dimanche 16 juin 2013

La Décroissance pour les nuls !

En 1956, lors d'un meeting de l'American Petroleum Institute à San Antonio, un certain Marion King Hubbert, géologue de son état, fit la prédiction que la production de pétrole des États-Unis d'Amérique atteindrait son pic vers 1970 avant de décliner. Raillé par ses confrères et toute une industrie pétrolière, il n'en demeura pas moins que l'histoire lui donna raison. C'est peut être pour cette raison que suite au constat cinglant que la finitude des ressources se confrontait à l'idéologie productiviste, qu'en 1972, Denis Meadows publiera un rapport anticipant le fait qu'il serait impossible à terme de maintenir un modèle économique basé sur la foi en une croissance éternelle.

C'est pourtant durant les années 70 que le libre échange devint la doctrine en vogue, avec son cortège de dérégulations monétaires, financières et commerciales et une explosion de la consommation d'or noir dans le monde. Les Cassandre n'ont qu'à bien se tenir, il n'est pas de bon ton d'organiser l'économie au profit de la Souveraineté alimentaire et énergétique des peuples. Il vaut mieux gaspiller les ressources et les vies humaines, au seul profit d'une microscopique classe d'ultra-riches. Et pourtant, l'Agence Internationale à l’Énergie tentera un timide rappel à l'ordre en 2010, en affirmant que le Peak Oil avait été franchi en 2006.

Ce qui signifie que nous sommes aujourd'hui sur un plateau de production, et que nos irresponsables politiques auront beau faire la politique de l'autruche, le retour de bâton aura raison de leur idéologie in fine.

Le Monde s'est essayé à de nombreux modèles économiques. Le Colbertisme a longtemps régné en France quand le Royaume-Uni, l'Allemagne et les U.S.A s'enchantaient du libéralisme avant une brève période Keynésienne introduite par le plan Marshall. Le monétarisme sera ensuite la doctrine pour tout le monde occidental. La Russie et les pays d'Amérique du Sud qui la suivront, goûteront aux joies et défaites du communisme, et au final, un seul modèle économique ne sera jamais mis en œuvre : La Décroissance.

Au sens des contraintes qui s'opposent à nous aujourd'hui, ce dernier modèle est pourtant moderne du fait de sa pertinence. Beaucoup de penseurs l'ont imaginé comme Serge Latouche ou Paul Ariès, mais finalement peu de Français savent exactement quelle forme cela pourrait prendre du fait que la Décroissance est au moins autant ostracisée et diabolisée médiatiquement et politiquement que les questions de Souveraineté Nationale.

Alors démystifions un peu les choses et offrons quelques éléments de compréhension. Pour commencer, la Décroissance est nécessairement une économie de planification. Elle impose très clairement qu'un pays dispose de tous ses outils fiscaux, monétaires, commerciaux et démocratiques pour la mettre en musique. Voila pourquoi j'en suis venu à m'intéresser aux questions de Souveraineté et finir par dénoncer notre rattachement à l'Union Européenne. Cette institution nous fait perdre un temps précieux s'agissant d'enjeux qui dépassent très clairement ce que des Asselineau, des Dupont Aignan, des Nikonoff et plus encore des Marine Le Pen peuvent expliquer. Il ne s'agit pas seulement de notre « Liberté à disposer de nous même » à restaurer, il s'agit de réformer en profondeur et de toute urgence notre système économique et industriel pour garantir aux Français qu'ils auront toujours des nouilles dans leur assiette, pétrole cher ou pas.

Acte 1 de la réforme donc, sortir au plus vite de l'Union Européenne. 

Mais ensuite, que fait-on ?

L'acte 2 consistera à nationaliser de toute urgence les entreprises réellement stratégiques, à commencer par TOTAL, Air Liquide, E.D.F, Areva et Renault Véhicule Industriel.

Concomitamment, il y'aura une réorganisation de la fiscalité (que nous verrons plus loin) et des investissements massifs dans les technologies de l'après-pétrole. Tout d'abord, nous citerons l'expérience Bio-Fuel System qui mérite d'être généralisée à toutes les industries rejetant d'importantes quantités de dioxyde de carbone. Sans trop m'attarder sur des explications techniques que vous pourrez trouver en cliquant sur le lien ci-avant, ce procédé technologique permet de synthétiser du bio-carburant par le recyclage du CO² par des micro-algues. L'usine pilote d'Alicante permet de produire ainsi 220.000 barils par an en recyclant 450.000 tonnes de CO². La France dispose de 1160 installations industrielles rejetant du CO². Si l'on tient compte des rejets des 34 plus gros émetteurs nationaux, nous avons donc un total 78 Millions de tonnes de gaz carbonique que nous pourrions théoriquement transformer en près de 38 Millions de barils de pétrole. Évidemment, tout n'est pas rose, et différentes contraintes techniques s'opposeront à ce qu'un tel objectif soit atteint. Néanmoins, définir un objectif est la base de toute révolution industrielle. Cela fait travailler des ingénieurs, des ouvriers et des techniciens dans le seul but de tendre au plus près, voir de dépasser cet objectif.

Mais avec 657 Millions de barils consommés par la France chaque année, nous sommes encore très loin de pouvoir satisfaire à nos besoins vitaux, même en les rationalisant drastiquement. Ainsi, d'autres technologies que je vais citer pelle-mêle devront elles aussi obtenir des investissements massifs de l’État : La production, le stockage et les motorisations à hydrogène, avec notamment la piste de l'acide formique pour faciliter son conditionnement, les voitures à air comprimé, le recyclage des huiles alimentaires usagées en pétrole de synthèse, la production de bio-carburants avec des algues et des graines oléagineuses, la méthanisation et les véhicules GPL, et un peu les véhicules électriques sachant que leurs batteries sont constituées de terres rares (qui portent bien leur nom). D'ailleurs, contrairement à ce qui est actuellement souhaité par les constructeurs, une obligation de dimensionner les batteries aux mêmes normes se devra d'être instituée.

Toutes ces solutions ne représentent que 10 % de notre consommation de pétrole. Il faut le garder en tête, car la technologie contrairement aux sophismes entendus partout, NE PEUT PAS TOUT !

D'autres investissements importants seront en lien avec l'utilisation de la fiscalité. Ainsi, pendant que nous commencerons à construire des paquebots de transport rapide (et non de croisière) et des petits navires de transport de personnes et de marchandises à voile, nous étendrons et améliorerons les réseaux ferrés et transports urbains. Nous augmenterons la fiscalité sur les produits pétroliers, le transport aérien (particulièrement intracontinental), ainsi que sur les véhicules particuliers développant une puissance supérieure à 6 chevaux. Une taxe kilométrique sur le transport de marchandises en plus des restrictions douanières permettra de limiter les importations à ce que nous ne pouvons pas produire en quantité et en qualité suffisante pour satisfaire les besoins de la population.

Le rail deviendra la solution de transport de personnes et de marchandises la moins onéreuse pour les distances comprises entre 200 et 3000 Km à l'intérieur de l'Europe. Ce qui signifie en outre, que la sortie de l'Union Européenne ne signifie en rien la fin des échanges et des projets intra-européens. Bien au contraire, jamais les Etats n'auront eu autant de possibilités d'agir rapidement sur leur propre économie, et à une échelle plus globale par des accords bilatéraux sur des projets technologiques et infrastructurels. Autant que possible, nous tendrons vers la gratuité des transports urbains pour décourager l'utilisation abusive de la voiture.

La régulation drastique des échanges commerciaux aux réelles nécessités alimentaires, d'hygiène et de confort peut permettre des économies supérieures à 30 % de nos besoins en pétrole. Car il y'aura en outre des transferts d'emplois du secteur aéronautique et du transport routier vers le transport ferroviaire et maritime. Cependant, la limitation des dépenses énergétiques impose aussi la réduction des vitesses de transport. L'une des réformes les plus difficiles de la planification de la Décroissance, sera de limiter par construction la vitesse des véhicules économes de carburant à 120 Km/h, et 100 Km/h pour les autres véhicules. Cela afin d'inciter la population à changer de véhicule (grâce à des incitations fiscales et une reprise de contrôle du secteur bancaire), et réduire ses dépenses énergétiques mécaniquement. Les camions eux même verront leur vitesse maximum passer de 85 à 75 Km/h. Ils seront toutefois prioritaires sur les carburants synthétisés par la France en terme de fiscalité, car ce que beaucoup de citadins ne parviennent pas à comprendre, c'est que leur nourriture n'arrive pas par miracle dans leur assiette.

Pour cette même raison, il s'agira aussi de collectiviser toutes les terres agricoles (autre réforme difficile) et les allouer gratuitement à tous les Français souhaitant devenir éleveurs ou exploitants agricoles, cela dans des normes agronomiques radicalement changées. On privilégiera des petites surfaces inférieures à 10 hectares pour chaque exploitant plutôt que des milliers d'hectares pour des industriels de la monoculture. La fiscalité sur le foncier agricole disparaîtra. A partir des fondamentaux géographiques et climatiques, cette agriculture devra proposer une diversité de production très importante tout autour des grandes agglomérations et permettre les circuits les plus courts que possibles. L'exode urbain à initier est extrêmement puissant, il s'agit de 10 Millions de Français à inciter à s'installer dans les campagnes. Et le chiffre pourra s'amplifier en considérant toutes les activités de commerce et de services publics à relocaliser dans les zones rurales pour les mêmes raisons.

Autre réforme particulièrement douloureuse de la Décroissance : démanteler les hypermarchés. Ces derniers sont sources de gaspillage énergétique, alimentaire et humain du fait de leur modèle économique. En jouant sur le quantitatif pour faire baisser les prix et en s'appuyant sur un maillage logistique particulièrement dense et internationalisé, l'hypermarchandisation de nos biens de consommation courants et plus encore de notre nourriture, accélère notre confrontation avec le mur de la pénurie de toutes les ressources. Le démantèlement suivra un ordre assez simple : La première année, nous interdirons aux hypermarchés de vendre du poisson frais et des produits de la mer. Nous leur proposerons en revanche d'ouvrir des poissonneries dans les quartiers et les villages. Les salariés du secteur, touchés de façon directe ou indirecte par la réforme auront le droit à des formations et des aides à la création d'entreprise ou seront aiguillés vers d'autres offres d'emplois. Il n'y aura rien à craindre, en situation de révolution industrielle, il y'aura un boom de l'emploi et nous aurons surtout à gérer une pénurie de main d’œuvre. L'année suivante, ce seront les fruits et légumes. Puis la viande, les œufs, le fromage, le pain, etc...

Ce sera un démantèlement progressif et concerté, et afin de rassurer les plus consuméristes d'entre vous, les petits supermarchés de ville ou de campagne ne seront pas forcément sanctionnés par la réforme. Tout sera question d'optimisation de l'emploi et des normes d'achat et de distribution.

A ce stade, la France commencera donc à se réorganiser. Nous pourrons voter des lois pour imposer la fin de l’obsolescence programmée et veiller à former des artisans réparateurs de nos biens électro-ménager, dont les services deviendront moins cher que le changement d'un appareil. La fiscalité jouera à plein encore une fois, en veillant à ce qu'un appareil soit suffisamment onéreux (mais durable) pour que le subventionnement de la formation et l'emploi des réparateurs puisse compenser les coûts sur le long terme et jouer sur la durée de vie de nos biens de confort.

Les emballages plastique auront vocation à disparaître presque complètement au profit du papier, ou de la consignation d'emballages en verre par exemple. Pendant que nous construirons des centrales à charbon raccordées à des systèmes B.F.S, nous pourrons peu à peu mettre à l'arrêt les réacteurs nucléaires les plus anciens, tout en cherchant à diversifier notre production d'énergie par un renouvelable géré plus logiquement (les champs de ventilateurs géants seront offshore plutôt que terrestres par exemple), et faire des économies sur la vitesse des trains, l'extinction d'une grande partie de l'éclairage public et routier entre minuit et cinq heures du matin et l'isolation de tous les bâtiments publics et privés.

Je ne peux évidemment pas rentrer dans tous les détails, mais voilà la première grande étape de la Décroissance durant 5 à 10 ans (nous jouerons contre la montre), il s'agira d'abord et avant tout d'une révolution industrielle. Les tenants de la propagande visant à faire croire que les Décroissants veulent ramener l'humanité à l'âge de pierre en seront pour leurs frais. Ce n'est pas nous qui désindustrialisons la France et refusons l'innovation technologique et sociale. Ce sont les idéologues de la croissance éternelle. 

Cependant, la Révolution industrielle ne fait que préparer le terrain. Car pour décroître, il faut ralentir la production en amont, et la consommation en aval. Cela par une canalisation de l'immigration d'une part, et le changement du mode d'attribution des allocations familiales d'une autre part. On subventionnera fortement l'enfant unique, un peu moins le second enfant, et on cessera d'accorder des allocations aux ménages souhaitant un troisième enfant. La loi ne sera évidemment pas rétro-active et n'interdira à personne de faire autant d'enfants que souhaités. En vérité, elle générera dans un premier temps un boom démographique puis un recul en douceur de celle-ci. Tous les cinq ou 10 ans, il faudra cependant faire une relance de la démographie pour maintenir un taux d'actifs au moins équivalent au taux d'inactifs. Dans l'idéal, nous réduirons notre population de moitié sur un siècle. Car il faut bien comprendre qu'en réduisant (surtout dans les pays industrialisés) la démographie, on réduit mécaniquement le poids de la consommation et donc de notre impact sur les ressources énergétiques et biologiques restantes.

Autre nécessité sociale et sociétale accompagnant ce changement de paradigme : l'institution d'un salaire de vie. De la naissance jusqu'au décès, chacun touchera une somme d'argent proportionnelle aux besoins de son âge et de son statut social. Les personnes en situation de toucher un salaire ou une rente supérieure au montant du salaire de vie, verront ce dernier suspendu. Le salaire de vie annule de fait la nécessité des bourses aux étudiants, le R.S.A, les allocations chômage et les retraites. Ce qui permettra des économies de structure très importantes, tout comme nous pourrons en faire sur la sortie de l'U.E, le démantèlement des Conseils Régionaux (avec transferts de leurs prérogatives vers les départements et l'Etat), et d'autres institutions et administrations connues pour leur inutilité ou leurs redondances.

Le temps de travail sera alors réduit par la loi progressivement, avec un objectif d'une semaine à 25 heures maximum. Cela pourra être aménagé pour les artisans/commerçants seuls maîtres de leur temps, ainsi que sur du temps plein hebdomadaire pour les salariés, moyennant obligation d'être à l'arrêt sur plusieurs mois. Ce qui s'harmonisera d'ailleurs avec des temps de transports nationaux et plus encore internationaux s'allongeant. Certains impôts pourront aussi disparaître presque complètement comme l'impôt sur le revenu (sauf pour les très hauts revenus) et l'impôt sur les sociétés (notamment s'agissant des TPE-PME). La TVA modulée pour orienter notre consommation et la fiscalité sur les échanges de marchandises et l'énergie suffira amplement à abonder les ressources publiques, en plus du plein emploi généré.

Pour conclure, la Décroissance n'est pas seulement un modèle économique « mécaniste ». Au contraire, le tort autant que l'intelligence de ceux qui la prônent, est de focaliser leur discours sur sa dimension philosophique. Et elle peut se résumer à deux questions que je vous laisserais le soin de méditer : Naissons-nous pour travailler, ou pour expérimenter la vie réellement ? Est ce que retrouver du temps pour faire autre chose que travailler, n'est il pas finalement une aspiration sociale légitime après autant de siècles de productivisme et de cupidité ?

La Décroissance est de loin le seul modèle qui se propose de répondre à cette question.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Quelque chose à ajouter ?