jeudi 19 février 2015

Lettre à Ella Cerfontaine - Réalisatrice de "Bye-bye l'euro !"

Chère Ella !

Je souhaitais te remercier pour ce formidable boulot journalistique que tu as réalisé pour France 5, avec ce « docu »-fiction intitulé « Bye-bye l'euro ! ».

J'ai donc suivi avec attention ton film, et j'ai été un peu étonné des incohérences que l'on y trouvait. D'abord, tu démarres en prenant le postulat d'une faillite bancaire en Italie faisant éclater la Zone euro. Très mauvais point de départ, cela fait des années que toutes les banques sont en faillite et fabriquent de la fausse monnaie, et ça n'est certainement pas trois cent Milliards d'euros qui vont empêcher le M.E.S de continuer à perfuser nos maîtres. L'éclatement de l'euro viendra plus d'une explosion politique (comme en U.R.S.S) ou d'une incapacité d'un État à payer ses flics, son armée et ses secours en général, du fait que la Troïka préférera lui imposer de payer une dette odieuse avec des « réformes structurelles ».

Une seconde incohérence est celle de la jeune épargnante à qui l'on conseille de faire fuir ses capitaux hors de France, en lui expliquant que la dévaluation impactera sur son épargne. En fait, cela fait trois incohérences en une seule :

  1. Regarde les chiffres de l'INSEE, ceux qui épargnent en France sont plutôt âgés.
  2. La sortie de l'euro entraîne la restauration du contrôle des mouvements de capitaux. Cela sera donc plus difficile de sortir ces derniers, tant pour ce genre de bourgeoises indélicates que pour Daniel Bentzmann (à qui nous souhaitons bon vent aux U.S.A), que pour les évadés fiscaux de tous poils ou ceux qui souhaitent délocaliser des usines
  3. La dévaluation de la monnaie vaut pour les échanges extérieurs. A l'intérieur du pays, la valeur de la monnaie ne bouge pas. Les produits importés seront plus chers, mais les produits fabriqués en France redeviendront abordables (raison pour laquelle la dévaluation est nécessaire pour relocaliser l'emploi en France).
Autre incohérence (décidément, il y'en a pas mal), Olivier Klein, directeur général de la BRED, évoque le fait que les banques privées ne pourront plus financer l'économie si les Français retirent leur épargne. Que nenni ! L'épargne est garantie par la Caisse des Dépôts et ne fait pas partie des fonds propres des banques privées. En outre, sortir de l'euro suppose la reprise de contrôle de la Banque de France. Qu'Olivier se rassure, la BRED sera nationalisée (lui, sera peut-être foutu à la porte) et la Banque de France aura largement de quoi abonder en liquidités les banques défaillantes. Cela dit, je te rassure, j'ai quand même été un peu angoissé.

Christian Parisot, que tu as interrogé et à qui je ne demanderais jamais aucun conseil pour placer mes fonds correctement, évoque la possibilité d'un Bankrun. Sur quoi se fonde-t-il exactement ? Aucune idée. La restauration du FRANC se fera à parité avec l'euro (non, non, nous ne dévaluerons pas immédiatement comme des sauvages), et la France est tout de même la sixième puissance économique mondiale. Nous sommes en situation de stagflation. Les Français sont peux endettés mais épargnent beaucoup. Bref, la sortie de l'euro sera une partie de rigolade pour nous contrairement à d'autres pays (comme l'Allemagne et l'Espagne). Aucune raison de s'inquiéter, sauf lorsqu'on veut faire peur pour des raisons n'ayant rien à voire avec la monnaie, mais tout avec une doctrine idéologique (ou des intérêts financiers à préserver vu que les eurolucides sont plutôt fâchés avec les banksters). Quoi qu'il en soit, tu peux être à nouveau rassurée, j'ai fais semblant d'être très angoissé !

Tu as aussi interrogé Xavier Beulin, défenseur des intérêts de Monsanto et BASF. Ce dernier explique que la concurrence Italienne en matière agricole augmentera du fait de taux de change plus favorable pour les Italiens. Ce dernier élude le fait que nous sommes déjà en train de supporter la concurrence déloyale de certains pays européens en matière agricole, comme par exemple l'Espagne ou l'Allemagne. Xavier Beulin n'étant pas économiste mais juste un bon larbin de l'agro-industrie, n'imagine pas que l'on puisse rétablir des droits de douane aux frontières et imposer des prix minimum d'achat des matières premières agricoles en France. Tu aurais pu lui expliquer, Ella. Pour la forme, je me suis concentré pour trouver un petit frisson d'effroi en moi.

J'ai aussi souri sur la question des taux de change du Franc. En effet, les cours seront forcés pendant un moment, ils ne pourront pas dégringoler aussi vite, c'est l’État qui décidera de sa dévaluation progressive.

Enfin pour ton information, la monnaie fiduciaire (les billets et les pièces) ont des repères nationaux déjà pré-existants (le U pour les billets français, les symboles nationaux pour les pièces). Mais effectivement, nous devrons tamponner les billets pour les convertir en FRANCS, ce que nous faisons déjà pour notre part (voir photo plus bas).

Il n'y aura par ailleurs nul besoin pour les commerçants d'afficher deux prix différents. La consommation intérieure est en FRANCS, seuls les exportateurs s'intéressent aux taux de change. Donc les clients un peu couillons qui veulent faire des achats dans une maroquinerie ou un café, n'auront pas à contester le prix annoncé par le commerçant. La consommation intérieure n'a strictement rien à voire avec les échanges entre les pays. Cependant, comme j'ai bien compris que l'idée était de nous foutre un peu la trouille, je me suis forcé, et si je n'avais pas eu un excellent thriller dans ma vidéothèque, j'aurai eu beaucoup de mal. Mais ça me semblait important de ne pas te décevoir, donc rassure toi :

J'AI TRÈS PEUR !

S'agissant de l'inflation, j'ai été aussi très angoissé quand tu as évoqué le problème. En effet, les prix de certains produits augmenteront, et évidemment, si c'est Hollande qui nous sort de l'euro, ce n'est pas lui qui va ré-indexer les salaires sur l'inflation. Donc de fait, mon pouvoir d'achat dans ces conditions baisserait, et je ne verrais pas mon endettement fondre. J'ai vraiment eu très peur, bravo à toi ! Heureusement, j'ai un bon copain économiste qui m'a expliqué des trucs que tu n'as pas pensé à expliquer.

S'agissant maintenant du choc de compétitivité. J'ai été très surpris que cela marche pour l'Italie, mais pas pour la France. J'ai été encore plus surpris quand le chef d'entreprise que tu as interrogé, semble avoir eu de gros soucis le jour où nous sommes rentrés dans l'euro pour exporter ses produits high-tech se vendant très cher de toute façon. Grande a été mon inquiétude quand il a expliqué que jamais plus la France qui a bâti Ariane, le Concorde ou le TGV, ne serait capable de faire du High Tech. Il faut vite lui faire connaître les milliers d'ingénieurs que la France forme chaque année ! Ce chef d'entreprise donne l'impression que nous vivons dans un pays sous-développé. J'ai eu des doutes, et je te dis pas l'angoisse qui m'a étreint à nouveau.

Ce brave Xavier Beulin de la F.N.S.E.A (Front National des Saltimbanques Européïstes Agrocons) que tu interroges à nouveau vient ensuite se contredire par rapport à sa première intervention. Finalement, les atouts compétitifs, cela ne vaut que pour l'Italie, pas pour la France. Il oublie en outre de signifier que la sortie de l'euro signifie de facto la sortie de l'U.E. Donc la politique agricole commune, ce sera terminé ! Ce sera la politique agricole nationale ! Bye-bye Monsanto ! Et au diable la F.N.S.E.A

(je précise que j'ai quand même été très angoissé).

Nous en arrivons ensuite à « l'isolation de la France » où Christian Parisot évoque la faillite de certains de ses clients (alors que nous sommes encore dans l'euro). Quand je disais plus haut que je ne demanderais jamais ses conseils financiers, j'espère que tu me comprends maintenant. Du reste, oui, c'est une évidence, la France deviendra la Corée du Nord et il est fort probable que cette politique isolationniste, nous poussera à sortir la France de la planète Terre pour nous éloigner le plus loin que possible des autres Nations. On pourrait bien sûr évoquer avec plus de modération ces pays « isolés » comme la Suisse ou l'Islande qui vont très bien et voient des investisseurs étrangers faire des affaires dans leur pays, mais ça manquerait d'adrénaline. Je tiens donc à te faire plaisir : j'ai encore une fois été très très angoissé.

On en arrive d'ailleurs à un grand moment de vérité dans ce passage de ton film. Quand Oli Rhen signifie que « l'euro a été le projet politique le plus important de l'Union Européenne », il ne parle pas de « projet monétaire », mais bien de projet « politique ». Parfois, ce sont nos adversaires les plus acharnés qui disent les plus grandes vérités sur la raison d'être de l'euro. Cette monnaie n'est en rien un instrument financier correspondant à une zone monétaire optimale (un délire d'un économiste Nobelisé, tu devrais chercher). L'euro ne sert qu'à faire exister une dictature appelée « Union Européenne », qui en France fourmille de collabos parmi les politiciens, syndicalistes et journalistes, comme du temps du régime de Vichy. J'ai quand même eu très peur en l'écoutant, bien évidemment.

Après tant d'angoisse, tu m'as tout de même donné un grand éclat de rire, lorsque tu as présenté les effigies des nouveaux billets de banque français. Voila donc toute ta culture journalistique ? Tu aurais pu évoquer des personnalités importantes de l'histoire de France comme Montesquieu, Rousseau, Robespierre ou encore Charles De Gaulle. Mais non, tu leur a préféré Danny Boon, Yannick Noah et Jean-Jacques Goldman. Pour être tout à fait sincère, j'ai quand même eu cette fois une véritable inquiétude : nos journalistes nous prendraient-ils à ce point pour des cons, où ce choix d'effigies correspond à leur propre médiocrité intellectuelle ???

Je reconnais que j'ai préféré arrêté de visionner ton film à ce stade. Je me disais que tu allais encore interroger des gens allant raconter n'importe quoi pour nous effrayer, alors qu'interrompre une telle bouffonnerie sur un grand éclat de rire, c'est tout de même plus intéressant.

Dans l'attente, malgré toutes ces angoisses suscitées ma très chère Ella, je tiens à te signifier que je me fiche de ta propagande, elle n'a même pas le mérite d'être raffinée dans les arguments économiques cités. Elle est partiale, mensongère et je te conseille de relire la Charte de Munich ma bichette.

Je te livre en pièce jointe, un beau torchon que tu pourras utiliser à ta guise. Nous, nous les décrochons des frontons des mairies et des écoles, et nous restaurons le FRANC sans attendre que Nunuche signe le décret nécessaire pour tamponner les billets !

Des bisous !

Sylvain Baron

pour les Décrocheurs





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