mercredi 10 août 2016

Jésus ne reviendra pas pour la Révolution

Il y'a des révolutions qui ne peuvent qu'être d'ordre politique et plus fermement encore, d'ordre démocratique. 

Il en est d'autres qui appellent à une dimension plus spirituelle de nos agissements. Et ces dernières sont initiées par des prophètes, non des insurgés qui ne sont pas censés évangéliser leurs contemporains à leurs croyances particulières, mais uniquement se donner les moyens d'établir un cadre social, écologique et démocratique permettant au mieux l'assagissement des âmes, mais point de renverser la part de cupidité, de corruption et de haine qui existera toujours chez certains d'entre nous.

Aucun cadre social, écologique et démocratique si puissant soit-il, ne peut empêcher un être que la folie a étreint, de se suicider en emportant avec lui des dizaines d'innocents. Ni même d'offrir à chaque individu, le cadre spirituel pour s'introspecter, fouiller dans les moindres aspérités de sa conscience pour panser ses blessures intimes, et nous amener collectivement à un état de sérénité n'ayant plus rien à voir avec l'environnement politique et social de notre pays, mais bien à une évolution spirituelle de la Société. 

Or, nous n'avons pas vocation à bâtir une nouvelle religion, secte ou parti politique (quelle différence ?) mais des cellules à la foi civiles dans leurs moyens d'actions, et militaires dans leur organisation et leur réactivité, afin de faire tomber quelques milliers de traîtres, pourvoir à leur remplacement par un gouvernement de transition, un parlement incarnant fidèlement nos multitudes, une nouvelle constitution institutionnalisant le pouvoir de légiférer pour le peuple, tout cela avant de nous retirer, et pour certains d'entre nous, continuer des combats politiques, associatifs ou spirituels particuliers.

Une révolution d'ordre politique impose d'utiliser des armes ne répondant qu'à peu de croyances tel que le droit national et international, une culture minimum sur l'histoire, la géopolitique et l'économie, ainsi que notre capacité quant à mouvoir nos corps toujours à des fins de communication. Que ce soit pour distribuer un tract, organiser une conférence ou marcher avec des milliers d'autres vers une institution stratégique, l'objectif reste constant : se faire entendre du peuple.

Un processus insurrectionnel étant par essence une action collective mobilisant au moins quelques dizaines de milliers d'individus, son organisation ne peut trouver d'efficience que lorsqu'elle trouve un meneur pour rassembler à sa propre vision une dissidence politique éclatée, ou de façon plus horizontale si la Fraternité du peuple surpasse les divisions partisanes ou religieuses (ce qui est toujours du pareil au même). La problème étant que la Fraternité ne se décrète pas. Elle est nécessairement liée une dimension sociale (voire supra-familiale) de  nos comportements. Elle répond d'une logique culturelle de fond. Il est pays latins où le catholicisme reste fortement ancré comme en Italie, en Espagne ou au Portugal et qui peuvent revendiquer la Fraternité comme étant un socle culturel résistant encore assez bien à l'ordre libéral et nihiliste en vigueur, à défaut de suffire à créer les conditions d'une révolution. Mais en France, si je puis témoigner que la Fraternité existe bel et bien, on ne la retrouve que dans des îlots isolés dans un océan d'égoïsme et d'apathie de 67 Millions d'âmes.

Elle n'est pas ou plus une réalité culturelle nous unifiant, et le moins que l'on puisse dire, c'est que la dissidence est à l'image du peuple : atomisée et répugnant aux actions collectives et à offrir un peu de soi à tout lanceur d'alerte, activiste ou association politique particulière. Dans cette dissidence de plusieurs centaines de milliers d'âmes, des îlots de quelques milliers de sœurs et frères qui offriront spontanément au militant précaire le gite, le couvert, un peu d'argent, de la chaleur humaine ou encore du temps pour faire quelque chose dans sa cité qui soit utile à la cause. La Fraternité n'est donc pas morte, mais distillée chez une poignée d'entre nous parmi des millions d'autres. La Solidarité qui découle de la Fraternité reste extrêmement limitée. Pour autant, nous parlons tout de même à l'échelle d'un pays aussi vaste et politisé que la France de plusieurs dizaines de milliers de gens qui disposent en eux-mêmes de la dimension spirituelle à même de soutenir la révolution à venir.

Ces gens là, Sylvain Nisole et moi-même en avons croisé autant dans nos parcours de vie respectifs que durant notre marche entre Clermont Ferrand et Paris cet été. Sylvain fait lui-même partie de ces gens pour qui la Fraternité n'est pas une vue d'esprit, mais bien une philosophie de vie. C'est un être profondément spirituel, qui par ses propres agissements et la sérénité qui l'habite, invite le camarade du moment à trouver un chemin de quiétude dans son rapport à l'autre. Et pourtant, il n'est pas du genre à prêcher sa propre façon d'appréhender la vie, l'au-delà et son rapport à la nature. Il répond à l'appel de l'ami qui vient et nécessite d'un peu de Solidarité pour mener à bien son projet ou simplement survivre.

Les philosophies et des courants spirituels sont nés à travers les âges que très épisodiquement, et cela sous l'égide de messagers dont on ignore pour l'essentiel d'entre eux, quels personnages historiques plus que "mythiques" étaient-ils réellement durant leur éphémère passage sur Terre. Les religions ont pris des siècles pour se répandre et s'institutionnaliser, cela bien après la disparition de leurs prophètes. Qui serait assez prétentieux pour croire qu'en appeler à un éveil spirituel collectif entraînant bienveillance, sérénité, et l'envie d'agir pour être utile à son prochain ou sa communauté, serait une entreprise qui soit à l'échelle d'une seule vie d'homme ? Disposons nous de ce temps ?

L'état d'être de chacun découle d'un cheminement distinct de tous les autres, là où notre éveil sur la chose politique découle d'un socle commun, et où il est donc possible de nous fédérer sans religiosité inutile, ni culpabilisation sur les modes de vie des uns et des autres à partir de revendications politiques portant sur les grandes questions d'intérêt général que sont la démocratie, la diplomatie et l'économie.

Les prêcheurs d'un grand éveil spirituel ne sont en rien les alliés des révolutionnaires pragmatiques. Ils appellent à amorcer un changement global par l'addition de nos comportements individuels dans l'espoir d'étendre leurs propres croyances et modes de vie à une population toute entière. La raison critique de ces gens est gravement altérée lorsqu'ils prétendent mêler une dimension politique à leur raisonnement idéologique. La chose politique est ce qui précède l'établissement de normes qui s'imposeront à tous, là où l'éveil spirituel ne peut imposer de contraintes par la loi, sauf à vouloir forger une théocratie plutôt qu'une démocratie. La Spiritualité ne se nourrit pas du prosélytisme de quelques gourous ou philosophes, mais d'un cheminement délibérément choisi par chaque individu. On ne peut demander avec constance de la sincérité, de la conviction et de l'auto-discipline à tous ceux à qui l'on impose par la loi ou la tradition, des croyances religieuses exigeant une certaine transcendance de l'être. La Spiritualité est une voie exigeant le libre arbitre pour être authentique.

Je suis de ceux qui ont foi autant en Dieu, qu'en la permanence de l'âme, mais aussi en une révolution politique favorable au peuple. Mais mes croyances et la philosophie de vie qui s'y rapportent n'engagent que moi et ne sauraient trouver une relation incestueuse avec mes considérations politiques. Autrement, cela reviendrait à semer de la confusion dans les esprits de ceux qui pourraient entendre un raisonnement porté sur des normes à abolir ou créer pour le bien commun, et ce qui consiste à trouver en chacun d'entre nous, une voie nous menant éventuellement à Dieu et à notre moi-profond.

L’appétence de la majorité des Français pour le conditionnement religieux ou partisan reste heureusement marginal, mais tire tout de même sa source d'un certain messianisme. Les Français, y compris dans ce que nous appellerons leur "dissidence éveillée", attendent un Sauveur à dimension christique. Lorsque les marchands du Temple dépècent le pays et l'asservissent à un Empire, on cherchera à défaut d'un Jésus pour rendre Justice, un De Gaulle ou quiconque nous inspirera la foi permettant de trouver en nous la transcendance nécessaire à notre résistance. Mais Jésus ne prétendait pas libérer les juifs du joug romain. S'il revenait aujourd'hui, il ne s'occuperait pas de politique, il se contenterait d'offrir son amour à son prochain. Ne l'attendons donc pas sur les chemins qui ne sont pas les nôtres. Jésus ne reviendra pas pour la Révolution.

Notre Raison et notre Fraternité doivent suffire à cette fin, et ces qualités humaines, nous ne pouvons les trouver nulle part ailleurs qu'en nous-même...

2 commentaires:

  1. Jolie réflexion sur la nécessité d'une spiritualité que l'on pourrait qualifier de laïque, si j'ose dire ... Pt-être que l'image de Jésus présentant son médium n'est pas opportune, pourrait être pénalisante, même, question de sensibilité? !

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  2. Texte solide, carré, honnête et lucide. Entièrement d'accord avec toi: "rendre à César ce qui est à César". Notre problême est politique, nous nous sommes faits rouler par nos politiciens qui ont abusé de notre confiance et de notre négligence, c'est à nous de reprendre le pouvoir à travers une nouvelle constitution, et le Ciel n'a rien à voir là-dedans et ne nous y aidera en rien; Notre première tâche est d'éveiller les distraits, les insouciants, de les inciter à s'informer, à se former, à devenir miltants.
    Bon boulot, Sylvain !

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