En 1956, lors d'un meeting de l'American Petroleum Institute à San Antonio, un certain Marion King Hubbert, géologue de son état, fit la prédiction que la production de pétrole des États-Unis d'Amérique atteindrait son pic vers 1970 avant de décliner. Raillé par ses confrères et toute une industrie pétrolière, il n'en demeura pas moins que l'histoire lui donna raison. C'est peut être pour cette raison que suite au constat cinglant que la finitude des ressources se confrontait à l'idéologie productiviste, qu'en 1972, Denis Meadows publiera un rapport anticipant le fait qu'il serait impossible à terme de maintenir un modèle économique basé sur la foi en une croissance éternelle.
C'est pourtant durant les
années 70 que le libre échange devint la doctrine en vogue, avec
son cortège de dérégulations monétaires, financières et
commerciales et une explosion de la consommation d'or noir dans le
monde. Les Cassandre n'ont qu'à bien se tenir, il n'est pas de bon
ton d'organiser l'économie au profit de la Souveraineté alimentaire
et énergétique des peuples. Il vaut mieux gaspiller les ressources
et les vies humaines, au seul profit d'une microscopique classe
d'ultra-riches. Et pourtant, l'Agence Internationale à l’Énergie
tentera un
timide rappel à l'ordre en 2010, en affirmant que le Peak Oil
avait été franchi en 2006.
Ce qui signifie que nous
sommes aujourd'hui sur un plateau de production, et que nos
irresponsables politiques auront beau faire la politique de
l'autruche, le retour de bâton aura raison de leur idéologie in
fine.
Le Monde s'est essayé à
de nombreux modèles économiques. Le Colbertisme a longtemps régné
en France quand le Royaume-Uni, l'Allemagne et les U.S.A
s'enchantaient du libéralisme avant une brève période Keynésienne
introduite par le plan Marshall. Le monétarisme sera ensuite la
doctrine pour tout le monde occidental. La Russie et les pays
d'Amérique du Sud qui la suivront, goûteront aux joies et défaites
du communisme, et au final, un seul modèle économique ne sera
jamais mis en œuvre : La Décroissance.
Au sens des contraintes
qui s'opposent à nous aujourd'hui, ce dernier modèle est pourtant
moderne du fait de sa pertinence. Beaucoup de penseurs l'ont imaginé
comme Serge
Latouche ou Paul Ariès, mais finalement peu de Français savent exactement
quelle forme cela pourrait prendre du fait que la Décroissance est
au moins autant ostracisée et diabolisée médiatiquement et
politiquement que les questions de Souveraineté Nationale.
Alors démystifions un
peu les choses et offrons quelques éléments de compréhension. Pour
commencer, la Décroissance est nécessairement une économie de
planification. Elle impose très clairement qu'un pays dispose de
tous ses outils fiscaux, monétaires, commerciaux et démocratiques
pour la mettre en musique. Voila pourquoi j'en suis venu à
m'intéresser aux questions de Souveraineté et finir par dénoncer
notre rattachement à l'Union Européenne. Cette institution nous
fait perdre un temps précieux s'agissant d'enjeux qui dépassent
très clairement ce que des Asselineau, des Dupont Aignan, des
Nikonoff et plus encore des Marine Le Pen peuvent expliquer. Il ne
s'agit pas seulement de notre « Liberté à disposer de nous
même » à restaurer, il s'agit de réformer en profondeur et
de toute urgence notre système économique et industriel pour
garantir aux Français qu'ils auront toujours des nouilles dans leur
assiette, pétrole cher ou pas.
Acte 1 de la réforme
donc, sortir au plus vite de l'Union Européenne.
Mais ensuite, que fait-on ?
L'acte 2 consistera à
nationaliser de toute urgence les entreprises réellement
stratégiques, à commencer par TOTAL, Air Liquide, E.D.F, Areva et
Renault Véhicule Industriel.
Concomitamment, il y'aura
une réorganisation de la fiscalité (que nous verrons plus loin) et
des investissements massifs dans les technologies de l'après-pétrole.
Tout d'abord, nous citerons l'expérience
Bio-Fuel System qui mérite d'être généralisée à toutes les
industries rejetant d'importantes quantités de dioxyde de carbone.
Sans trop m'attarder sur des explications techniques que vous pourrez
trouver en cliquant sur le lien ci-avant, ce procédé technologique
permet de synthétiser du bio-carburant par le recyclage du CO² par
des micro-algues. L'usine pilote d'Alicante permet de produire ainsi
220.000 barils par an en recyclant 450.000 tonnes de CO². La France
dispose de 1160 installations industrielles rejetant du CO². Si l'on
tient compte des rejets des 34 plus gros émetteurs nationaux, nous
avons donc un total 78 Millions de tonnes de gaz carbonique que nous
pourrions théoriquement transformer en près de 38 Millions de
barils de pétrole. Évidemment, tout n'est pas rose, et différentes
contraintes techniques s'opposeront à ce qu'un tel objectif soit
atteint. Néanmoins, définir un objectif est la base de toute
révolution industrielle. Cela fait travailler des ingénieurs, des
ouvriers et des techniciens dans le seul but de tendre au plus près,
voir de dépasser cet objectif.
Mais avec 657 Millions de
barils consommés par la France chaque année, nous sommes encore
très loin de pouvoir satisfaire à nos besoins vitaux, même en les
rationalisant drastiquement. Ainsi, d'autres technologies que je vais
citer pelle-mêle devront elles aussi obtenir des investissements
massifs de l’État : La production, le stockage et les
motorisations à hydrogène, avec notamment la
piste de l'acide formique pour faciliter son conditionnement, les
voitures à air comprimé, le recyclage des huiles alimentaires
usagées en pétrole de synthèse, la production de bio-carburants
avec des algues et des graines oléagineuses, la méthanisation et
les véhicules GPL, et un peu les véhicules électriques sachant que
leurs batteries sont constituées de terres rares (qui portent bien
leur nom). D'ailleurs, contrairement à ce qui est actuellement
souhaité par les constructeurs, une obligation de dimensionner les
batteries aux mêmes normes se devra d'être instituée.
Toutes ces solutions ne
représentent que 10 % de notre consommation de pétrole. Il faut le
garder en tête, car la technologie contrairement aux sophismes
entendus partout, NE PEUT PAS TOUT !
D'autres investissements
importants seront en lien avec l'utilisation de la fiscalité. Ainsi,
pendant que nous commencerons à construire des paquebots de
transport rapide (et non de croisière) et des petits navires de
transport de personnes et de marchandises à voile, nous étendrons
et améliorerons les réseaux ferrés et transports urbains. Nous
augmenterons la fiscalité sur les produits pétroliers, le transport
aérien (particulièrement intracontinental), ainsi que sur les
véhicules particuliers développant une puissance supérieure à 6
chevaux. Une taxe kilométrique sur le transport de marchandises en
plus des restrictions douanières permettra de limiter les
importations à ce que nous ne pouvons pas produire en quantité et
en qualité suffisante pour satisfaire les besoins de la population.
Le rail deviendra la
solution de transport de personnes et de marchandises la moins
onéreuse pour les distances comprises entre 200 et 3000 Km à
l'intérieur de l'Europe. Ce qui signifie en outre, que la sortie de
l'Union Européenne ne signifie en rien la fin des échanges et des projets
intra-européens. Bien au contraire, jamais les Etats n'auront eu
autant de possibilités d'agir rapidement sur leur propre économie,
et à une échelle plus globale par des accords bilatéraux sur des
projets technologiques et infrastructurels. Autant que possible, nous
tendrons vers la gratuité des transports urbains pour décourager
l'utilisation abusive de la voiture.
La régulation drastique
des échanges commerciaux aux réelles nécessités alimentaires,
d'hygiène et de confort peut permettre des économies supérieures à
30 % de nos besoins en pétrole. Car il y'aura en outre des
transferts d'emplois du secteur aéronautique et du transport routier
vers le transport ferroviaire et maritime. Cependant, la limitation
des dépenses énergétiques impose aussi la réduction des vitesses
de transport. L'une des réformes les plus difficiles de la
planification de la Décroissance, sera de limiter par construction
la vitesse des véhicules économes de carburant à 120 Km/h, et 100
Km/h pour les autres véhicules. Cela afin d'inciter la population à
changer de véhicule (grâce à des incitations fiscales et une
reprise de contrôle du secteur bancaire), et réduire ses dépenses
énergétiques mécaniquement. Les camions eux même verront leur
vitesse maximum passer de 85 à 75 Km/h. Ils seront toutefois
prioritaires sur les carburants synthétisés par la France en terme
de fiscalité, car ce que beaucoup de citadins ne parviennent pas à
comprendre, c'est que leur nourriture n'arrive pas par miracle dans
leur assiette.
Pour cette même raison,
il s'agira aussi de collectiviser toutes les terres agricoles (autre
réforme difficile) et les allouer gratuitement à tous les Français
souhaitant devenir éleveurs ou exploitants agricoles, cela dans des
normes agronomiques radicalement changées. On privilégiera des
petites surfaces inférieures à 10 hectares pour chaque exploitant
plutôt que des milliers d'hectares pour des industriels de la
monoculture. La fiscalité sur le foncier agricole disparaîtra. A
partir des fondamentaux géographiques et climatiques, cette
agriculture devra proposer une diversité de production très
importante tout autour des grandes agglomérations et permettre les
circuits les plus courts que possibles. L'exode urbain à initier est
extrêmement puissant, il s'agit de 10 Millions de Français à
inciter à s'installer dans les campagnes. Et le chiffre pourra
s'amplifier en considérant toutes les activités de commerce et de
services publics à relocaliser dans les zones rurales pour les mêmes
raisons.
Autre réforme
particulièrement douloureuse de la Décroissance : démanteler
les hypermarchés. Ces derniers sont sources de gaspillage
énergétique, alimentaire et humain du fait de leur modèle
économique. En jouant sur le quantitatif pour faire baisser les prix
et en s'appuyant sur un maillage logistique particulièrement dense
et internationalisé, l'hypermarchandisation de nos biens de
consommation courants et plus encore de notre nourriture, accélère
notre confrontation avec le mur de la pénurie de toutes les
ressources. Le démantèlement suivra un ordre assez simple : La
première année, nous interdirons aux hypermarchés de vendre du
poisson frais et des produits de la mer. Nous leur proposerons en
revanche d'ouvrir des poissonneries dans les quartiers et les
villages. Les salariés du secteur, touchés de façon directe ou
indirecte par la réforme auront le droit à des formations et des
aides à la création d'entreprise ou seront aiguillés vers d'autres
offres d'emplois. Il n'y aura rien à craindre, en situation de
révolution industrielle, il y'aura un boom de l'emploi et nous
aurons surtout à gérer une pénurie de main d’œuvre. L'année
suivante, ce seront les fruits et légumes. Puis la viande, les œufs,
le fromage, le pain, etc...
Ce sera un démantèlement
progressif et concerté, et afin de rassurer les plus consuméristes
d'entre vous, les petits supermarchés de ville ou de campagne ne
seront pas forcément sanctionnés par la réforme. Tout sera
question d'optimisation de l'emploi et des normes d'achat et de
distribution.
A ce stade, la France
commencera donc à se réorganiser. Nous pourrons voter des lois pour
imposer la fin de l’obsolescence programmée et veiller à former
des artisans réparateurs de nos biens électro-ménager, dont les services deviendront moins cher que le changement d'un appareil. La fiscalité
jouera à plein encore une fois, en veillant à ce qu'un appareil
soit suffisamment onéreux (mais durable) pour que le
subventionnement de la formation et l'emploi des réparateurs puisse
compenser les coûts sur le long terme et jouer sur la durée de vie
de nos biens de confort.
Les emballages plastique
auront vocation à disparaître presque complètement au profit du
papier, ou de la consignation d'emballages en verre par exemple.
Pendant que nous construirons des centrales à charbon raccordées à
des systèmes B.F.S, nous pourrons peu à peu mettre à l'arrêt les
réacteurs nucléaires les plus anciens, tout en cherchant à
diversifier notre production d'énergie par un renouvelable géré
plus logiquement (les champs de ventilateurs géants seront offshore
plutôt que terrestres par exemple), et faire des économies sur la
vitesse des trains, l'extinction d'une grande partie de l'éclairage
public et routier entre minuit et cinq heures du matin et l'isolation
de tous les bâtiments publics et privés.
Je ne peux évidemment
pas rentrer dans tous les détails, mais voilà la première grande
étape de la Décroissance durant 5 à 10 ans (nous jouerons contre
la montre), il s'agira d'abord et avant tout d'une révolution
industrielle. Les tenants de la propagande visant à faire croire que les
Décroissants veulent ramener l'humanité à l'âge de pierre en
seront pour leurs frais. Ce n'est pas nous qui désindustrialisons la
France et refusons l'innovation technologique et sociale. Ce sont les
idéologues de la croissance éternelle.
Cependant, la Révolution industrielle ne fait que préparer le terrain. Car pour décroître, il faut ralentir la production en amont, et la consommation en aval. Cela par une canalisation de l'immigration d'une part, et le changement du mode d'attribution des allocations familiales d'une autre part. On subventionnera fortement l'enfant unique, un peu moins le second enfant, et on cessera d'accorder des allocations aux ménages souhaitant un troisième enfant. La loi ne sera évidemment pas rétro-active et n'interdira à personne de faire autant d'enfants que souhaités. En vérité, elle générera dans un premier temps un boom démographique puis un recul en douceur de celle-ci. Tous les cinq ou 10 ans, il faudra cependant faire une relance de la démographie pour maintenir un taux d'actifs au moins équivalent au taux d'inactifs. Dans l'idéal, nous réduirons notre population de moitié sur un siècle. Car il faut bien comprendre qu'en réduisant (surtout dans les pays industrialisés) la démographie, on réduit mécaniquement le poids de la consommation et donc de notre impact sur les ressources énergétiques et biologiques restantes.
Autre nécessité sociale
et sociétale accompagnant ce changement de paradigme :
l'institution d'un salaire de vie. De la naissance jusqu'au
décès, chacun touchera une somme d'argent proportionnelle aux
besoins de son âge et de son statut social. Les personnes en
situation de toucher un salaire ou une rente supérieure au montant
du salaire de vie, verront ce dernier suspendu. Le salaire de vie
annule de fait la nécessité des bourses aux étudiants, le R.S.A,
les allocations chômage et les retraites. Ce qui permettra des
économies de structure très importantes, tout comme nous pourrons
en faire sur la sortie de l'U.E, le démantèlement des Conseils
Régionaux (avec transferts de leurs prérogatives vers les
départements et l'Etat), et d'autres institutions et administrations
connues pour leur inutilité ou leurs redondances.
Le temps de travail sera
alors réduit par la loi progressivement, avec un objectif d'une
semaine à 25 heures maximum. Cela pourra être aménagé pour les
artisans/commerçants seuls maîtres de leur temps, ainsi que sur du
temps plein hebdomadaire pour les salariés, moyennant obligation
d'être à l'arrêt sur plusieurs mois. Ce qui s'harmonisera
d'ailleurs avec des temps de transports nationaux et plus encore
internationaux s'allongeant. Certains impôts pourront aussi
disparaître presque complètement comme l'impôt sur le revenu (sauf
pour les très hauts revenus) et l'impôt sur les sociétés
(notamment s'agissant des TPE-PME). La TVA modulée pour orienter
notre consommation et la fiscalité sur les échanges de marchandises
et l'énergie suffira amplement à abonder les ressources publiques,
en plus du plein emploi généré.
Pour conclure, la
Décroissance n'est pas seulement un modèle économique
« mécaniste ». Au contraire, le tort autant que
l'intelligence de ceux qui la prônent, est de focaliser leur
discours sur sa dimension philosophique. Et elle peut se résumer à
deux questions que je vous laisserais le soin de méditer :
Naissons-nous pour travailler, ou pour expérimenter la vie
réellement ? Est ce que retrouver du temps pour faire autre
chose que travailler, n'est il pas finalement une aspiration sociale
légitime après autant de siècles de productivisme et de cupidité ?
La Décroissance est de
loin le seul modèle qui se propose de répondre à cette question.
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