d'ailleurs un excellent sujet qui aura le mérite de mettre en exergue ce dernier point : Si vous travaillez dans un grand média privé (par exemple BFM), pourquoi ne pas évoquer l'intérêt d'évincer les grands actionnaires du capital des grands médias ? Qui défend cette position ? Est-ce envisageable ? Que pensez du statut de coopératives pour les grands médias privés ? Faut-il imaginer une presse totalement publique ? Pourquoi de grandes fortunes prennent le contrôle des grands médias ? Par mercantilisme ? Par désir d'offrir une information de qualité et pluraliste aux Français ???
S'il vous semble compliqué d'aborder un tel sujet à BFM comme ailleurs, ce n'est pas parce que M. Drahi vous pressurise, mais bien parce que vous savez d'emblée ce sujet comme trop sensible. Voici un exemple simple d'auto-censure.
Enfin, reste la question des médias publics, et mon opinion est assez tranchée sur ces derniers. Ce sont les pires (oui, même BFM fait du bon boulot à côté de France Télévisions ou France Inter), et le problème ne sera réglé qu'en remplaçant une partie du personnel journalistique. En outre, il faudra réformer totalement la loi sur la Liberté de la presse du 29 Juillet 1881, certaines lois du Code Électoral, porter reconnaissance du IVème pouvoir et à la Charte de Munich dans la Constitution, réformer totalement le CSA ou l'abolir. Dans le premier cas, il s'agirait de le rendre indépendant du pouvoir exécutif, le transformer en Cour pouvant prononcer des peines en cas de violation du code de déontologie et d'éthique des journalistes, et s'assurer que des citoyens tirés au sort, des journalistes et magistrats puissent en assurer la composition et les arbitrages. Enfin, il ne serait pas inutile de revoir totalement les modalités d'attribution de la carte de presse à l'ère des blogs spécialisés et du journalisme non rémunéré.
Dans tous les cas, il est urgent que de véritables assises de la presse, réunissent citoyens et journalistes afin de débattre des solutions pouvant améliorer significativement la ligne éditoriale, la qualité des programmes et du traitement de l'information, ainsi que l’interaction entre les journalistes et les usagers de l'information. Beaucoup de Gilets Jaunes partout en France m'en parlent et appellent ces assises de leurs vœux.
Bien sûr, Emmanuel Macron mise sur le pourrissement du mouvement du fait que les Gilets Jaunes n'agissent pas de façon disciplinée et stratégique pour renverser le Gouvernement. Et peut-être que cette volonté de mettre à l'épreuve notre motivation permettra à Macron de s'en sortir provisoirement, jusqu'à un prochain soulèvement du peuple. Mais si rien ne change sur le plan médiatique très rapidement et cela de façon durable, n'en doutez pas, la prochaine phase insurrectionnelle risque d'être encore plus violente, pour ne pas dire sanglante, et les journalistes seront considérés avec le même ressentiment que les politicards qu'ils promeuvent constamment.
Ne prenez plus de haut le peuple, doutez de vos opinions politiques car généralement, vous ne maîtrisez pas vos sujets et ne comprenez rien au droit, à la monnaie ou à l'économie. Je mets d'ailleurs au défi chacun d'entre vous de soutenir un échange sur ces questions relevant de la marche de l'Etat avec moi. Éclairez nous sur la réalité de l'offre politique et intellectuelle existante en France, plutôt que faire propagande pour les mêmes gredins. Oubliez les joies du "story telling" et des slogans anxiogènes. Les Français n'ont plus peur de vos incantations ! Pour votre part, il serait temps que vous vous inquiétez de la rage de notre peuple à votre endroit. Je suis de mon côté un type excessivement pacifique, et je sais être clairement minoritaire sur ce point de vue chez les Gilets Jaunes.
Préférez-vous vous entretenir avec des gens "courtois" et constructifs dans leurs échanges, ou avec des citoyens totalement enragés qui auront besoin d'exulter leur colère sur le premier journaliste venu ?
Acceptez mon offre, car avec 25 % d'opinions qui vous sont favorables, les solutions que vous méditerez dans votre entre-soi coorporatif réconfortant, ne vous seront d'aucun secours pour la suite...
Bien cordialement,
Sylvain Baron
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